Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en matière de communication, nos deux oiseaux s’entendent très bien pour émettre des informations précises et pointues sur leurs sujets de prédilections, sujets qui auraient pu être la tartiflette ou les jeux de dames vu la versatilité de l’élite qui nous gouverne, mais qui sont – pas de bol – internet et cette sensation qui ne s’appelle pas Coke mais redressement productif.
Prenez par exemple et délicatement Fleur Pellerin. Pimpante ministre déléguée d’un gouvernement qui se cherche encore pas mal dix mois après son accession au pouvoir, elle est en charge des PME, de l’innovation, de l’économie numérique, des réseaux sociaux, des interwebs et des lolcats. Elle intervient donc régulièrement sur Touitère, ce petit réseau social rigolo où quand tu mets une petite phrase en moins de 140 caractères, là, oui, voilà, tu cliques ici et hop ça part et tout le monde sait ce que tu penses c’est géniaâal tiens regarde on va retouiter celui-là il est rigolo et ça contient une image de chat mignon et hi hi hi oh pardon je n’avais pas vu que vous étiez là ahem broum broum bref, tout ça pour dire que la communication, ça la connaît.
Et il vaut mieux parce qu’actuellement, il s’agit, pour justifier les émoluments liés à son maroquin, de traiter du délicat sujet de la mise en coupe réglée d’internet, ou plutôt, de la découpe régulée au plus grand profit des fournisseurs d’accès. Si cela a l’odeur d’un lobbying éhonté de nos principaux
En substance et comme le dévoilait il y a quelques jours BFM Business et PcInpactgrâce à la fuite d’un rapport confidentiel, l’idée générale consistait à taxer les hébergeurs de vidéos tels que YouTube et Dailymotion, et à proposer une segmentation des forfaits internet. Si l’idée d’un forfait « à la carte » (où les accès de base sont moins chers que les accès étendus à certains sites, plus consommateurs de bande passante, par exemple) avait été propulsée par un premier acteur sur le marché, comme une offre originale avec des tarifs réellement attractifs, et sans que cela modifie les contrats déjà passés, entrant ainsi en concurrence avec d’autres modèles de contrats et de découpages des autres fournisseurs d’accès, il n’y aurait probablement rien eu à dire si ce n’est observer la réaction du marché, compter les points et en tirer les conséquences en terme d’offre marketing.
Mais dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’une initiative dont on sent qu’elle ne fonctionnera qu’avec l’appui des Panzer-divisions communicationnelles du gouvernement tout prêt à cirer le parquet du secteur des télécoms pour que leurs bonnes idées glissent mieux jusqu’au
Si l’on y ajoute l’obsession compulsive des socialistes de tous bords de taxer Google et Facebook, on comprend que les ministres ne lâcheront pas l’affaire facilement. On s’étonne du reste que, si les anti-sarkozystes bavaient dès qu’un membre de son gouvernement tentait des choses sur internet (pour merder lamentablement, il est vrai), les mêmes gardiens vigilants des bonnes conduites sur le réseau ne soient pas déjà montés à l’assaut de la Fleur devant les boulettes qu’elle accumule. Mais on sait qu’elle est dans le Camp du Bien, donc passons. Dès lors et puisque la fuite a eu lieu, il faudra un petit touite ou deux pour remettre les choses au clair : nan d’abord, le rapport confidentiel c’était juste un ballon d’essai pardon un brouillon de travail des services
Moui. Bon. Bref. Si certains ne laissaient pas traîner bêtement leurs fichiers à gauche ou à droite, la pauvre Fleur ne serait pas obligée de se la jouer donneuse de leçons sur les internets avec du hashtag qui cogne. Ceci posé, si cela ne camoufle pas complètement les tentatives assez grossières d’intrusion de l’État, une fois de plus, sur le réseau des réseaux, cela permet au moins de détourner un peu l’attention des journalistes sur des questions annexes.
C’est pratique, la communication internet. Dans les mains des ministres, cela reste un tantinet pathétique.
Et d’ailleurs, même lorsqu’on s’écarte des nouvelles technologies, la maîtrise des outils n’est pas meilleure. Arnaud Montebourg vient d’ailleurs à point nommé pour illustrer cette tendance : de la génération précédant celle de Fleur Pellerin, on pouvait s’attendre à un repli stratégique de l’effervescent individu dans une communication plus traditionnelle et d’autant plus huilée. Il n’en est rien : même dans ce cas, c’est parfaitement consternant. Il n’atteint certes pas le niveau de son N+2 (le Président lacté au délicieux nappage caramel), dont on aura pu mesurer, la semaine dernière, toute l’étendue de la nullité, et qui, pour enfoncer le clou, aura remis ça cette semaine en tentant de récupérer le succès d’Airbus (et en échouant misérablement). Mais on comprend que les internets et les lolcats, c’est vraiment pas son truc, et que la diplomatie est un mot qui lui est parfaitement étranger, ce qui ne surprendra personne au vu de l’affaire Titan.
En effet, on apprend que le brave Arnaud, calculette à la main, estime avoir sauvé près de 60.000 emplois en France grâce à ses efforts frénétiques :
« Depuis mon arrivée, nous avons sauvé 59.961 emplois sur 70.909 postes menacés »On admirera au passage, au milieu de l’habituel gloubi-boulga intellectuel qui sert de fil rouge aux raisonnements des ministres, la précision diabolique du calcul, et on attendra avec impatience le détail des emplois menacés, de ceux qui furent sauvés et des circonstances qui permettent d’attribuer tout ça au remuant ministre. Le plus drôle est d’écouter, béat de sa propre admiration, le même Montebourg expliquer sans rire que, je cite :
« Nous rebâtissons, comme à l’époque des grands plans pompidoliens. On renforce tous nos points forts et on unifie les forces par filières autour de projets d’avenir. Notre politique est celle d’un colbertisme participatif. »Las. Toujours avec cet entregent caractéristique des cuistres et des fats, le ministre n’avait pas même fini de refermer sa mâchoire, pendante d’admiration devant sa propre puissance intellectuelle, que l’INSEE venait à sa rescousse en annonçant calmement que la France avait perdu, en 2012, près de 100.000 emplois. Manifestement, le colbertisme participatif, ça marche moyen.
Il faut se résoudre à l’évidence : ni Pellerin, ni Montebourg (ni Hollande dont ils s’inspirent un peu trop) ne semblent maîtriser leur communication, ni ne semblent pouvoir montrer une réelle compétence en économie, ce qui est tristounet pour une ministre déléguée à l’économie numérique (eh oui : à ce poste, on ne peut pas tout miser sur le seul numérique) et encore plus accablant pour le ministre d’un redressement de plus en plus hypothétique. L’interventionnisme débridé et le colbertisme avoué (!) qu’ils prônent avec décontraction montrent qu’ils en sont encore restés aux schémas erronés d’un XVIIème siècle vraiment pas disco. On comprend, bien sûr, que leur intérêt, pour le coup, est lui parfaitement sauvegardé avec cette attitude qui frise l’autisme devant les échecs cuisants que ces méthodes encaissent depuis des lustres. Mais le bénéfice pour le plus grand nombre, lui, continue de se faire attendre.
Heureusement, leurs atterrantes boulettes communicationnelles nous font bien rire.