« Mon chéri, tu grattes… et en plus ta barbe de 8 jours, ça fait plutôt sale… » Oui, elle est plutôt directe ma femme dans son genre, et ma future ex-nouvelle barbe risque de ne pas durer très longtemps sous son amicale pression, pourtant c’est pour la bonne cause.
Moi aussi je veux devenir barbu. Je suis sûr que vous voulez savoir pourquoi, et puis si vous n’en éprouvez pas le besoin, eh bien je vous le dirai quand même. Non mais !
Donc la barbe c’est un truc de riche. Eh oui, vous ne le savez sans doute pas mais lorsque l’on laisse pousser sa barbe pendant une petite dizaine d’années, eh bien après, on est riche ! Même que l’on peut gagner jusqu’à 250 000 dollars de l’heure et ça, pour gagner un peu de temps (genre 20 ans) afin de rembourser le crédit de la maison, eh bien ça pourrait être bien pratique.
Ben Bernanke, oui le barbu, l’ex-grand mamamouchi de la création monétaire et de l’impression de billets dans sa cave les nuits de pleine lune, eh bien ce garçon peut maintenant nous faire des confidences (assez bidons) pour 250 000 dollars de l’heure, soit plus que son salaire annuel à la FED en une année. Faut dire que fonctionnaire, cela n’a jamais bien payé. Surtout fonctionnaire d’une banque centrale privée dont l’actionnariat est entre les mains des grandes banques de Wall Street, mais ne commençons pas à rappeler quelques vérités désagréables dès le début de cet article.
Comme moi aussi je veux gagner 250 000 euros de l’heure, eh bien je me laisse pousser la barbe. On ne sait jamais après tout.
Non, ce qui est intéressant ce ne sont pas les honoraires perçus par l’ex-patron de la FED, bien qu’évidemment cela puisse interroger sur ce qui peut justifier de tels émoluments, ce qui est intéressant ce sont ses propos.
Bernanke dit que la FED aurait pu faire plus en période de crise
C’est une dépêche de l’agence Reuters qui nous raconte donc comment s’est passée la première conférence de Ben le barbu lors de son intervention à Abu Dhabi (c’est la capitale des Émirats arabes unis).
Et là, première surprise. « L’ancien président de la Réserve fédérale Ben Bernanke a déclaré que la Banque centrale des États-Unis aurait pu faire plus pour lutter contre la crise financière du pays et qu’il a lutté pour trouver le bon moyen de communiquer avec les marchés.
Nous aurions pu faire certaines choses pour atténuer quelque peu la crise, et bien que nous ayons été très agressif, je pense que sur le front de la politique monétaire, nous aurions pu encore plus agressif. »
Oui, c’est vrai, nous aurions sans doute dû imprimer encore plus de dollars sans valeur et les distribuer en chantant sur les places publiques. Pourtant, imprimer de la monnaie n’a jamais été une solution pour régler des problèmes économiques de fond. Or pendant ces 8 années passées à la tête de la FED, qu’a donc fait Ben Bernanke ? Aucun des problèmes ayant mené l’économie mondiale au bord du précipice n’a été réglé et d’aucune façon.
Quels sont les problèmes de fond de l’économie mondiale ?
1/ La raréfaction des ressources. Pas assez de ressources naturelles pour permettre à l’ensemble de la planète de consommer avec acharnement en maintenant des prix bas pour les ressources naturelles de base comme l’énergie ou l’alimentation.
2/ Avec la mise en place de la mondialisation et avec les progrès techniques engendrés par les nouvelles technologies, les salaires occidentaux baissent depuis 10 ans ou au mieux stagnent. L’écart a été comblé par de la dette.
3/ Une démographie déflationniste partout dans le monde avec le vieillissement de la population mondiale qui conduit à un « choc » des retraites et à un « choc » dans les coûts de santé.
4/ Pour l’Europe, un problème plus spécifique lié à une monnaie unique empêchant les réajustements monétaires nécessaires pour un ensemble d’économie aux structures hétérogènes.
Si à court terme une politique monétaire de banque centrale expansionniste peut permettre de gagner du temps et de régler temporairement quelques problèmes de solvabilité au sein du système bancaire et financier, imprimer des billets n’est d’aucune utilité économique pour régler les 4 problèmes majeurs que je viens de vous énumérer plus haut. Or ce sont ces grands problèmes qui rendent tout retour potentiel de la croissance économique illusoire.
Continuons à ne pas y apporter de réponse… et vous savez quoi ? Eh bien nous n’aurons toujours pas de solution !
Après, nous avons quelques problèmes de deuxième rang, comme le secteur hypertrophié de la finance (et du pouvoir des banques), l’accumulation de dettes d’États excessives ou encore, dans le cas de la France, un niveau de dépenses publiques devenu tout simplement « infinançable » en dehors de tout jugement politico-social sur l’utilité de ces dites dépenses.
Trop de confiance !
Notre barbu a donc poursuivi ses doctes explications en disant, en ne faisant apparemment rire que moi, « qu’il pouvait maintenant parler plus librement de la crise qu’il ne le pouvait à la FED » et d’insister en expliquant : « Je peux dire ce que je veux. » (Il peut dire ce qu’il veut devant plus de 1 000 banquiers et professionnels de la finance, c’est-à-dire ses groupies.)
Alors naïvement, je pensais en avoir pour mes 250 000 dollars et c’est là que Ben, qui comme vous le savez peut maintenant s’exprimer en toute liberté, m’a donné la VRAIE raison de la crise, et enfin je me sens apaisé maintenant que grâce au barbu j’ai TOUT compris sur ce qui nous arrivait.
Oui mes chers amis, mes chers lecteurs du Contrarien Matin, sachez-le, « les États-Unis sont devenus trop confiants, pendant la période précédant l’effondrement de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers en septembre 2008. Cela a déclenché un accident dont l’économie américaine, n’a pas complètement récupéré ».
C’était donc cela la GRANDE vérité du barbu sur la crise, lui, l’homme dont la liberté de parole est totale pense que la crise c’est la faute à la faillite de Lehman qu’il a, soit dit en passant, laissé se ramasser volontairement puisque les banquiers de Wall Street, « la place » comme on dit, voulait la peau de cette vénérable institution qui n’avait pas voulu participer il y a quelques années au sauvetage d’un gros fonds dont la faillite faisait déjà, à l’époque, peser un risque systémique sur le système bancaire US.
Et puis Ben continue à nous rendre simple et intelligible cette crise complexe en ayant cette phrase remarquable :
« Cela va sembler très évident, mais la première chose que nous avons appris, c’est que les États-Unis n’est pas invulnérable aux crises financières. »
Je vous rappelle que les organisateurs ont dû débourser tout de même 250 000 dollars de l’heure pour entendre de telles inepties. Franchement, qu’ils m’invitent, je peux leur expliquer la crise pour moins cher (ma femme me dit de leur proposer 50 % du tarif de Sarko qui est à 20 000 de l’heure donc je peux leur faire un devis à disons 10 000, c’est pas mal 10 000 de l’heure). Comprenez-moi bien, je joue le « faux » jaloux. Je me contrefiche des sous gagnés par Ben… je trouve juste amusant de mettre en rapport ces 250 000 dollars avec les propos tenus. Ça frise l’escroquerie et je pense qu’à ce prix, nous lui jetterions des tomates à la fin de son spectacle si le monde tournait comme il le devrait.
La difficulté du métier de patron de la FED
Il faut le comprendre Ben, il avait un métier trèèèès difficile. C’est compliqué vous savez d’être un grand mamamouchi, d’avoir du personnel à la maison, de bénéficier d’un chauffeur et d’une belle limousine, d’avoir tout plein d’avantages, c’est juste pour compenser la difficulté de la tâche (ce qui peut être réel d’ailleurs).
Pour lui (qui peut parler librement), le plus compliqué c’était de trouver la bonne manière de parler aux investisseurs…
« C’était vraiment très difficile pour moi de m’adapter à cette situation où vos mots ont un tel effet. Je suis venu du monde académique (comprendre l’enseignement) et j’avais l’habitude de faire des exemples hypothétiques, et… j’ai appris que je ne peux pas le faire parce que les marchés ne comprennent pas hypothétiques. » Il a conclu en disant qu’il devait « essayer de simplifier le message, mais pas trop simplifier », ce qui est une façon bienveillante de dire qu’il avait du mal à communiquer avec ce monde de crétins et de cons finis que sont les « zinvestisseurs », les traders et autres financiers.
Un bilan globalement positif : zai fé du mieux que j’ai pu…
Mais oui Ben, soit rassuré, les dizaines de millions de chômeurs, les milliers de suicidés économiques, les millions de dépressifs à travers la planète et tous ceux qui se débattent dans une misère quotidienne ou qui sont en passe de l’expérimenter (là je pense à nous autres, Français, sous surveillance renforcée de l’Europe) t’aiment et ne t’en veulent absolument pas… mais continue à te balader avec tes bodyguards car mieux vaut être prudent.
Bref, Ben, l’homme qui murmurait à l’oreille des marchés, juge son bilan de la façon suivante :
« En fin de compte, l’économie américaine aurait pu récupérer plus rapidement, mais nous avons fait un bon dans une situation très compliquée et dans une situation politique très complexe, et le résultat est ce qu’il est. »
Haouaaa… là on visualise la pensée « fulgurante » de l’homme libre… Avouez, vous êtes défrisé par ces propos hein ? Non ? Normal, vous avez l’esprit chagrin du contrarien.
Enfin, pour le plaisir, je vous livre la conclusion de la dépêche de l’Agence Reuters qui nous écrit que :
« Bernanke, l’air détendu dans un costume gris et cravate, a déclaré qu’il en écrira plus sur ses expériences dans la crise pour expliquer sa version de l’histoire. Pour l’avenir, je suis dans un mode de réflexion. »
Moi aussi, à 250 000 dollars de l’heure, je vous assure que je serai hyperdétendu… mais alors vraiment !
Bernanke n’est pas un homme libre et n’a réglé aucun problème, il en a créés de nouveaux
Vous l’aurez compris, tout cela n’est qu’une posture de communicant. Évidemment, Ben le barbu n’est pas plus libre dans ses propos maintenant qu’il y a 3 mois. La vacuité de sa pensée et de ses propos est plus à mettre sur le compte de ce devoir de réserve que sur une incompétence totale, quoi qu’il y ait quelques questions à se poser tout de même.
Lors de ces 8 années passées à la tête de la banque centrale la plus puissante du monde, Ben Bernanke n’a finalement rien fait ou presque. Son travail s’est limité à imprimer de l’argent et à racheter les actifs pourris des banques afin de sauver les actionnaires de la FED d’un bouillon inéluctable, mais en 8 ans aucune des raisons qui nous ont conduits dans cette crise n’a été réglé. Aucune.
Nous faisons face à de vrais problèmes (et j’ai énuméré les plus prégnants un peu plus haut) mais aucun d’entre eux n’est intellectuellement ou techniquement insurmontable. Nous pourrions adopter un mode de consommation moins énergivore sans avoir forcément à renier notre confort. Nous pourrions n’avoir qu’un lave-linge dans notre vie ou… deux prévus dès leur conception pour être « upgradés » régulièrement, réparés, etc. Nous pourrions avoir des modes de transport plus économiques, nous pourrions avoir plus d’éoliennes, plus de panneaux solaires, plus de circuits courts, des chaussures avec des semelles… ressemelables, etc., etc., etc. Nous pourrions nous re-répartir sur nos territoires immenses au lieu de nous entasser dans des villes hypertrophiées, nous pourrions vivre tous plus simplement mais confortablement en adoptant une vie où la consommation tiendrait moins de place… mais hélas, les bénéfices aussi.
Notre système est un système économique basé sur la consommation de masse pour faire des masses de bénéfices. Les grandes multinationales et les grandes banques, les grands industriels et tous ceux qui, en réalité, détiennent le pouvoir, en étant capables de payer un pauvre type fut-il barbu 250 000 dollars de l’heure, ne survivraient pas à une telle transition.
Pourtant, non seulement nous avons les moyens techniques et intellectuels d’un tel changement de paradigme, mais surtout ce bouleversement est indispensable à la survie de notre espèce et surtout de notre humanité.
Nous devons changer d’ère et aborder une nouvelle manière de concevoir notre système économique et notre capitalisme qui, je le rappelle, dans sa forme la plus résumée est simplement « le respect de la propriété privée au sens large ». Le capitalisme peut parfaitement supporter un tel bouleversement. Pas les grandes multinationales. Pas l’idéologie de la mondialisation, pas la surconsommation comme outil de lobotomisation et d’occupation des masses. Pas les profits, pas les grands fonds, pas les actionnaires… et pourtant, ils représentent tout le monde ancien. Hélas, ils ne veulent surtout pas voir l’émergence d’un monde nouveau et s’accrochent désespérément aux vestiges d’un système passé. C’est pour cette raison que cette crise est loin, très loin d’être finie et qu’elle ne trouvera aucune résolution en dehors d’un effondrement total de l’ensemble des structures existantes. Cela porte le nom de « destruction créatrice ».
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »
Éditorialiste et rédacteur du Contrarien Matin
Directeur des études économiques AuCOFFRE.com
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