Et cette trajectoire inquiétante tient à trois facteurs aggravants.
1- Les Français désirent ardemment cette trajectoire
Le premier, c’est que, selon toute vraisemblance, les Français veulent être espionnés. Difficile d’oublier en effet qu’ils ont clairement choisi le pouvoir en place qui n’est pas arrivé là par hasard. Manuel Valls, François Hollande et la majorité parlementaire ne sont pas tombés du ciel et ont, bel et bien, été élus par un peuple manifestement très heureux de les voir poser leurs fesses dans les moelleux fauteuils républicains. Or, tout comme la droite précédente qui n’avait pas molli lorsqu’il s’agissait d’enquiller les lois sécuritaires, on pouvait s’attendre à la même envie gourmande de législations invasives de la part de la gauche, qui n’a jamais été en retard sur ce plan-là.
En outre, lorsqu’on demande aux Français s’ils sont spécifiquement favorables à ces restrictions de libertés au profit d’une sécurité publicitaire, ils répondent très majoritairement par l’affirmative. Écartons ici bien vite l’idée que ce sondage aurait été bidonné afin d’orienter l’opinion sur le mode « Si la majorité est d’accord, alors qui suis-je, moi, individu perdu au milieu de la masse, pour lui donner tort ? »
En fait, les résultats détaillés de ce sondage sont malheureusement très cohérent avec ce qu’on sait des citoyens français, biberonnés au Tout État, largement d’accord depuis quelques décennies avec la mise en coupe réglée de leurs libertés, et ce, d’autant plus qu’ils sont âgés : alors que près de la moitié des 18-24 ans sont opposés à voir leurs libertés rognées, les 65 ans et plus y sont très massivement favorables (à 76%). Autrement dit, la gauche socialiste, devenue conservatrice à mesure que son électorat vieillissait, joue sur du velours : les socialistes et sympathisants du PS sont 68% à approuver la limitation des libertés individuelles sur Internet. On retrouve une proportion similaire (69%) pour les militants et proches du FN, ce qui est tout sauf un hasard (et en contradiction avec certains de ses leaders, au passage).
Autrement dit, la France n’a pas du tout pris une direction aléatoire, et probablement parce que son peuple est composé (pour une grande quantité) de personnes qui ont l’intime conviction (fausse) que ceux qui seront espionnés seront les autres, tout comme elles ont cru que les riches, c’étaient les autres, et que les augmentations d’impôts seraient pour les autres. Et comme pour les impôts, ces personnes se rendront compte, bien trop tard, que les autres, … c’est eux.
2- Ces mesures rendent parfaitement possible une dictature totalitaire
D’autre part, on est en train de mettre en place une série de mesures, toutes plus liberticides et/ou collectivistes les unes que les autres, dans une bonhommie consternante et une absence assez effarante de recul historique. Ces lois offrent véritablement un boulevard à tous ceux qui voudraient, le pouvoir en main, les utiliser à des fins néfastes. Notez que ce n’est pas moi, humble scribouillard, qui le dit, mais plusieurs anciens magistrats antiterroristes, c’est-à-dire des personnes qui ont été directement confrontées à des enquêtes sur des cellules terroristes, sur des attentats commis contre des Français, comme Alain Marsaud ou, plus récemment, le juge Marc Trevidic.
Marc Trévidic dénonce les dérives de la loi sur... par rtl-fr
Leur analyse, à l’un comme à l’autre, ne laisse planer aucun doute sur le catastrophique potentiel de cette loi en matière d’abus. Ni l’un, ni l’autre n’hésitent à pointer du doigt les dérives possibles, notamment celles qui amènent à la mise en place d’une police politique :
« En l’état, si cette loi tombe dans de mauvaises mains, … on est en danger. Si elle est mal faite, dans 10 ou 15 ans, quelqu’un peut (…) l’utiliser à mauvais escient. Les lois trop mal faites, trop larges, donnent une latitude extraordinaire, ainsi que l’absence de contrôle. Or, là, c’est le premier ministre qui décide tout ce qu’il veut. »De toute façon, on l’a vu, la loi proposée ne permet pas d’améliorer la lutte contre le terrorisme, c’est mathématique. Elle s’avère en revanche diaboliquement pratique pour espionner les opposants politiques, les mouvements sociaux désagréables pour le pouvoir en place, pister les fauteurs de trouble, et, bien sûr, les fraudeurs fiscaux.
Bref, on pave la voie d’une dictature. Il ne reste qu’à trouver le dictateur, et l’affaire est pliée.
Or …
3- Les potentiels dictateurs sont déjà à l’affût
Si tout ceci se déroulait dans un pays où l’alternance politique voulait encore dire quelque chose, et si la représentation démocratique jouait encore un rôle, cela laisserait encore quelque espoir de redresser la barre. Malheureusement, cette notion même de démocratie ne semble pas bien claire dans les idées des uns et des autres, à commencer par Manuel Valls.
Clairement, le vote démocratique n’est pas du tout du goût du Premier Ministre qui (le vote, ou le Premier ministre, ou les deux) risquerait d’amener Marine Le Pen au pouvoir. Voter, c’est bien, mais voter en dehors des clous, ça craint ?
En outre, il est piquant de constater que le pauvret s’inquiète de voir Marine Le Pen arriver au pouvoir et, dès lors, disposer de l’arme atomique, sans pourtant s’inquiéter le moins du monde de ce qu’elle trouverait en place, démocratiquement voté, fort pratiquement avant son arrivée. Pourtant, c’est bien Manuel Valls et le PS qui mettent actuellement sur pied cette loi consternante, et si on peut craindre que ces outils soient particulièrement mauvais pour la liberté d’expression et la sauvegarde de la vie privée dans leurs mains, on peut aussi constater qu’au même titre que la bombe atomique, ils feront d’utiles joujoux dans les mains d’un dictateur. De quel parti sera-t-il issu ? À juger les saillies de Valls (ou d’autres complices), on a plutôt l’embarras du choix.
La conclusion est sans appel : 1/ les Français veulent cette incarcération numérique, 2/ leurs députés vont la voter, et 3/ ceux qui pourront l’utiliser à fond de train sont déjà sur les rangs.
Forcément, ça va bien se passer.