Et nous apprenons donc qu’à peine fixée la politique énergétique de la France pour les 100 prochaines années ou à peu près, le président Hollande s’est vite rendu dans le Finistère pour aller rencontrer un ami des puissants, l’un de ces sémillants capitalistes qui connaît bien les rouages de l’administration et du pouvoir républicain pour s’assurer de juteux contrats, j’ai nommé Bolloré. Ce dernier accueillait le brave François dans son usine de batteries, ce qui a donné au Président des Bisous et des Interventions Militaires l’occasion de s’exprimer longuement sur la révolution industrielle majeure que constitue, à n’en pas douter, ces stockages électriques innovants.
Dans le porridge froid qui construit des raisonnement entre les oreilles du président, ces batteries constituent en effet un des moyens de parvenir au but parfaitement grotesque qu’il a fixé dans le cadre de la deuxième conférence environnementale à laquelle il venait de participer précédemment, après une distribution de hochets républicains à des maris violents et un bain de foule aussi loin que possible de son peuple. Pour rappel, le but en question est de réduire de moitié (oui, oui, de moitié) la consommation d’énergie en France d’ici à 2050, date qui le met confortablement à l’abri de toutes représailles pourtant logiques et prévisibles.
Jusque là, me direz-vous, on est dans l’enfilade des perles d’idioties habituelles à ce genre d’exercice : Hollande fait de la représentation, mais il n’a, soyons franc, absolument aucune idée du sens profond des mots qu’il assemble, au petit bonheur la chance, à l’orée de sa bouche pour faire des phrases dans les petits babils rigolos qu’il profère après chaque repas arrosé. Cette fois-ci, il avait vaguement souvenir qu’il fallait brosser de l’écolo dans le sens du poil bio, tâche qu’il aura donc remplie avec la morne platitude qui le caractérise.
Cependant, on ne peut s’empêcher de tiquer.
Je passe, bien sûr, sur l’aspect « gosplan » de cette décision autocratique molle de réduire la consommation d’autant en un nombre fixe d’années, avec des petits graphiques ici et là, des rapports de l’INSEE et du CEA pour savoir où on en est et des objectifs atteints à 108.42% tous les ans (importance des deux chiffres après la virgule, pour faire plus solide). C’est parfaitement ridicule, mais la République sait glisser gentiment sur ce genre de clowneries. D’ailleurs, aucun journaliste n’a tiqué ni ne tiquera sur ça.
En revanche, le président, évoquant les Autolib’ et la « logique de partage » qui les
« Vous ne saviez pas que vous étiez en train de faire le socialisme, Vincent Bolloré, mais que le socialisme a besoin du capitalisme pour y parvenir »Pour de la blagounette hollandaise, c’est de la blagounette hollandaise : le président admet ici, parfaitement à l’aise, que le socialisme ne peut se passer de capitalisme, et que Bolloré remplit une fonction d’aide au socialisme qu’il ne soupçonnait pas. On ne peut s’empêcher de penser qu’en fait de blagounette, Hollande s’est ici contenté de décrire la réalité, et que cela passe d’autant mieux auprès de tout le monde que personne n’a plus guère les clefs pour comprendre le message pourtant évident.
En effet, après des années à avoir seriné dans tous les médias que le turbo/ultra/néo-libéralisme était partout, quand bien même personne ne s’en réclame, que tout le monde le fustige et que chaque journaliste ou chaque politicien fait assaut d’ingéniosité pour prouver à quel point il est éloigné de ce dogme abominable avec des renards libres dans des poulaillers libres, après des années à s’être lamenté que le monde était vraiment trop capitaliste et trop libéral, les gens ont fini par le croire. Dès lors, lorsque se présente un cas flagrant d’entente douillette entre le capitalisme de connivence et un socialisme parfaitement débridé, personne ne le remarque. Lorsque le président admet, devant tout le monde, que Bolloré ne doit sa fortune que grâce a son fricotage permanent avec l’État, tout le monde trouve ça mignon ou rigolo ! Après tout, c’est l’argent des contribuables, alors franchement, qu’est-ce que ça peut bien faire ?
On a ici la démonstration que l’État étant partout, les seuls qui arrivent encore à s’en sortir sont ceux qui n’ont pas hésité à coucher avec le léviathan. Et lorsqu’un type comme Hollande le dit ouvertement, tout le monde trouve ça normal : le socialisme, c’est supayr, le capitalisme de connivence, c’est trop de la balle, et roulez jeunesse. Peu importe ici que se soit soldé par un échec systématique, à plus ou moins long terme, chaque occurrence, dans le monde, tant du socialisme que du capitalisme de connivence : en France, vous verrez, ça marchera. C’est ça, l’exception culturelle truc machin.
Certains penseront que c’est un cas particulier. Que nenni : la force de l’actualité, c’est de proposer, dans une de ces collisions néfastes que j’évoquais en introduction, un autre exemple simultané de ce genre de socialisme décontracté qui aboutira, inévitablement, à la catastrophe. Et pour ne pas changer une équipe qui perd, prenons à sa tête l’inénarrable Jacques Attali qui produit du rapport commandé comme d’autres des batteries de voitures électriques.
Dans un récent exercice (il en fait presqu’un par an, le brave pipoconomiste), il s’est donc livré une nouvelle fois aux élucubrations prospectives dont il est routinier. Le but de la manoeuvre est, comme d’habitude, de dresser les tendances économiques à suivre pour les 10, 20 ou 50 prochaines années. On peut admirer l’obstination que le brave Bricoleur d’Improbable déploie à chaque fois qu’on lui demande un tel rapport, pour arriver à fournir des purées parfumées toujours différemment dans d’épais papelards qui viendront caler les innombrables armoires des palais républicains.
Cette fois-ci, le jus de cervelas attalesque aboutit à la conclusion que l’économie n’est pas assez positive. A mi-chemin entre l’ouverture de chakras et le magnétisme des cristaux telluriques, Attali nous explique donc avec le plus grand sérieux que — je cite texto, c’est suffisamment pathétique :
« l’altruisme envers les générations futures est un moteur plus puissant que l’individualisme animant aujourd’hui l’économie de marché ; il faut un capitalisme patient, orienté vers la prise en compte des enjeux de long terme. »Oui, encore une fois, vous venez de lire de l’Attali dans le texte — je sais, ça pique, j’aurais du prévenir — avec de vrais morceaux de gloubiboulga survitaminé dont l’épaisseur permet d’enrober les platitudes les plus banales : une économie « positive » et un capitalisme qui visent le long terme, des générations futures pleine d’avenir, c’est vraiment excitant tout ça. Sur le plan pragmatique, bien sûr, cela se traduira par une nouvelle fournée d’interventionnisme voire une bonne dose (létale) de collectivisme décontracté : l’entreprise appartient « en apparence » aux actionnaires, donc on va redresser tout ça à coup de participation des uns et des autres (et surtout ceux qui n’ont pas mis d’argent) dans l’histoire, histoire de rendre tout ça très très « positif » ; les actuelles définitions de dirigeant d’entreprise sont vraiment pas bisou, on va retailler tout ça à coup de serpe pour qu’on réduise un peu l’affreux pouvoir qu’ils ont sur leur création ; etc… sans oublier quelques nouveaux indicateurs qui mâchouillent du chaton, et voilà l’affaire.
C’est juste consternant mais tout à fait raccord, finalement, avec les déclarations de Hollande : en Socialie, il n’y a pas de raison d’introduire de limites dans ce qu’on peut tripoter, modifier, bafouer ou renverser, tout est permis, tout est réalisable surtout que c’est avec votre argent, inépuisable.
Et l’aspect profondément collectiviste des propositions d’Attali, ou le côté délicieusement soviétique du planisme hollandiste en matière d’énergie, ou les réparties chaleureuses sur le socialisme et le capitalisme de connivences n’entraînentaucune réaction de la part des journalistes qui sont eux-mêmes tous acquis à la Cause : la France, la médiatique et la politique, tout au moins, est maintenant complètement subjuguée, captivée par ces idées du passé qui ont systématiquement foiré et entraîné misère et malheur pour les peuples qui y ont goûté.
L’esprit de dépendance à l’état est même si ancré qu’on constate, navré mais pas surpris, que la moitié des retraités réalisent avoir surestimé le revenu qu’ils percevront pendant toute leur retraite, s’étant bien trop reposés sur le léviathan pour assurer leurs vieux jours (les naïfs).
Le pays est, effectivement, livré aux idéologues, aux technocrates, aux lobbyistes et aux ronds-de-cuir médiocres. Le peuple, consciencieusement abêti depuis des lustres et tenu le plus possible à l’écart des décisions le concernant, se laisse mener gentiment à l’équarrissage. Hollande le dirige, Attali l’encourage et Bolloré fournit l’usine.
Ce pays est foutu.