On l’a vu récemment : au sein de la galaxie d’organismes qui prétendent gérer la santé, le chômage et la retraite des Français, c’est le régime social des indépendants (RSI) qui cristallise actuellement toutes les colères et les exaspérations, tant sont hautes les ponctions qu’il opère et médiocres les services qu’il prétend assurer. Tant et si bien qu’une manifestation, organisée lundi 9 mars, a rassemblé plusieurs dizaines de milliers d’indépendants.
Du point de vue des contribuables, des cotisants et surtout des indépendants concernés, ceci n’est pas une mince victoire puisqu’à la réussite d’une organisation regroupant différents mouvements (Contribuables associés, Sauvons nos entreprises,Mouvement des Libérés, etc…), on doit ajouter un succès médiatique bien plus délicat à obtenir en ces temps où la presse n’est absolument pas acquise à la cause libérale (pour le dire gentiment), et qui aura engendré quelques passages sur différentes chaînes de télé et quelques articles dans des quotidiens nationaux. Cette démarche a servi à replacer les préoccupations pas du tout accessoires d’une partie des Français, cette partie qui forme finalement le tissu entrepreneurial du pays, dans la vaste nébuleuse de sujets plus ou moins vaporeux que les politiciens entendent couvrir ce qui, à l’approche des départementales, est une bonne nouvelle.
Cependant, comme je le laissais entendre en introduction, cette excellente nouvelle d’une bonne mobilisation des indépendants et celle, non moins bonne, qui permet de dire que le RSI est maintenant préoccupé par le mouvement général de ras-le-bol qui le concerne, ne doivent malheureusement pas cacher que de leur côté, les organismes collectivistes n’entendront certainement pas se rendre sans se battre aux demandes pourtant légitimes de leurs clients. Et à la différence des citoyens qui n’ont que l’application de la loi à faire valoir pour faire entendre leur mécontentement, les organismes étatiques de Sécurité sociale ont, eux, toute la liberté de faire voter des lois ad hoc pour refermer un peu plus leurs griffes sur le troupeau de moutons des cotisants.
Et pour illustrer cette différence fondamentale, je prendrai deux exemples que l’actualité récente me fournit sur un plateau.
Le premier exemple concerne le durcissement des sanctions prévues pour les personnes en délicatesse avec ces organismes. Au début de cette année, deux renforcements des amendes et poursuites sont à noter.
Il y a eu, bien sûr, celui concernant les cas d’incitation à la désaffiliation (la prison, pour un tel acte séditieux, est alors portée de 6 mois à 2 ans et l’amende, destinée à ruiner le malandrin qui viendrait à proposer telle trahison, passe de 15.000 à 30.000 euros – au passage, plutôt que se désaffilier, mieux vaut cambrioler, ceci n’entraînant qu’un rappel à la loi). Évidemment, le texte, largement médiatisé à l’époque, joue sur la subtilité des termes employés et omet de préciser que c’est bel et bien l’absence d’affiliation qui est ainsi condamnée, et non le changement pour un régime hors de la Sécu française.
L’autre, bien plus inquiétant, est celui concernant le renforcement de la lutte contre le travail dissimulé… qui ne concerne plus seulement, depuis novembre 2013, les entreprises elles-mêmes, mais aussi, de façon assez perverse, les donneurs d’ordres ayant recours à la sous-traitance : pour tout contrat d’un montant minimum de 3.000 euros TTC, ces donneurs d’ordres sont maintenant tenus de vérifier, lors de sa conclusion, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, que les sous-traitants s’acquittent bien de leurs obligations de déclaration et de paiement des cotisations. Oui, c’est bien de flicage qu’il s’agit : si une société A sous-traite à une société B, elle doit pour éviter les foudres de l’URSSaf s’assurer que B a bien rempli tous ses petits Cerfas et a bien payé toutes ses cotisations. Et bien sûr, la délation par A est de mise lorsque B n’est pas carrée.
Là encore, rassurez-vous : lorsque l’entreprise A est une grande entreprise d’État, et que l’entreprise B est une grosse société dont la bonne fortune doit tout au capitalisme de connivence, tout ceci ne tient pas. Ici comme en beaucoup d’autres domaines (droit du travail en premier), l’État, ses institutions et les organisations satellites imposent aux autres ce que jamais ils ne seront en mesure de s’imposer à eux-mêmes.
Au passage, difficile de passer sous silence l’impact très fort que ces subtiles mesures de délation vont avoir sur les libérés du RSI ou des autres affidés de la Sécu : du point de vue du contractant, même s’il sera relativement simple d’obtenir les certificats des assurances étrangères pour ces individus, tout laisse croire que les organismes français refuseront de considérer les papiers présentés par ces exfiltrés comme suffisants. Dès lors, plutôt que les attaquer, ce qui a été prouvé de plus en plus difficile, les URSSaf et autres attaqueront … leurs donneurs d’ordre.
Belle mentalité…
Qu’on peut au passage retourner contre le RSI, comme le suggère Laurent C. dans le dernier épisode de ses aventures : l’URSSAF (et les organismes satellites) est un prestataire de services, et doit donc faire l’objet, lui aussi, de cette « attestation de vigilance ». Dès lors, on ne peut que vous encourager à réclamer cette attestation à l’URSSAF (ainsi qu’aux autres) et, en cas de refus ou d’impossibilité de leur part, à rompre la relation contractuelle qui vous lie à eux, comme la loi vous y autorise…
D’amusants rebondissements légaux peuvent être attendus de ce nouveau développement.
Le second exemple de l’utilisation de la loi par les organismes de Sécurité sociale pour écraser toute velléité de dissidence, c’est la récente découverte que, pour bénéficier du futur tiers payant généralisé, mis en place aux forceps par un gouvernement de plus en plus roublard, il va très probablement falloir donner ses coordonnées bancaires à la Sécu. Bien évidemment, ceci est présenté par la secrétaire d’État chargée de la Lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, sous la bannière toujours pratique d’une plus grande efficacité, d’une meilleure gestion et, bien sûr, pour sécuriser les finances de ce système social que le monde nous envie :
« Pour sécuriser ce recouvrement, il est proposé d’introduire (…) le principe d’un paiement par prélèvement bancaire après autorisation de l’assuré, et de conditionner le bénéfice du tiers payant à cette autorisation de prélèvement. »Ben voyons. Belle aubaine !
Grâce à ce merveilleux conditionnement qui ressemble assez bien à une jolie clef de bras dans le dos de l’assuré social (qui paye pour se faire molester, donc), la Sécu va donc à la fois récupérer les coordonnées bancaires d’un nombre considérable
Et même sans aller jusqu’à cette possibilité, les inévitables milliers de cas où des ponctions malencontreuses seront effectuées sur l’un ou l’autre compte qui n’avait justement pas les fonds nécessaires promettent autant de milliers de cas financièrement épineux, débouchant qui sur des interdits bancaires, qui sur des faillites, qui sur des imbroglios et des histoires ubuesques à dormir debout. Lorsqu’on voit le track record impeccable de déroutes informatiques, lenteurs administratives, erreurs multiples, diverses, variées et récurrentes que nous proposent ces institutions, c’est, quasiment, garanti sur facture…
Comme on peut le voir avec ces deux exemples, les miradors sont maintenant en place autour de la Sécu. La France, on l’a dit et répété, a le meilleur système du monde, et pour le conserver, elle fera donc absolument tout ce qu’il faut pour empêcher tous ceux qui le veulent de le quitter. Et cela n’a aucun lien avec certains pays, certains murs, certains barbelés et certains miradors.
Puisqu’on vous dit que c’est pour votre bien !