Sapristi de saperlipopette de nom d’une pipe de cornegidouille ! Voilà une surprise immense : François Fillon, le candidat de la droite vient d’annoncer sa prochaine mise en examen dans ce que la presse a finement et avec une imagination extraordinaire baptisé « Penelopegate », à savoir les allégations de travail fictif de sa femme Penelope lorsqu’il était encore député au sein de l’Assemblé nationale.
Depuis que l’information a trouvé sa place en Une du Canard Enchaîné, le mercredi premier février, il ne s’est guère écoulé une semaine sans que le prétendant à la magistrature suprême ne se retrouve emberlificoté dans des allégations plus ou moins sulfureuses : chaque parution de Canard a entraîné une nouvelle salve de « révélations » que le reste de la presse, un peu trop visiblement goguenarde, a repris avec ferveur et excitation. Il paraissait donc normal que ce mercredi premier mars n’échappe pas à la règle.
Voilà donc Fillon mis en examen et, comme on pouvait s’y attendre, voilà donc Fillon qui ne renonce pas, et qui en profite pour noter la méthode et le timing, diaboliques, de l’institution judiciaire pour mener son opération.
Si on oublie un instant les raisons exactes des agitations du candidat pour se concentrer sur cet aspect, force est de reconnaître que le Parquet National Financier (PNF), nouvelle créature instituée pour Cahuzac, a choisi avec soin sa cible et son calendrier. On est ainsi en droit de se demander pourquoi c’est bien le PNF qui s’est lancé dans cette aventure judiciaire à rebondissements : pourquoi a-t-on choisi d’ouvrir l’enquête via une juridiction d’exception, apparemment spécialement taillée pour les élus, alors que, dans une République enduite d’égalitarisme gluant, tout devrait concourir à un traitement de ces gens là aussi égal que possible aux citoyens lambda ?
Après tout, c’est bien parce qu’ils empilent les droits spéciaux, les privilèges spécifiques et les juridictions exclusives qu’ils se retrouvent, régulièrement, à devoir justifier de l’emploi de sommes, d’individus ou de passe-droits spéciaux, exclusifs ou spécifiques… En réalité, il serait plus que temps que nos élus bénéficient de la justice traditionnelle dédiée aux justiciables sans-dents, aussi bien en tant qu’accusés qu’en tant que victimes. Cela les inciterait peut-être enfin à faire le ménage et mettre les moyens nécessaires pour cette institution.
On peut rêver. Néanmoins, pour revenir à cet énième rebondissement dans l’affaire Fillon, notons tout de même que ce qui arrive au candidat est une excellente chose.
Un excellent état des lieux de la justice en France
En effet, qu’à la fin Fillon soit ou non élu, cette affaire permet de démontrer de façon éclatante que la justice sait être très rapide quand elle veut. Et cela permet d’envoyer un message fort à tous les justiciables de France : si vous, citoyen lambda, voulez que la justice s’occupe plus vite de votre cas, débrouillez-vous pour encarter publiquement votre opposant dans un parti de droite.Ceci devrait d’ailleurs inquiéter… François Bayrou dont on a appris très récemment, par un livre de Corinne Lepage paru en 2015, qu’il avait fait employer son assistante personnelle par une députée européenne, ce qui s’apparente beaucoup à la gestion alternative de fonds publics pour un emploi personnel dont on accuse Fillon. Et cela pourrait inquiéter Macron, pour qui le président des jeunesses macronistes travaille alors qu’il a officiellement un emploi d’attaché parlementaire…
Parions que le PNF sera saisi et agira rapidement. Ou pas.
En outre, cette affaire permet de montrer que cette République sait être souple avec ses grands principes : le secret de l’instruction est finalement quelque chose de tout à fait négociable ce qui permet à la presse d’avoir des informations de première main. Du reste, même si c’est pénalement condamnable, parions que ces fuites (qu’on observe d’ailleurs dans un paquet d’autres affaires) ne seront jamais poursuivies, quand bien même Fillon a-t-il déposé une plainte.
De surcroît, cette affaire permet d’illustrer ce que veut dire « pouvoir judiciaire » avec ses avantages (celui qui lui autorise potentiellement toutes les cibles possibles, pas seulement le citoyen lambda mais aussi l’élu, le riche ou le puissant, youpi) et ses inconvénients (celui de, potentiellement, réduire à néant une candidature et l’espoir d’une partie de la population de voir son champion gouverner le pays). Voilà qui imposera un devoir de réflexion philosophique intéressant, à tous ceux qui aspirent au suffrage populaire, et aux autres.
Enfin, quoi de mieux que ce genre de rebondissements si subtilement planifiés pour entretenir une saine confiance dans la justice de son pays ? Encore mieux, cela permet de montrer à la fois la détermination d’un homme politique et toute la souplesse qu’il peut avoir avec la parole qu’il a donnée : mis en examen, il devait se retirer, ce qu’il ne fera pas.
Doit-on vilainement en conclure que son programme est du flûtiau ?
Bien sûr que oui.
Des conséquences amusantes s’il est élu
Et si notre homme, finalement, décroche la queue du Mickey au manège de l’Elysée, cette affaire nous offrira notre premier Président de la République mis en examen.Quelque part, c’est normal, puisqu’on continuera alors dans la belle tendance impulsée à coup de Corona par Chirac, poursuivie à coup de Viagra par Sarkozy et confirmée à coup de Solex par Hollande puisque Fillon devra peut-être relocaliser l’Elysée à Fleury-Mérogis (encore qu’on pourrait concevoir de conserver le nouveau locataire à l’écart des autres prisonniers pour éviter que ces détenus ne se radicalisent franchement).
En tout cas, élu, il se retrouverait en poste avec une légitimité… discutable : par définition élu par une majorité de votants, il ne sera probablement pas élu par une majorité de Français et encore moins par une majorité de personne soutenant réellement sa candidature mais plutôt par ce groupe d’individus qui l’auront choisi par défaut, plutôt qu’un autre (ou une autre dans notre cas).
Autrement dit, il lui sera délicat d’avoir une vraie majorité gouvernementale et la rue sera promptement là pour lui rappeler la batterie de cuisine qu’il trimbale derrière lui.
Or, objectivement, si la France a un besoin criant de réformes, l’immobilisme et l’arrêt complet constituent des options presque souhaitable à l’alternative dangereuse qui consiste à courir comme un poulet sans tête, option malheureusement très probable lorsqu’on n’a ni majorité, ni fermeté à imposer un programme qu’on voit déjà raboté de tous les côtés et dont le degré de libéralisme, déjà fort faible en novembre, s’est rapidement évaporé les jours qui ont suivi la fin des primaires.
Décidément, cette affaire, marquée d’un bout à l’autre de l’évidente patte hollandesque, apporte malgré tout quelques bénéfices palpables aux Français.