Vu l’importance des actions qu’elle compte mettre en place, il fallait au moins ça. Pendant que l’État va résolument s’occuper de vos sous (probablement pour en ponctionner une partie dès qu’il le pourra pour que la fête continue), pendant que l’État va se charger de votre sécurité (avec le brio qu’on peut deviner vu son historique flamboyant), l’Etat va se lancer dans une série de mesures fortes pour économiser de l’énergie comme jamais : l’inamovible Ségolène Royal, encore et toujours ministre de l’énergie, de l’écologie, des petites plantes et des oiseaux qui font cuicui dans la campagne française éco-purifiée, a décidé de renouveler nos radiateurs, de renouveler nos ampoules électriques et de nous faire planter des choux à la mode de chez nous.
Aucun champ d’action ne sera donc laissé en jachère, et comme l’argent des autres continue — semble-t-il — de couler à flot, pourquoi se priver ?
En plus, ça tombe bien, la France a les moyens, notamment de se lancer dans une extraordinaire « Croissance Verte », qui, comme Hulk, va tout péter sur son passage tout en conservant quand même un petit slip pudique (celui des joueurs de pipeau).
Et très concrètement avec des bouts de dépenses réelles dedans, cela va se traduire par une distribution gratuite aux particuliers de « dizaines de milliers » de nouveaux convecteurs en remplacement de vieux radiateurs consommant beaucoup d’électricité. Eh oui : apparemment, fin Août 2015, l’Etat française, sa République et son Peuple souverain viennent de se lancer dans la fabrication et la distribution de radiateurs. Les domaines régaliens, déjà particulièrement distendus pour comprendre l’éducation, la santé et le droit de respirer un air pur, viennent maintenant d’englober le Droit Opposable Au Radiateur Électrique Économe.
En France, décidément, le progrès prend des aspects
« Il s’agit de faire en sorte que la loi de transition énergétique profite aussi directement aux gens, soit populaire. »Le mot « populiste » me semble quant à moi plus adapté, mais baste, passons. D’où viendra le financement de cette opération géniale ? Quelle sera l’impact positif (forcément positif, voyons) des effets de bords que cette mesure va engendrer ? Combien d’opportunistes, de passagers clandestins, de connivences et de petits arrangements entre amis tout ceci va-t-il très joyeusement déclencher ? Nul ne le sait, mais rassurez-vous : au gouvernement, et en particulier au ministère de l’Écologie Machin Truc, ils n’en ont absolument rien à foutre. Ce qu’ils veulent avant tout, au ministère, c’est surtout enclencher un mouvement, une lame de fond citoyenne et festive, quelque chose de puissant qui va cogner du chaton mignon :
« Il y aura plusieurs dizaines de milliers de radiateurs qui seront offerts (…) pour enclencher la citoyenneté écologique«Avouez que vous ne l’aviez pas vue venir, cette « citoyenneté écologique », hein ? Et ne me demandez pas ce que c’est, concrètement, sachez simplement que grâce à elle, vous allez pouvoir vous débarrasser de vos vieux convecteurs rouillés et les remplacer par du matosse étatique flambant neuf, forcément de bonne facture, bien évidemment garanti 5 ans minimum, sans obsolescence cachée cela va de soi, et en parfait respect de l’environnement (écologique mais pas économique, celui-là, on vous dit qu’on s’en fiche).
Une fois sur sa lancée, Ségolène ne s’est pas arrêtée là — faut pas gâcher un beau temps d’antenne, je suppose. Puisqu’apparemment, les radiateurs sont maintenant gratuits, poussons les « économies » encore un cran plus loin en augmentant encore les dépenses de l’État : profitons-en pour distribuer aussi gratuitement des ampoules.
Ainsi, dans l’émission de France 2 où elle sévissait, la ministre a expliqué avec aplomb qu’elle a…
« … demandé à EDF de mettre en place la distribution d’un million d’ampoules LED. Nous allons commencer par les personnes à petite retraite qui pourront venir dans les mairies échanger deux ampoules contre deux ampoules LED.»Après l’État régalien, l’État protecteur, l’État stratège, et l’État vendeur de radiateurs, voici l’État visseur d’ampoules LED, avec l’argent qu’on n’a pas. C’est absolument génial, ces distributions gratuites d’objets qui ne coûtent rien. On attend avec impatience la prochaine distribution de portiques. Le stock est conséquent…
Bon, le hic, c’est qu’en ce moment, le dispositif n’est pas encore totalement finalisé (ce qui veut dire que tout, encore, peut arriver, et arrivera donc avec certitude et facture finale salée), et qu’il ne concernera que les « territoires à énergie positive pour la croissance verte », dont le vocable laisse si délicieusement penser à l’une de ces charlataneries à base de pierres cristallines purificatrices entrant en résonance avec les chakras du contribuable.
À ce point du billet, le lecteur moyen, lucide, sait que des douzaines de chatons sont morts pour arriver à la production d’un tel paquet d’inanités rocambolesques. Malheureusement, nous sommes avec Ségolène Royal et le massacre continue donc : toujours plus loin, plus fort, plus gratuit, elle a a annoncé aujourd’hui que les mille premières écoles à mettre en place un plan de lutte contre le gaspillage alimentaireseraient dotées d’un potager.
« Je vais lancer un appel à projets auprès de toutes les écoles, collèges, lycées. Les mille premières écoles qui feront un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire — parce que ça fait partie aussi de l’éducation à l’environnement — seront dotées d’un potager, d’un coin nature »Mais ouiiiii, c’est absolument indispensable en plus de l’éducation à la citoyenneté, au vivrensemble, au consentement à l’impôt, à l’égalité, à la solidarité, à la poterie, au macramé, aux études de genre et autres recherches du gain d’un duel médié par une balle ou un volant ! L’école, le collège et le lycée républicains ne pouvaient absolument pas se passer ni d’une éducation à l’environnement, ni d’une lutte contre le gaspillage alimentaire, ni, bien sûr, d’un potager et d’un coin nature (dans lequel les plants de chanvre rigolo pourront s’épanouir) ! La lecture, l’écriture et le calcul ? C’est comme pour les effets de bords indésirables, le ministère n’en a absolument rien à carrer, tant que ces potagers seront bien évidemment aux normes en vigueur en France (attention aux pesticides, les enfants), avec principe de précaution et sans gaspillage, merci.
Cruelle réalité et cruelle économie qui ne se préoccupent pas des injonctions ministérielle ! Royal n’ayant finalement aucune prise sur ces éléments, admettant implicitement devant ces mesures consternantes sa parfaite inutilité, se condamne à tenter d’occuper le décor en brassant toujours plus d’air, en engageant, à nos frais, toujours plus d’actions ridicules, en étendant tous les jours les domaines d’intervention de l’État.
Le ridicule ne tue pas, mais il finit par coûter une blinde.