Franchement, qui aurait cru ça possible ? Qui pouvait imaginer que deux éminents piliers de notre République se laisseraient ainsi aller à de malencontreux oublis, l’un sur des indemnités perçues, l’autre sur des cotisations dues ? Tout le monde sait que, pour entrer en politique, il faut avoir l’honnêteté chevillée au corps ! Sans compter que l’élu, confronté aux choix cornéliens que supposent les dépenses publiques, se fera toujours un devoir d’être parfaitement expérimenté dans la gestion de ses propres comptes pour éviter tout impair.
C’est donc, comme je l’expliquais en introduction, avec une stupéfaction phénoménale qu’on apprend ces derniers jours que Michel Sapin, notre ministre responsable mais pas coupable de l’Économie et des Finances, aurait omis de renoncer à une petite majoration d’indemnité qui tombait, tous les mois, sur une période allant de 2008 à 2012, et qu’il percevait alors au titre de maire d’Argenton-sur-Creuse, une commune dont le statut de « ville touristique » permet aux élus de s’octroyer un petit bonus de 25%.
Sauf qu’à partir de 2008, le classement de « ville touristique », auparavant du commode ressort de l’équipe municipale, tombait dans les prérogatives du préfet qui n’a pas décidé (le vilain) de renouveler l’inscription de ville touristique pour Argenton-sur-Creuse. Ceci signifiait la fin de la majoration d’indemnité… Fin qui n’eut pas lieu et versements qui auraient dû stopper mais qui continuèrent au point que le tribunal administratif semble s’en être ému (aiguillonné, il est vrai, par un élu de l’opposition), au point de condamner le maire d’alors et ses adjoints à rembourser le trop perçu dont la somme se monte tout de même à 102.000€ (dont 15.000€ pour le seul maire). La République est bonne fille.
Oh, certes, on m’objectera qu’au final, sur 4 années, cette majoration ne représente que quelques centaines d’euros par mois pour le maire (à la louche, 300€ net tous les mois pendant 48 mois) et qu’il n’y a là pas de quoi fouetter un énarque. Notons cependant que les 15.000€, au total, auraient pu aider l’une ou l’autre famille plus en détresse que celle du brave Michel, ou, mieux encore, auraient pu ne pas être ponctionnés tout court et donner quelques euros de plus de pouvoir d’achat aux valeureux habitants de la « Venise du Berry ».
Dans le même temps, on apprenait, au moins aussi stupéfait, que Cécile Duflot, la mère d’ALUR (la célèbre loi immobilière qui fait tant pour nos mal logés et nos locataires souffreteux !), aurait de son côté, d’après les allégations du Canard Enchaîné, proposé un «accord transactionnel» aux dix employés dont le groupe écologiste disposait encore au courant du printemps dernier et qui a été dissous. Cet accord permettait, toujours selon le Canard, d’échapper aux cotisations sociales sur les indemnités supplémentaires et de « gruger l’Urssaf de plus de 50.000 euros sur un total de 118.500 euros ».
Oh ! Même si l’élue se défend maintenant en expliquant à qui voudra l’entendre que l’opération avait été supervisée par une avocate et par les services de l’Assemblée, et même si, en définitive, le montage s’avérait légal, on ne pourra s’empêcher de trouver l’attitude de la petite Cécile un tantinet incohérente : voilà qu’elle tente de diminuer les charges sociales que son groupe politique doit normalement payer, alors qu’elle s’est pourtant clairement affichée pour une vraie solidarité fiscale et sociale ! N’est-ce pas elle qui affirmait ainsi récemment son amour pour l’impôt nécessaire en réponse à un tweet comique de Michaël Youn ? Dans ce dernier, le comique expliquait avoir illustré le principe de l’impôt à sa fille en lui gobant la moitié de son pain au lait :
Cette même désinvolture se retrouve lorsqu’il s’agit de fournir le pain quotidien des ex-présidents de la République, qui, outre leurs indemnités touchées dans le cadre de l’épuisant travail au Conseil Constitutionnel, bénéficient de locaux et voitures de fonction. Pain quotidien qui finit par représenter plus de dix millions d’euros tous les ans (ça fait une sacrée miche, on en conviendra), et dont on peine de plus en plus à voir les retombées pratiques pour le peuple français : si la colonne débit est assez clairement identifiée, la colonne crédit tarde franchement à se remplir.
Le problème de cette désinvolture est qu’elle se traduit de façon très concrète (trop, même) dans leurs actes quotidiens. Lorsqu’on s’appelle Cécile et qu’on fait de la présence à l’Assemblée (et encore, il faut le dire vite), cela ne se traduit plus que par quelques saillies idiotes ou de vagues ronflements ; son passage au gouvernement laissera cependant des traces de mauvaise ALUR. Quand on s’appelle Michel et qu’on est en charge de ce qui reste de finances et d’économies dans ce pays, cela donne lieu à de grands moments de bravoure comptable qui, au final, finiront par retomber sur le museau des contribuables.Il n’est qu’à lire la récente rédaction du petit Michel sur format A5 marge rouge grands carreaux, taches comprises, pour saisir l’ampleur des dégâts que permet cette légèreté avec les deniers publics : prévisions de croissance parfaitement
Tous les jours, la presse nous apporte, souvent sans même le vouloir vraiment, sursubventionnée qu’elle est, la preuve que nos élus n’ont jamais eu pour mission de tenir les cordons de la bourse publique, de gérer l’État en bon père de famille et d’assurer un avenir sain à nos générations futures. Tous les jours, la presse nous montre, à son corps défendant, que ces élus font tout ce qu’ils peuvent pour, au contraire, claquer le plus d’argent public dans les démonstrations les plus visibles possibles de leur pouvoir de nuisance, quand, de leur côté, ils ne font jamais l’économie des efforts nécessaires pour se ménager un avenir personnel financièrement solide.
Alors qu’il serait si facile d’économiser 600 millions d’euros par an, et de faire instantanément 65 millions d’heureux !