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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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Les tendres quotas de la SACEM

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La catastrophe a été évitée, mais de justesse. Non, je ne parle pas, ici, d’un acte terroriste, d’une manifestation qui dégénère ou de fans de foot un peu trop alcoolisés, mais de chanson française : le 24 mai dernier, grâce à l’amendement judicieux de Audray Azoulay, apparemment ministre de la Culture, leurs quotas de diffusion ont pu être conservés. Ouf !

Il faut dire qu’en mars dernier, un précédent amendement voté à l’Assemblée nationale autorisait une gestion plus souple des quotas de chansons francophones pour les radios qui prendraient « des engagements en matière de diversité musicale » ce qui n’a pas manqué de faire immédiatement pousser des hurlements de douleur à une partie de la filière musicale (artistes, producteurs et éditeurs) tendrement attachée à ces quotas qui imposent aux radios de diffuser 40% de chansons « d’expression francophone ».

Heureusement donc, le 24 mai, Azoulay intervenait avec un amendement « de compromis » en ajoutant une bonne grosse louche de conditions à l’invraisemblable tempête de liberté que le précédent amendement venait d’introduire par mégarde et sans le moindre contrôle. À présent, moduler les quotas ne sera possible pour les radios qu’en programmant 45% de nouveautés et si elles s’engagent à ne jamais diffuser un même titre plus de 150 fois dans le mois (ce qui fait cinq fois par jour). Cerfa à remplir ici. Signez-là. Merci. Z’êtes en ordre, v’pouvez circuler.

Des quotas bien pratiques pour certains

C’est dans ce contexte (de simplification !) ô combien tendu que Jean-Noël Tronc, le directeur de la SACEM, nous livre ses perles de pensées au cours d’un entretien qu’il a accordé au Journal Du Dimanche.

sacem logo

Et pour le brave Jean-Noël, il était temps que la ministre intervienne tant était menacée la chanson française. D’ailleurs, c’est bien simple, il n’y va pas par quatre chemins puisqu’il le dit, les quotas, « c’est la mère de toutes les batailles » notamment parce qu’en vingt ans, ils auraient prouvé leur efficacité…Leur efficacité à quoi ? Probablement à produire de l’artiste formaté, qui pourra passer en boucle sur les radios commerciales. Probablement à aider le décollage d’un fils ou d’une fille d’artistes déjà connus. Probablement à assurer le succès (là encore commercial) d’artistes qui pondaient déjà de la galette musicale bien avant l’instauration de ces quotas.

Plus probablement encore, ces quotas ont largement prouvé leur efficacité à maintenir un système dont on ne peut pas dire qu’il se renouvelle beaucoup : pendant que les radios généralistes bourrent leurs quotas en passant en boucle quelques tubes faciles, les radios spécialisées sont plus qu’à la peine et abandonnent souvent en rase campagne. Il n’y a pas assez de Français dans le style électro, latino, jazz (par exemple) pour satisfaire ces quotas, et le CSA se voit donc contraint de multiplier les mises en gardes (22 en 2015) sans pouvoir réellement sanctionner les diffuseurs en panne sèche.

quotas de chanson française - mère de toutes les batailles

Bien évidemment, ce désert francophone échappe à la joie pétillante de notre aimable Tronc qui continue, frétillant d’aise, à nous fournir quelques croustillants arguments en faveur des quotas :


« Si Zaz ou Maître Gims triomphent à l’étranger avec des chansons en français, c’est aussi grâce aux quotas »

Tant mieux pour Zaz et Maître Gims, bien qu’on puisse tout aussi légitimement frémir à l’idée que ce sont ces deux artistes qui portent le flambeau de la francophonie dans le monde…

Cependant, le saut logique entre leurs performances étrangères et les quotas laisse un peu perplexe, d’autant plus qu’à l’étranger, on ne dispose pas de quotas de titres francophones (au plus grand regret de Jean-Noël, soyez-en sûr). Autrement dit, il est assez probable que ces titres marchent parce qu’ils auraient marché de toute façon, indépendamment des quotas français ou non. Consolons-nous en nous disant que l’oreille française est finalement formatée comme n’importe quelle autre oreille européenne, et qu’un tube commercial hexagonal a donc toutes ses chances ailleurs, nonobstant la langue dans laquelle les couinements sont émis.

Du reste, le Français le plus vendu en musique actuellement, c’est David Guetta.On peut aussi évoquer Daft Punk, régulièrement bien placé… Dans les deux cas, on pourra supposer que leurs textes poétiques dans un français immaculé expliquent le succès. Passons.

Pour Tronc, l’autre raison de conserver ces quotas, c’est qu’ils compensent une affreuse situation :

« Il n’y a jamais eu de TVA à taux ­réduit pour les disques comme c’est le cas pour les livres. »

Pour le coup, Jean-Noël a raison et c’est, effectivement, un scandale. En pratique, tout (et pas seulement les livres et éventuellement les disques) devrait être avec une TVA de taux aussi réduit que possible, zéro étant une option à mettre sur la table (ce qui serait délicat seulement si l’État faisait de grandes et belles choses avec l’argent récolté – heureusement, on en est loin).

Malgré tout, on peut assez raisonnablement imaginer que si le taux de TVA réduit était appliqué aussi à la musique, Jean-No ne reviendrait tout de même pas sur ses précieux quotas. Parce que ces quotas, c’est surtout l’assurance essentielle, primordiale pour sa boutique, que des titres passeront en radio. Eh oui, il ne faudrait pas oublier que notre Tronc est le président de la SACEM et que ces quotas, c’est une façon simple de verrouiller une rente de situation, et par là même, son salaire. Il est habile, notre ami Jean-No, et c’est aussi pour cela qu’il ne laissera pas les radios expliquer que ces quotas reviennent à « une mise sous tutelle » de leur programmation.

♩ ♪ Taratata, exagération ♫ que tout cela ♪ !

« Elles restent libres de leur programmation. On ne demande pas à NRJ de devenir FIP. Il s’agit juste de limiter des excès. »

Excès qui sont – ça tombe bien – définis précisément par le législateur dont il a, lui et le lobby des producteurs et éditeurs de musique, toute l’oreille attentive. Eh oui : le hasard fait parfois bien les choses mais il n’a ici aucun rôle à jouer. Et par le truchement de ce législateur piloté, les radios deviennent les diffuseurs obligés de productions et d’éditions choisies par d’autres que les actionnaires de ces radios, et d’autres que les consommateurs. Quand le gouvernement ne sait pas ce qui est bon pour vous, rassurez-vous, l’un ou l’autre lobby, lui, le sait.

Un système sans quota est possible

Malgré tout, les arguments déployés par notre thuriféraire étatique pèchent assez violemment dès lors qu’on regarde un peu au-delà du monde feutré et particulièrement atavique de la musique française et qu’on se penche par exemple sur le biotope en pleine ébullition des chaînes de vidéos à la Youtube.

En effet, il n’existe pas de quotas sur ces chaînes, la diffusion de vidéos y est entièrement libre, et pourtant, malgré l’omniprésence écrasante, monstrueuse, énorme et gigantesque des youtubers anglophones, de nouveaux talents franco-franchouilles émergent qui s’en sortent furieusement bien.

youtube demotivator

Tellement bien qu’ils touchent des millions de personnes à chaque vidéo, et le tout sans passer par les producteurs et éditeurs traditionnels. Pas de quotas pour eux, pas de CSA, pas de législateur pointilleux, pas de jolie régulation, mais renouvellement, nouveauté et succès sont malgré tout au rendez-vous.


Oh. Comme c’est surprenant !

Il faut se rendre à l’évidence : le système de quotas a surtout permis à une clique de se maintenir (notamment au niveau de l’édition et de la production), clique qui montre une endogamie assez poussée. Quant aux artistes, si on élimine tous les vieux briscards et autres éternels retours aux voix parfois éraillées, si on enlève les fils et les filles d’artistes déjà connus, on se retrouve essentiellement avec quelques petits jeunes découverts à la faveur d’une télé-crochet, et quelques rapeurs plus ou moins douteux. Où sont les stars internationales à la Céline Dion (qui, ironie du sort, ne chante pas toujours en français) ? Où sont les paroliers rivalisant avec Brassens ?

Heureusement, la réalité rattrape doucement ce marché. À mesure que les générations se renouvellent, de moins en moins de jeunes iront chercher à la radio l’artiste qu’ils souhaitent écouter. Les quotas n’y changeront rien : les stars de demains ne seront plus issues de la télé ou de la radio.

Quelque part, ça doit chiffonner Jean-Noël…


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