img class="aligncenter size-large wp-image-3984" src="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2015/06/10a623a7-c8cd-49a6-a535-f6642fbc466e20140520-32706-jf3a7f-375x500-375x500.jpg" alt="10a623a7-c8cd-49a6-a535-f6642fbc466e20140520-32706-jf3a7f-375x500" width="375" height="500" srcset="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2015/06/10a623a7-c8cd-49a6-a535-f6642fbc466e20140520-32706-jf3a7f-375x500.jpg 375w,
Le comportement de nos autorités économiques peut être considéré comme étrange aujourd’hui. En témoignent les débats sur le niveau de l’économie russe, ou l’on se demande si l’économie a « touché le fond ». En réalité, le sentiment domine que la politique du gouvernement est en train de porter ses fruits. Le résultat pour 2016 devrait donc être entre -0,5% et +0,5%. Ce qui implique que l’économie accélère d’ici la fin de l’année.
Or, il y a aujourd’hui une forte croissance économique dans l’agriculture et le complexe militaro-industriel (au sens large). Pour ce qui est de l’agriculture, ceci se ressent dans l’approvisionnement du commerce de détail. Quant au complexe militaro-industriel, il est évident que les opérations en Syrie ont eu comme résultat un intérêt international pour les productions russes.
Deux secteurs en forte croissance
Les conditions de la croissance dans ces deux secteurs sont très intéressantes. Dans l’agriculture, en 4 ans, la production de volaille a augmenté de 40%, le porc de 25%, le mouton de 10%, et la qualité de la viande de bœuf produite en Russie s’est fortement accrue. Ce sont des résultats qui sont historiquement significatifs. Cela implique que la « malédiction » de la collectivisation a été dépassée, enfin, ces dernières années. On mesure le poids historique de cette collectivisation. Il aura fallu plus de 80 ans pour effacer cette malédiction. Mais, il ne faut pas confondre la production de l’agriculture, qui progresse de manière très satisfaisante et le niveau de vie des agriculteurs. La question du maintien d’une population avec des compétences spécialisées, car aujourd’hui de nombreux agriculteurs sont des retraités ou des personnes proches de la retraite, dans l’agriculture impose une certaine stabilité des cours des matières agricoles. Il faudra accorder une attention particulière aux questions sociales dans ce secteur. Quant à la « sécurité alimentaire », elle est désormais atteinte par la Russie. Mais, il faut considérer les conditions qui permettront de consolider cette situation dans le futur.Dans le « complexe » militaro-industriel, la situation est différente. Ce « complexe » est l’héritage de la politique soviétique à partir de 1945. La stratégie de développement de ce « complexe » avait été conditionnée par une volonté d’équilibre entre l’URSS et l’ensemble du reste du monde. Il en a résulté un « complexe » dont les capacités étaient essentiellement tournées vers la quantité. Les dépenses de R&D ont été faibles en proportion. Lors des premières années de la transition, le « complexe » a résisté aux idées de « conversion », mais a subi de plein fouet le choc budgétaire des années 1990. Les conséquences de ce choc ont été catastrophiques pour l’économie russe, car la production « civile » était dans une large mesure assurée dans les usines du « complexe » militaro-industriel.
La situation était donc mauvaise à la fois pour l’économie dans son ensemble et dans la production d’armes. Elle était catastrophique dans les forces armées. Depuis 2000, des efforts considérables ont été consentis pour moderniser et les forces armées et le complexe militaro-industriel. Les forces armées, réduites et en partie professionnalisées, ont retrouvé un bon niveau opérationnel. Mais, le volume des commandes ne sera jamais plus du niveau de ce qu’il était du temps soviétique. La question de la conversion des capacités de production est toujours posée.
Il faut se poser la question de comprendre pourquoi les deux complexes hérités de l’ex-URSS ont-ils aujourd’hui de bons résultats.
Ces deux complexes (agriculture et CMI) ont bénéficié de taux d’intérêts particulièrement faibles (4% contre 11% pour le taux directeur). C’est l’effet de la mise en œuvre d’un système de prêts bonifiés par le gouvernement russe. On avance souvent que les subventions aux taux d’intérêts peuvent conduire à une mauvaise utilisation de l’argent. Mais, l’important est que cet argent est plutôtmieux utilisé dans ces deux secteurs que dans l’ensemble de l’économie. Non qu’il n’y ait pas des problèmes de corruption ou des décisions inefficaces, mais il semble qu’il y en ait plutôt moins qu’ailleurs. L’argent a donc été bien utilisé, et cela se traduit par une amélioration générale de l’efficacité de l’économie.
Sanctions et contre-sanctions
Il faut maintenant évaluer l’effet des sanctions et des contre-sanctions. Les sanctions prises par les pays occidentaux ont eu peu d’effets. Mais, elles ont légitimé la prise de contre-sanctions par le gouvernement russe qui ont été des instruments de politique économique. Les sanctions financières ont conduit à un recentrage des flux de financement, qui s’avère très intéressante pour la Russie. Il y a ici un recentrage évident des flux financiers.
Les sanctions « technologiques », quant à elles, ont eu assez peu d’effet, car d’une part elles sont peu appliquées et d’autre part la Russie est un fournisseur de bien à haute technologie dans certains secteurs, et cela modère considérablement la volonté d’appliquer ces sanctions. Dans ces problèmes, si la Russie maîtrise, ne serait-ce que partiellement, certaines technologies, il n’est pas possible d’appliquer de manière réaliste des sanctions. Ceci est un argument important pour le maintien et le renforcement des capacités scientifiques de la Russie, et l’articulation entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Il faut aussi que les salaires des jeunes ingénieurs qui sortent des écoles et des universités soient à la mesure des années d’études, si l’on veut que ces jeunes gens restent dans ces activités. D’une manière générale, la question de l’enseignement scientifique et technique est centrale pour que la Russie puisse tirer parti de ses propres avantages comparatifs.
Dans le secteur pétrolier, ces sanctions ont été peu sensibles même s’il a fallu trouver d’autres formes de financement, évitant essentiellement l’usage du Dollar ce qui a compliqué les choses. Ce sont les prix du pétrole qui ont freiné l’exploration et l’exploitation des nouveaux gisements, mais ceci est un phénomène mondial.
La question des prix des hydrocarbures
Le véritable phénomène négatif pour l’économie russe a été la baisse des prix mondiaux du pétrole. Il faut se rappeler que le prix du pétrole est dans une large mesure déterminé par les marchés financiers. Si le pétrole est bien une matière physique, la dimension financière de ce marché est principale. La modélisation du marché du pétrole par exemple est un défi important pour la science économique car elle implique à la fois des déterminants techniques et des déterminants financiers.La prévision des prix est un problème très difficile. Comme le disait mon regretté collègue Youri Yaremenko, l’important dans une prévision n’est pas la prévision elle-même mais les arguments que l’on fournit à l’appui de cette prévision. Mais, il est important de faire des prévisions pour donner une base aux analystes financiers, mais aussi aux investisseurs. Or, les investisseurs sont aujourd’hui très mobiles, et peu confiants dans les prévisions économiques. Il importe donc de pouvoir reconstituer une convergence des anticipations qui serait basée sur un argumentaire accepté. Mais, les conditions d’acceptation de cet argumentaire elles-mêmes posent problèmes, car certains arguments économiques sont en réalité des arguments politiques, voire idéologiques.