Construction, union, intégration, désintégration, dislocation, et explosion… voilà quelles pourraient être les différentes étapes de la vie à la mort de l’Europe tant l’ensemble européen est désormais à la croisée des chemins, coincé entre plus d’intégration (ce qui est actuellement souhaité) et la tentation de la désintégration où chaque pays membre, en particulier de la zone euro, souhaiterait pouvoir retrouver quelques marges de manœuvres monétaires pour adoucir des politiques budgétaires qui se doivent, face aux tombereaux de dettes souveraines accumulées et à l’absence de croissance, de devenir restrictives.
En Europe, le temps est comme suspendu, depuis en réalité 2011 rien n’a fondamentalement changé. Certes la BCE a permis de faire gagner du temps à nos dirigeants en leur offrant une trêve dont nous ne pouvons, en tant que citoyens, que nous féliciter car l’hypothèse de la désintégration suivie de la dislocation et de l’explosion de la zone euro dans un contexte non contrôlé, croyez-moi, ne serait pas une promenade de santé. Mais rien n’a changé. Ce qui fait les défauts de l’euro monnaie unique appliquée à des économies hétérogènes est toujours là.
Nous avions le choix donc entre plus d’intégration ou commencer la désintégration contrôlée, une dislocation progressive et en bon ordre de la zone euro. Nous n’avons fait ni l’un ni l’autre et c’est cette absence de grande politique économique qui va revenir nous hanter dans les prochains mois ou les prochaines semaines (donner tout délai est absurde dans un tel contexte où personne ne maîtrise rien).
Nous arrivons à un moment où les USA, bien ou pas, annoncent de plus en plus clairement un resserrement de leur politique monétaire et une augmentation de leur taux d’intérêt. Cela ne manquera pas d’affecter les marchés aussi bien boursiers qu’obligataires car si les taux montent, si l’argent américain mis à disposition par la FED est moins abondant, plus cher, alors cela incitera les investisseurs à plus se positionner sur les obligations que sur les actions. Les bourses baisseront alors qu’elles ont atteint et dépassé, en particulier pour les marchés américains, tous leurs plus hauts historiques. Je passe également sur les risques géopolitiques actuels.
Alors doit-on croire à un resserrement monétaire américain ?
Avant l’été, je vous aurais encore dit ce n’est pas possible… Maintenant, à la rentrée, en septembre, j’ai tendance à penser qu’ils « vont le faire »… mais que ce n’est toujours pas possible. Laissez tomber cette histoire de croissance américaine ou pas, de reprise de l’emploi ou pas… car en cas de remontée des taux, le problème n’est pas tant celui de la croissance (qui sera tout de même assez vite étouffée car la reprise économique aux États-Unis est tout sauf saine et solide) que celui de l’endettement. Les Américains sont endettés à taux variables : lorsque les taux sont bas c’est une bouffée d’oxygène. Une remontée ? C’est l’asphyxie généralisée (du marché immobilier, des cartes de crédits ou encore des prêts étudiants). La croissance chutera donc avec une augmentation des taux. Mais que penser de la dette de l’État américain ? Avec 17 000 milliards de dollars d’endettement, 1 % de taux en plus c’est… 170 milliards de dollars de plus à trouver pour le gouvernement US… 170 !Je persiste donc à penser qu’ils ne monteront pas leurs taux ou alors de façon symbolique une ou deux fois avant de les rebaisser aussi vite, comme l’avait fait Jean-Claude Trichet en pleine crise et juste avant de passer le flambeau à Mario Draghi qui lui avait pris rapidement le contre-pied. Si les Américains montent vraiment les taux, alors ils créeront de toute pièce et volontairement une nouvelle crise économique.
L’Europe n’est pas seule au monde
En faisant tourner la planche à billets, en mettant les taux à zéro au moment même où les Américains veulent augmenter les leurs, l’Europe obtient logiquement une baisse de sa monnaie par rapport au dollar. C’est une excellente nouvelle pour les exportateurs qu’il nous reste… car beaucoup, hélas, ont fait faillite sauf peut-être en Allemagne et encore. Mais si les Américains vont moins bien et que les Chinois ne sont pas au mieux de leur forme, à qui exporterons-nous ?Mais ce n’est pas tout. Si l’on peut avoir de la dette américaine à 4 % et de la dette française à 0… franchement, vous placez où votre argent ? Or le véritable problème qu’une augmentation des taux US va poser à l’Europe, c’est bien sûr le financement de la dette abyssale des États européens aux premiers rangs desquels on trouve bien évidemment notre pays.
Si les « étrangers » ne participent plus à notre financement, alors il faudra trouver un relais et il n’y a pas beaucoup d’hypothèses crédibles. Soit la BCE ouvre les vannes et rachète directement des obligations d’États de la zone euro, ce qui fera frémir les Allemands, soit… soit… la BCE trouve une combine pour racheter les obligations de la zone euro sans faire frémir trop les Allemands… Dans tous les cas, cela deviendrait compliqué et nous verrions vraisemblablement les taux se tendre. Reste la possibilité de réquisitionner l’épargne des ménages. En quelque sorte, les épargnants seraient désignés volontaires d’office pour financer les déficits de l’État.
Ce qui est sûr c’est que si les taux américains montent, nous allons voir se poser à nouveau le problème du financement des États européens et, à ce moment-là, nous nous souviendrons tous des étapes de la vie et de la mort de l’Union européenne et de la monnaie unique l’Euro : construction, union, intégration, désintégration, dislocation, et explosion…
Préparez-vous et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT