H16
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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !
J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...
Alstom, GE et Montebourg-la-bricole
Audience de l'article : 1061 lecturesCette histoire aurait pu être celle de Nokia dont son activité « téléphones portables »vient d’être rachetée par Microsoft : après des mois de procédures pour faire valider le rachat par les autorités de la concurrence du monde entier, le géant du logiciel a officiellement racheté le dernier fabricant européen de smartphones, pour un peu plus de cinq milliards et demi d’euros. Selon l’accord, Microsoft utilisera probablement la marque Nokia pendant encore quelques mois avant de la faire disparaître, probablement au profit de Microsoft Mobile. Il est bon de noter que Nokia, qui continue à exister au travers de ses autres activités et notamment de Nokia Solutions and Networks (NSN), a l’interdiction de vendre des téléphones durant cette même période.
Mais ce n’est pas cette histoire qui m’intéresse.
En effet, lorsque le géant du logiciel a décidé ce rachat, il s’est essentiellement agi d’une opération commerciale et boursière. On peut bien évidemment parier sur d’intenses négociations entre les différentes parties prenantes, tant les firmes finlandaise et américaine ont intérêts à s’accorder. Mais en tout cas, les autorités finlandaises ne sont pas intervenues. Peut-être, compte tenu de la taille du conglomérat finlandais, y a-t-il eu des pressions ou des arrangements entre le gouvernement et les dirigeants de Nokia, mais rien n’en a filtré. Plus simplement, on peut aussi admettre que ce gouvernement a laissé les actionnaires se débrouiller selon leur meilleur intérêt.
En France, on observe un événement assez similaire : on apprend, de source incertaine mais tout de même, avec des petits bouts de rumeur bien insistante, que General Electric, le conglomérat américano-canadien, aurait proposé de racheter Alstom, pour la modique somme de 9,4 milliards d’euros — soit 25% de plus que le cours de bourse, au passage –, somme bien vite démentie par le groupe de Patrick Kron qui ne veut pas du tout être dilué dans un truc beaucoup plus gros que lui.
La rumeur une fois connue et confirmée, deux phénomènes apparaissent : d’une part, les journalistes s’empressent de fourrer leurs gros micros mous sous le nez des politiciens, à commencer par celui de Valls et de Montebourg, le frétillant ministre de l’industrie et des pilules bleues qui aident à la reproduction, afin de bien leur faire comprendre qu’il était impératif qu’ils s’expriment. D’autre part, ces mêmes politiciens ont évidemment répondu aux questions posées en apportant une saine dose de « Pas De Ça Chez Nous » à laquelle, il faut bien le dire, les journalistes s’attendaient.
Si je souligne ces deux acteurs (les journalistes d’un côté, les politiciens de l’autre), c’est parce que leur interaction est ici essentielle : les journalistes n’auraient pas été titiller les politiciens s’ils n’avaient pas senti que ces derniers s’empresseraient de réagir ainsi, et les politiciens se seraient probablement bien passés de faire le moindre commentaire si les journalistes n’étaient pas venus les voir. Et c’est d’autant plus vrai que chacun des deux ont un intérêt à réagir ainsi : les pisse-copies ont bien du mal, actuellement, à enchaîner la moindre analyse pertinente sur la situation politico-économique française (ou, pire encore, sur les enjeux de la prochaine élection européenne) et les politiciens, de leur côté, n’existent pas s’ils n’ont pas leur nom quelque part dans l’un des milliers d’articles que la presse subventionnée produit tous les jours pour faire semblant d’informer son lectorat.
La situation ainsi campée, il était donc inévitable que Valls puis Montebourg s’expriment.
Pour Valls, l’affaire fut réglée par une pirouette : « je m’exprime bruyamment pour dire que je ne vais rien dire. Ainsi, j’existe médiatiquement et mon non-communiqué sera amplement repris pour dire, après analyse, que je n’ai rien dit » avec le bonus de se laisser une voie d’intervention possible : « Nous sommes attentifs », ce qui veut dire que si jamais General Electric devait fauter, hop hop hop, le gouvernement interviendrait. Epic win et tout ça.
Pour Montebourg, bien sûr, il s’agissait de montrer que la France, éternelle et merveilleuse, n’allait pas se laisser faire ainsi. Dès la rumeur connue, les coulisses s’agitèrent. L’idée générale est toujours la même : les actionnaires d’Alstom, parmi lesquels on put compter l’État avant qu’il revende ses parts à Bouygues, ne sont pas assez malins pour savoir ce qui est bon pour eux. Le gouvernement, fermement cornaqué par le fier Arnaud, lui, sait qu’il ne faut pas qu’un groupe étranger, à plus forte raison américain, entre au capital ou le rachète entièrement, parce que … parce que c’est mal, voyons, c’est évident. Dès lors, une saine « préoccupation et une vigilance patriotiques » sont nécessaires, ce qui se traduit par des approches de plus en plus lascives vers … Siemens.
Tout ceci est confus ? Rassurez-vous, tout est hors contrôle, Montebourg est aux commandes et appuie sur tous les boutons, les gros leviers et les petites volants pour obtenir un truc, n’importe quoi, qui puisse se médiatiser sous la forme d’une réussite, de près ou de loin. Et si ce n’importe quoi passe par l’exacte antithèse de ce qui nous a été vendu il y a quelques années par Sarkozy (qui s’est, rappelons-le, « battu » — avec l’argent des autres — pour qu’Alstom reste 100% français), eh bien tant mieux : allons voir Siemens qui sera certainement ravi de former un « partenariat » avec la société française, pardi ! Partenariat d’autant plus fructueux que là où General Electric peut s’avérer complémentaire à Alstom en Europe, Siemens lui est directement concurrent, ce qui promet des décisions douloureuses au niveau des salariés…
Décidément, rien de plus jouissif pour un politicien que faire l’exact contraire de ce qu’un concurrent fit jadis, surtout si cela permet, même vaguement, de modifier le cours normal des choses et d’intervenir avec fracas dans la vie de milliers de personnes ! Peu importe que le résultat soit probablement sous-optimal pour ceux qui ont un intérêt direct dans la société (actionnaires, salariés, fournisseurs et clients) : l’État (et en particulier Montebourg) a une idée précise de ce qu’il convient de faire (à savoir s’agiter), idée bien mieux renseignée que ces différentes parties prenantes, évidemment !
Il est particulièrement éclairant de voir le calme et la pondération qui ont accompagné le rachat de l’activité téléphonique de Nokia par Microsoft d’un côté, et l’effervescence journalitico-politique lorsqu’il s’est agit d’Alstom par General Electric. Que le premier rachat se situe en Finlande et le second en France explique seulement en partie la différence de traitement ; ne nous leurrons pas, les Français sont latins et on les voit mal rester de marbre lorsqu’un changement d’importance arrive. Mais comment qualifier l’intervention de l’État et de ses sbires dans cette affaire si ce n’est par « ingérence » ? Sous prétexte de « sauver » de l’emploi en France, des tractations et des pressions sont faites en dépit de tout respect du droit de propriété et, surtout, de toute discrétion qui devrait entourer des affaires de cette importance.
Pire : comment justifier ces changements de politique industrielle (un coup Siemens est le diable, un autre un partenaire valable) ? Comment n’y pas voir la frénésie du court-terme, les petits arrangements à la va-vite, la connivence, le bricolage voire la panique ? Comment croire que toute cette agitation n’aura aucun impact sur la viabilité de l’entreprise ? Et surtout, comment imaginer, avec l’historique catastrophique de l’Etat en général, et de Montebourg en particulier, que ces excitations se termineront bien ?
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