À la décharge de ces versions papier, il faut dire que les interruptions de parution, maintenant quasi-régulières, n’aident pas : le syndicat CGT du Livre, essentiellement composé de gros bras plus rapides à sortir les poings qu’à réaliser toute réflexion de fond sur leur métier, est à ce point cramponné aux multiples privilèges dont il bénéficie que toute modification, même ténue, des statuts de la presse lui provoque des poussées d’urticaires grévogènes ; en outre, le commode aveuglement de la justice et des forces de l’ordre devant les activités mafieuses du syndicat n’ont pas vraiment poussé ses membres à une salvatrice remise en question de leurs méthodes.
Parallèlement, le flot ininterrompu (et même grandissant) de subventions publiques, d’argent frais et gratuit en provenance directe des poches du citoyen non-lecteur, ont achevé de conforter l’ensemble des professions de presse dans un immobilisme jurassique assez phénoménal : après tout, tant que la soupe continue d’arriver dans l’assiette, pourquoi changer d’un iota ses méthodes et ses réflexions et risquer l’assèchement ? Ce confort douillet aura parfaitement blindé les rédactions contre toute confrontation au monde réel, celui où les lecteurs payent pour des analyses, des mises en perspectives, des opinions et des éditoriaux avec de vrais gros morceaux de réflexion et des questions qui piquent l’esprit.
En pratique, l’arrivée du numérique n’a fait finalement que conforter la baisse de lectorat, déjà bien engagée en 1980, où les quotidiens nationaux avaient déjà perdu 35% de leur tirage de 1945, à une époque où le Minitel et internet n’existaient pas.
Courant septembre 2012, la situation est donc limpide : d’un côté, les consommateurs, lassés de payer pour une information brute et insipide, s’en vont. De l’autre, toute une profession s’arc-boute sur un mélange touchant de principes déjà vieux d’un siècle et de corporatisme habituel dans ce pays : elle décide, au travers de ses frétillants représentants, de trouver un bouc-émissaire, qui sera Google, et de lui faire payer l’impudence de son existence.
La pression est donc montée, progressivement, pendant le reste du mois de septembre puis celui du mois d’octobre pour qu’enfin, le gouvernement agisse et oblige, par une taxe bien sentie, à remettre un peu les pendules de Google à l’heure française du corporatisme et de la connivence presse / gouvernement. À ce sujet, les arguments des flibustiers ne manquent pas de sel : d’après eux, le méchant Google, pas installé en France, ne déclare que (!) 41 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le territoire, paye un impôt bien trop symbolique, et « utilise [leurs] articles gratuitement pour ponctionner le marché publicitaire français sans rémunérer les créateurs de contenus ! » (c’est-à-dire, eux, selon la fable qu’ils veulent nous faire croire). Le fait que ce « contenu » soit une resucée des fils AFP, soit très sensiblement le même d’un papelard à l’autre, fautes d’orthographes y compris, ne semble en rien les défriser. Le fait aussi que Google, de leur aveux même, ultra-majoritaire dans la recherche sur Internet, leur amène l’essentiel (pour ne pas dire la totalité) de leur trafic et donc de leurs propres revenus publicitaires ne les effraye en rien : Google est riche, Google a plein de thunes, Google doit payer ! Et la base de la nouvelle taxe (assise sur un droit voisin du droit d’auteur, ben tiens) sera donc : « Google nous indexe, Google devra donc payer pour avoir le droit de le faire. »
Bizarrement, l’entreprise mondiale n’a pas apprécié qu’on tente de la tondre. Elle a donc, très simplement, expliqué qu’elle allait s’éviter un nouveau poste de coût : « puisque l’indexation de vos sites nous sera facturée, alors que nous vous rendons ce service gratuitement, nous arrêtons cette indexation. »
Oh ! Un chantage ! Des pressions ! Des intimidations ! Google menace de ne plus indexer la presse française ! C’est intolérable !
C’est tellement intolérable que toute une brochette de spécialistes de l’ouvrage de gueule pour dire n’importe quoi s’est immédiatement dressée sur ses petits ergots. Il ne faut pas laisser dire ou laisser faire Google, il en va de la liberté de la presse et tout ça, mais si mais si, d’ailleurs Laurent
Et c’est donc l’occasion pour notre poussif écrivaillon de laisser se déverser en cataracte les bêtises incohérentes qui lui passent par la tête. Ainsi, il reproche à Google de censurer la presse en refusant de l’indexer, comme on pourrait accuser un kiosque à journaux de censurer la presse s’il refusait de vendre des titres qui ne lui apportent que des ennuis. On avouera que les notions de liberté d’expression et de censure, dans les écrits de ce clown pathétique, sont particulièrement souples puisque, subitement, la presse se retrouve affublée d’un droit inaliénable à l’indexation Google.
Mais, pauvre scribouillard sans envergure, si Google ne te référence pas, tu auras tout de même tout le loisir de continuer à t’exprimer ! Tu pourras toujours écrire tes éditos lamentables avec insultes à deux euros en direction de l’un ou l’autre dirigeants anglais. Bien évidemment, ton référencement s’effondrant d’un coup, personne ne lira plus, sur un clic malencontreux, les vomissures de pensées que tu nous fait subir bien malgré nous, tout subventionné que tu es ; autrement dit, tu pourras toujours jouir de ta liberté d’expression pour raconter n’importe quoi. Simplement, personne ne t’écoutera, et ce sera tant mieux.
Après tout, la liberté d’expression s’arrête à ça, et il n’y a aucune obligation à lire tes salades, nulle part, ni pour Google à les référencer gracieusement. En plus, à voir comment tu n’arrêtes pas de geindre sur les méfaits d’internet, ta disparition des écrans radars des internautes sera une bénédiction pour eux comme pour toi !
Mon pauvre Lolo, fais un geste pour internet : retourne à ton jardin, rase ta barbe, lance toi dans la philatélie, mais de grâce, arrête d’écrire des conneries aussi consternantes !
On ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel en priant silencieusement qu’un objet quelconque vienne frapper durement ton orteil droit lorsqu’en plus on tombe sur la dernière phrase de ta petite crotte épistolaire :
Il appartient maintenant au gouvernement et aux élus français de dire si la confection des lois reste l’apanage de la République ou bien si elle est abandonnée au pouvoir de fait d’une féodalité multinationale.Lorsqu’on sait que la proposition de taxer Google pour une aussi piètre raison provient, en droite ligne, d’une association de patrons de presse et d’un syndicat, seul un gros sentiment de mépris profond parvient à s’exprimer : prendre ainsi ses lecteurs pour de tels gogos, leur faire croire que seul le gouvernement et les élus seront partie prenante dans l’écriture de la loi alors que lui et ses acolytes s’agitent depuis plusieurs années pour aller grignoter une part du juteux bénéfice d’une entreprise heureusement hors de leur avide cupidité, c’est probablement la pire des hypocrisies que seul un socialiste opéré de toute honte peut déployer sans frémir.
Les collègues lucides du pauvre Joffrin devraient l’empêcher d’écrire autant de bêtises, non par censure, mais parce qu’il leur cause autant de honte que de tort. Car c’est à cause de loustics déplorables comme celui-là que le peu de crédit qu’on pouvait accorder encore à cette presse s’évanouit irrémédiablement. C’est à cause de corporatistes à courte vue comme ce dernier qu’on fusille inévitablement l’opinion qu’on peut avoir de toute une profession. C’est à cause d’éditoriaux aussi mal torchés, aussi stupides que toute une profession se voit traînée dans le ridicule, l’incohérence et se voit ainsi acoquinée de force avec les pires engeances du socialisme et de la connivence de l’état et des médias.
Non seulement, Google doit combattre ces déplorables pisse-copies parce qu’ils ont, fondamentalement et à tous les niveaux, tort, mais l’entreprise d’indexation doit aussi, absolument, mettre un terme à leurs pratiques mafieuses : oui, Google doit désindexer la presse française pour qu’il en soit fini, une bonne fois pour toutes, de ces branlemusards pique-assiette bien plus fort en gueule qu’en réflexion.