Il est vrai que la manne est réelle car 10,7 millions de français touchent des allocations familiales. Si l’on considère que la plupart de ces bénéficiaires ont des familles avec des enfants, on peut considérer que ce sont entre 30 et 40 millions de français qui bénéficient réellement des allocations, soit 60% de la population de l’Hexagone.
Les points sur les prestations familiales
Ces prestations familiales sont nombreuses et pour bien comprendre de quoi parle Didier Migaud, il semble nécessaire de faire un rapide tour d’horizon des allocations et des montants qui sont impliqués.
Les allocations familiales en elles-mêmes sont données aux familles après la naissance d’un deuxième enfant, quel que soit leur situation d’emploi et leur revenu. Ainsi, 127,05 euros sont alloués à une famille de deux enfants, 289,82 euros pour trois enfants, 452,59 euros pour quatre enfants puis 162,78 euros par enfant supplémentaire. En 2009, plus de 4,6 millions de famille ont bénéficié de cette prestation pour un montant global de près de 12 milliards d’euros.
Il ne faut pas oublier le « complément familial » qui dépend des ressources de la famille. Ce complément est attribué aux familles d’au moins trois enfants et se monte à 165,35 euros par mois. En 2010, plus de 822.000 familles le percevaient pour un montant global de 1,5 milliard d’euros.
Mais ce n’est pas tout. L’idée de fiscaliser les allocations familiales peut déboucher sur une taxation de toutes les aides familiales qui peuvent être considérées comme des compléments de revenus. Ainsi, toutes les prestations familiales de la CAF peuvent être concernées, comme celles qui suivent.
La « prestation d’accueil du jeune enfant », (paje) est une allocation fournie aux parents qui ont un très bas revenu, qui attendent un enfant ou veulent en adopter un. Ce sont plus de 2,2 millions de personnes qui touchent cette prestation pour un montant global de plus de 11,6 milliard d’euros.
Cette paje est composée de quatre allocations. Tout d’abord la « prime à la naissance ou à l’adoption » qui se monte à 912,12 euros. Pour les enfants adoptés, la prime se monte à 1824,25 euros. En 2009, 53.765 personnes en bénéficiaient pour un montant total de plus de 635 millions d’euros. Ensuite «l’allocation de base » qui est de 182,43 euros par mois. En 2009, plus d’1,8 millions de personnes la recevaient pour un montant total de 4,1 milliards d’euros. Puis le « complément de libre choix d’activité » qui est une allocation qui permet d’aider à choisir le mode de garde pour un enfant. Le montant de cette allocation va de 143,05euros à 556,01 euros selon les revenus des parents. En 2009, 769.000 personnes l’ont reçu pour un montant total de 4,7 milliards d’euros. Enfin il existe encore un « complément de libre choix du mode de garde » qui est disponible pour une famille d’au moins un enfant dans laquelle l’un des parents soit ne travaille pas, soit travaille à temps partiel. Les montants de ce complément varient entre 85,63 euros et 452,75 euros dépendant la situation de l’emploi. En 2009, plus de 555.000 personnes en bénéficiaient pour un montant total de près de 2,2 milliard d’euros.
« L’allocation de rentrée scolaire », basée sur le revenu de la famille, se monte à 356,20 euros pour chaque enfant entre 6 et 10 ans, 375,85 euros entre 11 et 14 ans, 388,87 euros entre 15 et 18 ans. En 2010, plus de 735.000 familles en ont bénéficié pour un montant total de 1,2 milliard d’euros.
« L’allocation journalière de présence parentale » qui consiste à fournir une aide à une famille dont l’un des parents doit rester avec son enfant le temps de sa maladie. Basée sur le revenu, le montant de cette aide se situe entre 42,20 euros et 50,14 euros par jour. En 2009, plus de 4.000 familles ont bénéficié de ce dispositif pour un montant total de 48,6 millions d’euros.
« L’allocation de soutien de famille » attribuée aux familles monoparentales avec au moins un enfant ou si les parents sont divorcés et que l’un d’eux ne verse plus de pension. Cette prestation se monte entre 89,34 euros et 119,11 euros. En 2010, 2,8 millions de personnes ont reçu cette aide pour un montant total de 1,4 milliard d’euros.
« L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé » est destinée aux familles avec un enfant handicapé de moins de 20 ans. Sous certaines conditions, la famille peut recevoir une allocation de base de 127,68 euros par mois, avec des compléments qui peuvent aller de 95,76 euros à 1082,43 euros. En 2009, plus de 169.000 bénéficiaires ont reçu un total de 645 millions d’euros.
Les allocations familiales : une niche fiscale ?
On l’a vu dans cette liste précédente qui n’évoque que les prestations touchant les familles et laissant de côté celles concernant le logement ou les aides à l’insertion, les sommes sont importantes : une addition rapide nous mène à près de 40 milliard d’euros dépensés par l’Etat en prestations familiales. Pour comprendre l’importance de cette somme, il est nécessaire de rappeler que le budget de l’éducation nationale se monte à 60 milliards d’euros soit 1/5 du budget de l’Etat. Dès lors, il est évident que tout cet argent jusqu’ici non taxé, ne peut qu’attirer l’attention d’autant plus qu’il s’agit le plus souvent de compléter les salaires des familles.
Didier Migaud a amené le sujet en évoquant les comptes publics : « Ce que nous avons pu observer dans nos différents rapports c’est que pour redresser les comptes publics il faut agir à la fois sur les recettes, c’est-à-dire sur les impôts et taxes, et également sur les dépenses. » Puis il avance doucement : « sur les recettes ça veut dire effectivement mettre sur la table ce que l’on appelle un certain nombre de niches fiscales », en ajoutant aussitôt que « les prestations familiales, les allocations familiales, le fait qu’elles soient fiscalisées ou pas c’est effectivement un sujet qui peut être mis sur la table. »
La proximité des expressions « niches fiscales » et « prestations familiales » a poussé le journaliste Jean-Pierre Elkabbache qui interviewait Migaud à lui demander si ces allocations correspondaient à une niche fiscale. Didier Migaud a répondu : « on peut considérer en tout cas que c’est une prestation qui rentre dans les revenus et qui peut, d’une certaine façon, être fiscalisées. » On ne saurait être plus clair : en tant que complément de revenu, les allocations familiales sont susceptibles d’être taxées.
Certes, nous n’en sommes pas encore là. Mais le simple fait que l’idée d’une fiscalisation des aides familiales soit évoquée montre bien que l’Etat est aux abois. La pérennisation du modèle social français passerait alors par une taxation des aides publiques afin de pouvoir continuer à distribuer ces mêmes aides publiques.
Entre nous, cela n’a pas beaucoup de sens. Plutôt que de taxer – ce qui est une manie française -, il vaudrait mieux diminuer les dépenses sociales en baissant le montant des allocations, mais en diminuant aussi les prélèvements pesant sur les contribuables : on redonnerait ainsi leur argent aux français ce qui compenserait la diminution des aides de l’Etat. Un peu de bon sens ferait du bien parfois.