Prenez un fonds d’investissement, et collez-le dans les mains d’un politicien renommé pour ses capacités à gérer de gros volumes d’argent, par exemple un économiste, qui serait aussi ancien ministre de l’Économie et des Finances français et aurait eu le privilège de passer par la présidence du FMI. Avec un tel palmarès, vous aurez évidemment reconnu Dominique Strauss-Kahn qui, lorsqu’il ne défraie pas la chronique judiciaire au chapitre « mœurs », n’a jamais eu de mal à se retrouver à des jobs où la manutention vigoureuse de grosses liasses de billets fait partie de la description de poste.
Eh bien ça n’a pas loupé : le fonds a carafé avec fracas en quelques mois d’existence grâce aux bons soins du socialiste manifestement plus à l’aise avec la politique ou le sexe qu’avec l’économie ou les finances dont il prétend pourtant être diplômé. Et une centaine de millions d’euros, c’est tout sauf une petite somme.
Prenez une grande ville française, et donnez-la à différents politiciens, socialistes de cœur ou par obligation électoraliste. Laissez mariner pendant plusieurs années, en assortissant le tout de la quasi-certitude que Maman-État viendra distribuer de l’argent à intervalles réguliers. Très rapidement, les dépenses s’envolent, les emprunts galopent et la dette se creuse. Et lorsqu’il s’agit de Toulouse, on en arrive à une quasi-faillite. L’actuel maire de la ville, avec un petit air triste, l’explique sans détour, en mettant bien évidemment l’état général de la municipalité sur le dos de la précédente équipe :
« Les Toulousains ont le droit de le savoir : notre ville vit au-dessus de ses moyens, au point qu’elle se trouve aujourd’hui au bord du dépôt de bilan ! »Rassurez-vous, ceci ne justifie en rien une diminution drastique du train de vie de la ville. Que nenni ! Si d’autres, avant, ont dépensé comme des fous, point n’est besoin de refermer les sprinklers à pognon. On va plutôt augmenter les impôts, c’est nettement plus facile :
« Je refuse l’austérité, car l’austérité, c’est le recul, c’est la renonciation à l’ambition, c’est l’abdication de la volonté. Je ne m’y résoudrai jamais. Le maintien d’un haut niveau d’investissement dans nos deux collectivités aura un effet bénéfique pour notre économie, pour nos entreprises et pour l’emploi. Au total, c’est plus de 2 milliards d’euros que nous injecterons dans l’économie locale. »Je n’aurais pour ma part pas choisi le terme « injecter » concernant les deux milliards de roudoudous, mais plutôt asperger, disperser, ou même ventiler façon puzzle. Apparemment, comprenez-vous, l’endettement, c’est l’assurance que les finances de la ville vont aller de mieux en mieux : quand on n’a plus une thune, il est connu qu’en dépenser toujours plus est une recette efficace pour retrouver la prospérité, bien sûr !
Et si ça marche pour un fonds, si ça marche encore mieux pour une ville, inutile de dire qu’avec un pays, ça dépote, ça pulse et ça fouette du chaton mignon. Alors que la faillite est avérée pour l’expérience Strauss-Kahn, qu’elle est dans la ligne de mire pour la ville de Toulouse, Nicolas Maduro, l’actuel dirigeant du Venezuela chaviste et socialiste en diable, semble tout faire pour placer son pays sur la même trajectoire que celle suivie avec succès par DSK et Moudenc, le maire toulousain.
Et là où DSK jouait avec une centaine de millions d’euros, là où Moudenc bricole avec du milliard, Maduro jongle, pour sa part, avec des dizaines de milliards de dollars : il doit encore en trouver 22,6 cette année pour boucler son budget. Et pour les observateurs extérieurs, la situation n’est pas franchement rose puisque le pays est engagé dans une sorte de course contre la montre pour éviter en 2016 le défaut de paiement (la faillite, en clair).
Venezuela, Toulouse, fonds LSK … Cette liste a été conservée courte pour les besoins d’illustration, mais, on le comprend, elle est en réalité longue comme le bras et devant elle, on est en droit de se demander pourquoi ces plantages sont spécifiques aux politiciens.
Déjà, vous pouvez noter que dans chacun de ces cas, et dans tant d’autres encore, la responsabilité de l’échec ne retombe jamais sur les finances personnelles des dirigeants : Maduro n’est pas pauvre, loin s’en faut, et ne le sera probablement plus jamais de sa vie. Moudenc n’aura jamais à payer de sa poche les dettes faramineuses qu’il aura pourtant contracté avec gourmandise pour la ville de Toulouse. Et Strauss-Kahn n’est pas en faillite personnelle, alors que tout honnête homme dans sa position et passé par les mêmes déboires serait à présent largement ruiné.
En fait, ces politiciens échouent lamentablement dans ces tâches de gestion mais avec une décontraction surprenante parce que ce n’est pas leur argent personnel. Ces exemples montrent qu’ils ont eu la charge de gérer l’argent des autres et que la responsabilité, la probité est un élément dont tous ces politiciens ont dû faire le deuil pour entrer en politique et grimper les marches du pouvoir, probablement au même moment qu’avait lieu leur hontectomie si caractéristique.
Ces politiciens ont échoué parce que cette hontectomie et cette tendance irrépressible à vouloir le pouvoir vont de pair avec l’affichage d’un humanisme de façade qui ne peut fonctionner qu’avec l’argent des autres. C’est l’argent des autres qui, abondamment distribué, diminuera la pauvreté au Venezuela, à coup sûr. C’est l’argent des autres qui, habilement ponctionné sur les générations futures par des emprunts farfelus et irresponsables, permettra à la ville de Toulouse de fonctionner, payer les services publics forcément indispensables et les lubies du maire. C’est l’argent des autres qui, récupéré par relationnel, permettra de rémunérer grassement l’ancien dirigeant socialiste en le faisant mousser dans les milieux financiers internationaux.
Et bien sûr, le gros souci de l’argent des autres, l’énorme problème des politiciens qui l’utilisent, c’est qu’arrive inéluctablement un jour où il n’y en a plus.