Et aujourd’hui, c’est justement dimanche ; c’est pourquoi je vous propose un petit exercice de groupe. Ça aurait pu être atelier poésie dégenrée, macramé festif, chimie alcoolique et citoyenne, mais je pense avoir trouvé plus simple et plus participatif : ce sera atelier Twitter & Facebook sur le thème « Le Gouvernement Raconte Tout Et Son Contraire ».
Il apparaît en effet qu’au cours des mois qui viennent de s’écouler, nos proéminentes figures médiatiques et politiques ont pris l’étrange habitude de raconter un peu n’importe quoi (ceci n’est pas nouveau) mais surtout de le twitter (ça, ça l’est) et, par voie de conséquence, de laisser une trace de ce qu’ils pensent. Trace qui sera ensuite confrontée, mémoire indélébile de l’internet oblige, aux précédentes qu’ils ont aussi laissées dans cette insouciance naïve qui les caractérise. Il devient alors facile de confronter le candidat d’il y a deux ans avec l’élu actuel, de rapprocher le discours du politicien aspirant ministre du ministre actuel, ou, inversement, de l’ancien ministre alors en poste avec le même homme, libéré de son maroquin quelques mois plus tard.
L’exercice est intéressant (et devrait être fait plus souvent). Il permet de mesurer, précisément, trois grands traits de caractères qui se dégagent de nos politiciens. Malheureusement pour eux, ces traits ne sont pas du tout à leur avantage, et même s’ils constituaient jusqu’à récemment, des avantages notoires pour durer en politique, avec la mémoire éléphantesque d’internet, ils vont devenir de plus en plus des défauts caractéristiques et identifiables des gros losers. En effet, on note clairement trois grandes caractéristiques de nos politiciens :
- beaucoup sont de parfaits hypocrites, pour lesquels le mensonge et la dissimulation sont monnaie courante.
- lorsqu’ils s’expriment, les politiciens n’ont qu’une connaissance très légère du sujet qu’ils abordent, et ne s’y sentent engagés que parce que le public attend une réponse d’eux. Rares sont les politiciens de convictions profondes : pour parvenir à des postes d’importance nationale, la sélection naturelle qui s’opère aura pris soin de choisir les plus malléables et ceux qui, justement, ont su taire leurs convictions personnelles au profit du seul pouvoir.
- enfin, on notera une constante assez navrante, c’est l’incapacité chronique d’à peu près tous les élus et politiciens en général à reconnaître publiquement leurs erreurs, à s’admettre humains, surtout si ces erreurs concernent des questions politiques et économiques (c’est nettement moins vrai en ce qui concerne leur vie privée, de toute façon parfaitement accessoire à leurs yeux).
On peut commencer par Manuel Valls, qui constitue une excellente base de départ tant ses retournés de veste sont à la fois rapides et maladroits, à tel point qu’il a plusieurs fois risqué des déchirures musculaires et politiques notoires. On se souvient (et twitter en particulier) de ses saillies sur les péripéties marseillaises alors que Sarkozy était encore président de la République :
Cette affirmation péremptoire prend un sel tout particulier maintenant qu’il est Ministre de l’Intérieur et se voit confronté à la même problématique et y apporte la même absence totale de réponse, avec les mêmes absences d’effets prévisibles.Du reste, ce n’est pas le seul domaine où il s’est affiché en parfaite incohérence avec lui-même. Un exemple récent est sa récente attribution (janvier 2014) de la hausse de la délinquance à des groupes étrangers venus de l’Europe de l’Est. Ce rapprochement est assez intéressant puisqu’on se souvient que deux ans auparavant, en janvier 2012, il fustigeait un certain Guéant d’expliquer cette même hausse par cette même délinquance d’Europe de l’Est. Si l’on biffe quelques éléments pour les remettre dans le contexte, on comprend tout de suite mieux la différence fondamentale : quand c’est son adversaire politique, c’est vilain moche moche, mais quand c’est lui, c’est permis :Bien évidemment, si l’exercice est facile pour Valls, il est carrément comique pour Montebourg qui s’est fait une véritable spécialité de raconter absolument n’importe quoi, sous couvert de frétillance et de survitamination. Le meilleur exemple du genre est constitué par sa joute avec Xavier Niel et son changement d’opinion à 180° vis-à-vis de Free entre le moment où on le sentait parti en campagne pour récolter les suffrages et le moment où il a surtout fallu calmer les accointances capitalistiques des grands opérateurs installés sur le marché.
Sa Noble Frétillance en campagne et avant élection peut ainsi sortir ceci :
En revanche, le Ministre du Dressement Reproductif, vertement tancé par les autres opérateurs oligopolistiques à la botte desquels il exerce à présent ses méfaits, verra les choses sous un autre angle qu’il exprimera ainsi, faisant rire toute la toile :
Notons là encore qu’une période de deux ans de réflexion soit nécessaire pour retourner complètement sa veste. Ce n’est évidemment ni rapide, ni surprenant, mais si vous voyez émerger un style de comportement, c’est normal, c’est bel et bien la politique française à son plus « haut » niveau.
Et cela ne touche pas que les fifres et les sous-fifres puisque même Jean-Marc Ayrault dont la rumeur, insistante, voudrait qu’il soit Premier Ministre, a fait lui aussi ce genre d’entrechats ridicules et inoubliables sur internet. On trouve ainsi son opinion éclairée, exprimée alors qu’il n’était encore que ce Nantais insipide engagé dans la morne campagne électorale hollandaise, au sujet du chômage, qu’il aurait à combattre quelques mois plus tard avec l’anti-brio qu’on sait :
Eh oui, le trucage statistique est une vilaine manie des gouvernements socialistes de droite qui tentent de camoufler leur incompétence par des artifices et des bricolages qui n’échappent pas à la sagacité des socialistes de gauche dans l’opposition. Et une fois les rôles inversés, pouf, le changement, c’est pas ça :
Ce sacré Jean-Marc nous fait donc rire bien au-delà de son combi Volkswagen hors d’âge et de son patrimoine de clerc de notaire provincial peu crédible. À l’aune de cette belle hypocrisie, on prendra donc avec toutes les pincettes d’usage ses déclarations de janvier 2013 concernant la Loi Famille et la procréation médicalement assistée :
Avec un an de recul, tout ceci prend ce délicieux parfum de foutage de gueule assez caractéristique des politiciens qui ne naviguent ni aux instruments, ni à vue, mais sans la moindre conviction, poussant le frêle esquif républicain pédalopropulsé vers des bancs de sable populaires où il s’enfiche mollement.
Mais à Seigneur tout honneur, et il ne serait pas justice de ne parler que des fifres, des sous-fifres et des adjudants de régiment de troufions perdus en rase campagne à 50 km du front. Il est impossible de passer sous silence les petits demi-tours guindés de François Hollande qui en compte, lui aussi, un nombre impressionnant en un peu plus d’un an d’exercice et qu’un seul tweet, à l’hypocrisie chimiquement pure, permet de résumer habilement :
Internet, qui n’oublie rien, est sans pitié puisqu’il renvoie les politiciens à leurs mensonges et leurs turpitudes intellectuelles multiples et perverses. Mais, soyons franc, l’exercice est fort amusant. Vous avez vous aussi, certainement, des exemples à me fournir : les commentaires sont là pour ça et je vous encourage à m’aider à en collationner d’autres !
À vous de jouer.