Etat des lieux
L’amélioration constatée, par rapport aux niveaux antérieurs, semble s’être concentrée sur l’industrie. De fait, par rapport aux données de 2012, la France est aujourd’hui légèrement en dessous des chiffres de l’Allemagne. Mais, l’écart n’était pas des plus importants en 2012. De plus, ce secteur de l’économie, assurément d’une très grande importance, ne dit pas tout.Graphique 1
Coût du travail dans l‘industrie et les services marchands
De plus, ce secteur de l’économie, assurément d’une très grande importance, ne dit pas tout. Les « services marchands », dont une partie est consommée par l’industrie (en particulier dans le domaine du transport et de la logistique), témoignent d’écarts très importants avec l’Allemagne. Ces écarts expliquent aussi la relative différence de compétitivité, qui se traduit par une plus grande propension à investir en Allemagne.
En fait, comme le montre le graphique 2, la baisse du coût du travail est entièrement due à la baisse des charges qui ramène l’indice du coût « chargé » au niveau de l’indice du coût salarial simple.
Graphique 2
Comparaison entre le coût salarial et le coût « chargé » du travail dans l’industrie
Données INSEE
Cela implique que cette « baisse des coûts » s’apparente à un fusil à un coup ! Et plusieurs facteurs expliquent cela. Les coûts horaires du travail dépendent de facteurs structurels, certains directs comme l’ampleur et la nature de la mécanisation du travail, le degré de formation des opérateurs, mais d’autres indirects (habitude du travail industriel, coût annexes…). En dynamique (si l’on regarde une période par rapport à une autre), l’inflation dans le pays joue aussi un rôle important. Or, le taux d’inflation d’un pays (si l’on admet la neutralité de sa politique monétaire) dépend aussi de facteurs structurels….
Les problèmes du taux de change unique
Or, si la zone Euro a bien déplacée la politique monétaire de l’échelon national à un échelon supra-national elle n’a en rien modifié les conditions structurelles qui affectent tant la productivité, le coût apparent du travail et le taux d’inflation. En fait, si l’on accepte l’idée d’une dissolution de la zone Euro, avec les taux de changes des différentes monnaies s’appréciant (Allemagne) ou se dépréciant, on constate que le coût du travail serait assez largement différent.Tableau 1
Evolution des coûts (en Euro) horaire du travail avant et après une dissolution de la zone Euro
1 | 2 | 3 | 4 | 4 | 5 |
Coût horaire 2012 | Coût après dissolution de l’Euro | Coût en pourcentage du coût français | Coût en pourcentage du coût français après sortie de l’Euro | Ecart | |
Bulgarie | 3,4 | 3,4 | 9,8% | 10,9% | 1,1% |
Roumanie | 4,3 | 4,3 | 12,4% | 13,7% | 1,4% |
Pologne | 7,6 | 7,6 | 21,8% | 24,3% | 2,4% |
Hongrie | 7,9 | 7,9 | 22,7% | 25,2% | 2,5% |
Portugal | 12,9 | 10,32 | 37,1% | 33,0% | -4,1% |
Espagne | 20,9 | 16,72 | 60,1% | 53,4% | -6,7% |
Royaume-Uni | 21,5 | 21,5 | 61,8% | 68,6% | 6,9% |
Italie | 26,6 | 22,61 | 76,4% | 72,2% | -4,2% |
Allemagne | 30,9 | 38,625 | 88,8% | 123,3% | 34,5% |
France | 34,8 | 31,32 | 100,0% | 100,0% | 0,0% |
Belgique | 40 | 34 | 114,9% | 108,6% | -6,4% |
Les hypothèses d’appréciation/dépréciation par rapport au niveau actuel de l’Euro sont de :
Portugal | -20% |
Espagne | -20% |
Italie | -15% |
Allemagne | +25% |
France | -10% |
Belgique | -15% |
Tableau 2
Variations des coûts horaires après corrections dues à l’inflation
1 | 2 | 3 | 4 | 4 | 5 |
Coût après dissolution de l’Euro | Coût corrigés des effets d’inflation | Coût en pourcentage du coût français en 2012 | Coût en pourcentage du coût français après sortie de l’Euro avec corrections | Ecart | |
Bulgarie | 3,4 | 3,40 | 9,8% | 10,5% | 0,7% |
Roumanie | 4,3 | 4,30 | 12,4% | 13,3% | 0,9% |
Pologne | 7,6 | 7,60 | 21,8% | 23,5% | 1,7% |
Hongrie | 7,9 | 7,90 | 22,7% | 24,4% | 1,7% |
Portugal | 10,32 | 11,00 | 37,1% | 34,0% | -3,1% |
Espagne | 16,72 | 17,82 | 60,1% | 55,1% | -5,0% |
Royaume-Uni | 21,5 | 21,50 | 61,8% | 66,5% | 4,7% |
Italie | 22,61 | 23,74 | 76,4% | 73,4% | -3,1% |
Allemagne | 38,625 | 35,73 | 88,8% | 110,4% | 21,6% |
France | 31,32 | 32,35 | 100,0% | 100,0% | 0,0% |
Belgique | 34 | 35,70 | 114,9% | 110,3% | -4,6% |
Les industriels français bénéficieraient d’un gain de plus de 20% en matière de coût du travail par rapport à l’Allemagne et une perte de -3% par rapport à l’Italie, et de -5% par rapport à l’Espagne et à la Belgique. Le commerce extérieur de la France s’améliorerait massivement par rapport à l’Allemagne (et plus généralement aux pays hors zone Euro) mais une partie de ces gains serait reversée aux pays de l’Europe du « Sud ».
Le coût du CICE
On a vu que l’amélioration des coûts du travail enregistrée par la France étaitexclusivement l’œuvre de dispositifs comme le CICE. Or, ces dispositifs ont un coût budgétaire important (au moins 22 milliards, soit 1% du PIB et sans doute plus avec les coûts induits). Or, on voit que l’on peut obtenir des résultats supérieurs à ceux du CICE par une dissolution de la zone Euro. De plus, ces résultats se font sans les coûts budgétaires du CICE, coûts qui pourraient être transformés en allègements fiscaux pour les ménages. Ceci provoquerait une hausse de la consommation, qui pourrait être orientée soit vers des infrastructures, soit vers de produits à intensité énergétique plus faible. Quel que soit le choix, il est clair que l’impact sur la croissance serait extrêmement important par la combinaison d’une forte amélioration de la compétitivité ET d’une relance.Le solde commercial excessif de l’Allemagne, qui met en péril l’ensemble des économies européennes serait alors naturellement résorbé, et la baisse du prix des importations (en Deutschmark) permettrait un maintien voire une amélioration du niveau de vie. L’effet principal d’une dissolution de l’Euro serait de réduire le flux des investissements et autres mouvements financiers de l’Allemagne. Cet affaiblissement (relatif) de la position financière de l’Allemagne la conduirait sans doute à revenir vers une spécialisation industrielle.
On voit que, comparé aux effets du CICE, une dissolution de la zone Euro (qu’elle découle d’une décision collective ou qu’elle soit le produit d’une sortie unilatérale de la France entraînant celle des autres pays) serait bien plus avantageuse. Il convient donc de s’interroger sur les raisons idéologiques qui conduisent une large part de l’élite politique française à choisir l’Euro, à l’encontre de toute raison et de l’intérêt général, non seulement de l’économie française mais aussi des économies européennes. L’ensemble des données économiques montrent en effet que l’Euro détruit les économies des pays du « Sud » de l’Europe et provoque un déséquilibre structurel qui met la totalité de la charge sur les épaules de l’Allemagne, un poids que ce dernier pays, et c’est assez compréhensible, ne peut supporter.
La solution qui s’impose depuis plusieurs années est la dissolution, sous une forme ou une autre, de la zone Euro. Mais , on a le sentiment que face à un tel problème, les dirigeants français (mais aussi une partie de l’élite politique espagnole et italienne) ont choisi de fermer les yeux et de se boucher les oreilles. Au lieu de recourir à la solution logique, ils sont partis dans une surenchère de mécanismes tous plus compliqués les uns que les autres, et dont le coût est très élevé. Cela ne pourra plus durer.
[1] http://www.latribune.fr/economie/france/cout-du-travail-le-cice-a-permis-de-ralentir-la-hausse-517523.html