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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

« Chine, les représailles commencent !... »

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Mes chères contrariées, mes chers contrariens !

« Mon chéri, tu es trop pessimiste, vraiment tu vois le mal partout. Regarde, finalement, les Zaméricains, ils ont trouvé un accord au dernier moment comme tout le monde le disait, que va-t-on faire des 968 boîtes de raviolis bio que tu as fait livrer hier et qui encombrent MON salon… »

Voilà l’accueil que m’a réservé ma femme hier à mon retour après une longue et dure journée harassante de labeur afin de gagner dignement ma pitance quotidienne…

Elle était sur le pas de la porte, armée de boîtes de conserve, prête à bondir sur moi…

Oui il y a eu un accord, un accord temporaire comme vous le savez tous désormais, et ce jusqu’au 15 janvier prochain. Néanmoins, il faut s’en réjouir et sans hésitation, car le pire n’est jamais souhaitable.

L’approche des marchés et de la totalité des « zobservateurs » était qu’un éventuel défaut était si dramatique qu’il était tout bonnement impossible, ce qui explique le courroux logistique de ma femme par rapport à sa nouvelle décoration intérieure vue et conçue par son mari…

Et je dois avouer que nous sommes bien tous d’accord sur ce point. Un défaut américain est une hypothèse économique cataclysmique.

Était-elle impossible ? J’ai la conviction que non et que nous n’en sommes en réalité pas passés loin. Peut-elle se matérialiser dans les prochains mois ? J’ai la conviction que oui. Qu’il s’agit d’un risque bien réel et qu’il est indispensable de le prendre sérieusement en considération et de s’y préparer. Cela ne veut pas dire qu’une telle situation se produira, en tout cas à court terme, car à long terme les États occidentaux sont tous en faillite. Cela veut dire, comme je l’ai dit, écrit et répété que la probabilité que cela arrive n’est pas de 0 % comme on veut nous le faire croire naïvement mais d’au moins 30 %. 30 % de risque, cela laisse 70 % de chance qu’un tel événement n’arrive jamais, mais on ne peut pas ignorer un risque de 30 % lorsque l’on a une vision patrimoniale des choses.

Et vous allez vite comprendre pourquoi j’insiste sur tous ces points à la lecture de ce qui suit…

Voici les 144 républicains qui ont voté pour envoyer les États-Unis en défaut de paiement

C’était impossible, c’était impensable, c’était de la folie pure, donc cela ne pouvait pas arriver. Sauf que cet article remarquable du Business Insider nous communique la liste des 144 représentants américaines, ce qui n’est vraiment pas négligeable, qui ont voté contre l’accord (les électeurs américains pourront donc au choix les pendre en place public ou les réélire haut la main).

En votant hier soir au dernier moment contre l’accord, ils prenaient la décision en leur âme et conscience de voter POUR le défaut de paiement des États-Unis d’Amérique.

144 représentants sont allés au bout de la logique que beaucoup qualifient « d’autodestruction » et que je considère pour ma part relever d’une approche géopolitique différente.

Disons que, pour le moment, le courant favorable à une Amérique hégémonique quels qu’en soient les coûts a été mis en échec. Ce courant n’est pas minoritaire. Loin de là, et sous-estimer sa puissance est une erreur fondamentale dans la gestion des risques actuels.

Au moment où nous parlons, ce courant n’est pas suffisamment puissant pour provoquer la rupture économique historique que beaucoup attendent et souhaitent, à tort ou à raison, chacun jugera car tel n’est pas mon propos.

Sachez donc, pour être pleinement informés de la catastrophe à laquelle nous venons d’échapper de façon temporaire, que 285 membres de la Chambre ont voté oui. En face, 144 s’y sont opposés jusqu’au bout.

Pendant ce temps, du côté de la Chine, les choses ont beaucoup évolué ces toutes dernières heures et, disons-le, la Chine vient de passer à l’offensive. Cela est de nature à déstabiliser le système économique actuel. Une stratégie de « désaméricanisation » ne sera pas neutre et elle vient de commencer. Ces impacts seront capables de fracturer le consensus qui s’est fait au dernier moment pour le vote d’un accord hier à Washington, en particulier si les actions de désaméricainisation économiques chinoises sont interprétées comme un acte hostile par les hommes politiques américains. Aujourd’hui, nous en prenons clairement le chemin.

Lisez plutôt les deux informations suivantes.

Accord temporaire à Washington, un remède à courte durée à la crise budgétaire

C’est le « commentaire » officiel de l’Agence de Presse chinoise Xinhua (Chine Nouvelle). C’est la position officielle des autorités de Pékin.

« Jeudi matin, le Congrès américain a évité in extremis le défaut de paiement en acceptant un compromis pour relever le plafond de la dette des États-Unis, mais il semble difficile de trouver un remède à long terme à la maladie persistante et chronique du budget américain.

Cet accord provisoire au Congrès démontre que les politiciens n’ont rien fait de substantiel, si ce n’est repousser, une fois de plus, la perte de la confiance mondiale dans le système financier américain et dans le dollar sur les marchés financiers internationaux, qui a déjà été sérieusement ébranlée par l’indéfectible lutte partisane et l’incapacité du pays à résoudre ses propres problèmes financiers.

Adopter un tel projet de loi transitoire ne fait que reporter le problème de la crise de la dette américaine.

Si le gouvernement américain continue d’adopter une telle approche, il se pourrait que le pouvoir d’emprunt du Trésor s’épuise et que le pays, à court de fonds, se trouve à nouveau au bord d’un défaut de paiement historique.

Même si ceci ne reste qu’une théorie, il est impératif, qu’au cours des prochains mois, les politiciens de la Maison Blanche et des deux Chambres du Congrès puissent mettre de côté leurs différends et l’impasse, et travailler de concert pour parvenir à une solution à long terme et rassurer les marchés financiers internationaux.

Parmi les solutions efficaces disponibles, le gouvernement américain doit revoir ses dépenses à la baisse, compte tenu des gigantesques dépenses militaires, qui représentent près de la moitié du total mondial.

Avec l’épée de Damoclès du défaut de paiement qui pèse sur les États-Unis, la stabilité financière internationale et la reprise économique mondiale se trouvent dans une mauvaise situation.

Aucune solution responsable et à long terme n’étant prévue pour la crise budgétaire américaine, la communauté internationale doit analyser les faiblesses qui nuisent aux actuels systèmes financier et monétaire internationaux, où prédomine le billet vert.

Quant à la Chine, cette situation peut être l’occasion d’avancer résolument sur la voie de l’internationalisation de sa monnaie (le yuan), pour s’éloigner progressivement des dangers que présente l’inquiétant mécanisme budgétaire américain.

L’économie mondiale a déjà beaucoup souffert malgré l’accord provisoire conclu entre les démocrates et les républicains, et les États-Unis ne font pas forcément une faveur au monde en résolvant leurs troubles fiscaux. »

Vous remarquerez le ton assez hostile du partenaire économique chinois… Les choses sont clairement dites, et Pékin peut à tout moment, en déversant ses bons du Trésor sur les marchés obligataires, conduire à l’effondrement du dollar. Néanmoins, cela est assimilé à une « bombe atomique » économique.

En réalité, il est très difficile pour les Chinois de se débarrasser de leurs 1 300 milliards de dollars de dette américaine sans se tirer une balle dans le pied. La seule solution cohérente pour la Chine est d’acheter de l’or, beaucoup d’or, le maximum d’or…

Nous pourrions donc entrer dans une nouvelle phase haussière importante et durable pour le métal jaune.

Pourquoi ? Simplement parce que si quelques milliards de dollars sont suffisants pour déstabiliser le marché de l’or à la hausse, ils ne sont pas en mesure de déstabiliser le marché des obligations souveraines à commencer par le marché des bons du Trésor US.

Or ces quelques milliards de dollars supplémentaires convertis en or auront, à terme, une valeur beaucoup plus grande puisqu’ils permettront d’asseoir la crédibilité de la devise chinoise.

Enfin, « riposter » en achetant de l’or est devenu légitime pour les Chinois à l’issue de cette nouvelle crise budgétaire et politiquement évident, mais cela reste une riposte « graduée » dans la mesure où ils ne déstabiliseraient pas le dollar par des ventes massives de bons du Trésor, mais en douceur par la hausse de l’or, c’est-à-dire in-fine en provoquant une baisse relative du dollar.

La désaméricanisation est donc en marche.

Mais ce n’est pas tout.

Dagong déclassements des É.-U. cotes de crédit souverain à A-Dagong Global Credit Rating

L’Agence de notation Dagong, qui est l’Agence de notation chinoise, a dégradé à nouveau aujourd’hui la note souveraine des États-Unis alors que les autres agences de notation inféodées à Washington n’ont toujours pas bougé le petit doigt.

Voici une traduction résumée du communiqué de presse officiel de l’Agence Dagong disponible en anglais au lien que je vous communique plus bas.

« Avec l’accord partiel obtenu par le Congrès le gouvernement fédéral américain peut éviter le défaut
pour le moment. Toutefois, la situation fondamentale est que le taux de croissance de la dette dépasse de manière significative celui des recettes fiscales et que le PIB reste inchangé.

Pendant longtemps, le gouvernement américain a maintenu sa solvabilité en remboursant ses dettes anciennes par de nouvelles dettes, ce qui aggrave constamment la vulnérabilité et la solvabilité du gouvernement fédéral.

C’est pourquoi le gouvernement américain continue de s’approcher d’une crise de défaut, une situation qui ne peut pas être atténuée substantiellement dans un avenir prévisible.

À la lumière de ces faits, Dagong Global Credit Rating Co décide de dégrader la notation de crédit des États-Unis, a A- et maintient une perspective négative.

Cette décision est basée sur le raisonnement suivant :

1/ L’arrêt partiel du gouvernement fédéral souligne apparemment la détérioration de la la solvabilité du gouvernement. La fermeture partielle du gouvernement américain est une conséquence inévitable de son échec à long terme à payer ses dettes excessives.

Au cours des exercices de 2008 à 2012, le rapport du stock de la dette par rapport aux recettes fiscales du gouvernement fédéral est passé de 4,0 à 6,6.

Dans de telles conditions, le gouvernement fédéral, qui peut difficilement soutenir ses propres dépenses, ne sera pas en mesure de couvrir son énorme quantité de dettes.

2/ Depuis le déclenchement de la crise de la dette américaine en 2008, la dette US a augmenté de 60,7 % entre 2008 et 2012, alors que le PIB nominal a augmenté de seulement 8,5 %, tandis que les recettes fiscales ont diminué de 2,9 %, ce qui indique que les recettes fiscales ne peuvent plus être la principale source de remboursement de la dette.

En raison du fait que le gouvernement fédéral dépend maintenant fortement de sa capacité à contracter de nouvelles dettes pour rembourser ses anciennes, la vulnérabilité de sa chaîne de la dette est telle que le défaut de paiement technique peut se produire à tout moment.

3/ Trop de liquidités injectées en continu sur les marchés financiers internationaux par les États-Unis.
Afin d’éviter un défaut de la dette causée par le manque de ressources financières pour faire face aux remboursements de la dette, le gouvernement américain a utilisé la domination monétaire internationale du dollar pour monétiser ses dettes et a pratiqué une politique monétaire d’assouplissement quantitatif pour maintenir sa solvabilité depuis 2008.

La dévaluation du dollar qui en résulte a fait baisser la valeur du stock de dettes pénalisant directement les intérêts des créanciers. Dagong estime que la dépréciation du dollar américain a entraîné une perte de 628,5 milliards de dollars aux créanciers étrangers entre 2008 et 2012.

4/ Depuis l’arrivée de Barack Obama au pouvoir en 2009, le Congrès américain a augmenté le plafond de la dette cinq fois. Cette nouvelle augmentation du plafond de la dette montre l’incapacité du gouvernement à améliorer sa solvabilité en améliorant les éléments économiques et financiers de base.

5/ Les démocrates et les républicains de US n’ont pas de stratégie cohérente pour résoudre le problème de la dette souveraine.

La récurrence du conflit bi-partisan sur la dette et le relèvement du plafond révèle une fois de plus l’incapacité de la classe dirigeante américaine à résoudre la crise de la dette nationale.

Une crise de la dette qui se transforme en une crise politique, qui à son tour aggrave la crise de la dette.

Une telle politique rend très sombre les perspectives de solvabilité du gouvernement fédéral américain. »

Fin du communiqué.

À la lecture de ce document, ce n’est pas une analyse qu’a rédigé l’agence Dagong mais bien un véritable réquisitoire politique, économique et diplomatique.

Le mal a donc bien déjà été fait et en l’absence d’accord durable et pour plusieurs années sur la dette américaine, les Chinois ont décidé d’entamer réellement le processus de désaméricanisation de l’économie mondiale. Au même moment, le gouvernement indien annonçait son intention d’acheter son pétrole en euro et en roupie et plus en dollar.

Nous rentrons donc dans une nouvelle étape de la crise, l’étape monétaire et la confrontation directe entre la Chine et les États-Unis, sans pour autant que cela exclut les risques de défaut américain, au contraire, politiquement, l’aile la plus radicale des représentants américains pourrait se servir d’une situation dégradée sur le leadership US pour imposer leurs vues.

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez-bien !!

Charles SANNAT

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.
http://www.businessinsider.com/144-republicans-voted-for-default-2013-10

http://en.dagongcredit.com/content/details20_7580.html
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