Alors que la monnaie unique européenne n’existe que depuis 8 ans (et seulement 5 ans dans le portefeuille des européens), elle a acquis depuis, le statut de deuxième monnaie mondiale derrière le dieu dollar. Un bon indicateur de la confiance accordée dans une devise est de regarder le montant des encours des grandes banques centrales. En effet, les pays détiennent des réserves de changes constituées d’un panier de plusieurs monnaies.
Aujourd’hui l’euro pèse pour près de 26% dans les réserves de change mondiales, à la deuxième place après le dollar américain qui représente environ 64% des montants. La part du billet vert ne cesse d’ailleurs de reculer au bénéfice de l’euro et on assiste à un certain rééquilibrage même si la prééminence du dollar est encore forte.
Il n’y a donc pas à chipoter, l’euro est bien aujourd’hui la deuxième monnaie mondiale. Elle bénéficie d’une forte cote auprès des grandes institutions financières ainsi que sur le marché des changes où la paire euro/dollar est de loin la plus échangée.
Si ce statut de médaillé d’argent est incontestable, il y a encore du travail à faire pour que l’euro devienne une réelle monnaie d’échange planétaire entre les individus. Et on s’aperçoit que le fossé est grand entre une monnaie scripturale de référence et une monnaie fiduciaire de référence. Petit rappel à toutes fins utiles, la monnaie scripturale est constituée des dépôts à vue dans les organismes financiers, son existence est relativement virtuelle (électronique, virements, chèques, jeux d’écritures). Les espèces sonnantes et trébuchantes (pièces, billets) correspondent à la monnaie fiduciaire.
Pour mesurer encore l’écrasante domination du dollar fiduciaire, il suffit de faire une expérience simple mais très parlante : rendez vous dans un pays étranger et essayez de payer un restaurant en dollars ; pas de problèmes. Faites la même chose avec des euros, ça marche de plus en plus souvent. Par contre, proposez une pièce de 2 euros à un réceptionniste d’hôtel ou deux billets de un dollar, le choix sera vite fait et votre serviteur s’en ira souriant avec ses deux billets verts. Et pourtant le pauvre bougre a perdu 30% dans la manœuvre puisque l’euro est actuellement bien plus fort que le dollar. N’est il pas au courant des taux de changes ? S’est il trompé dans son calcul ? Que nenni, il sait tout simplement que sa banque acceptera des billets mais pas des pièces et à moins d’être numismate, il snobera les euros! La solution est donc toute simple, l’actuel succès planétaire du billet vert est lié à l’existence du billet de un dollar.
Quand on voyage dans de nombreux pays de la zone Asie ou en Amérique du sud, pays de forte utilisation de la monnaie papier, l’euro ne peut pas lutter dans les petites transactions entre individus et devient de fait inexistant. Pourtant dans ces pays, on ne s’embarrasse que rarement du taux de change et un euro vaut souvent un dollar. Les commerçants et employés sont friands de notre monnaie car ils savent qu’ils seront gagnants, mais uniquement si on leurs donne des billets.
Il y a sans doute une piste à explorer pour la banque centrale européenne (BCE) dans l’émission de billets de un euro d’autant que le risque de fausse monnaie n’en vaut pas la chandelle. Cela permettrait de renforcer la présence de l’euro dans les innombrables transactions mondiales de la main à la main, cela faciliterait la vie de millions d’européens par la même occasion. Lançons donc cet appel à Monsieur Trichet et si par hasard, il n’a pas d’idée pour le visuel de cet improbable billet qu’il prenne la photo en haut de cet article;-)
Le dilemme est donc posé : voulez vous un billet de un euro ou vous montrer plus généreux sur les pourboires ? A vos réactions et commentaires.
Rodolphe VIALLES, fondateur d'Abcbourse