Charles Sannat
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Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.
La France dégradée
Audience de l'article : 1950 lecturesÉvidemment, et cela nous change de la journée mondiale des toilettes, et nous force à revenir à des sujets économiques plus sérieux, comme par exemple la nouvelle dégradation de la France par l’agence Moody’s.
Car c’est bien cette information qui est la plus importante de ces dernières heures. Alors que jusqu’à présent seule Standard & Poor’s nous avait fait perdre le fameux célèbre triple A, c’est au tour de Moody’s, en attendant celle qui sera la dernière à savoir l’agence Fitch qui reste une agence de notation nettement plus bienveillante à l’égard de notre pays, la nationalité française de son président ni étant sans doute pas totalement étrangère.
Moody's prive à son tour la France de son « triple A »
Pour Moody’s, la dette publique de long terme de la France est désormais notée Aa1, soit un cran en dessous de la meilleure distinction dont elle jouissait jusque-là. Mais l'agence a aussi assorti cette note d'une perspective négative, ce qui signifie qu'elle menace de l'abaisser à nouveau à moyen terme.
La France « est encore bien notée », a réagi auprès de l'AFP le ministre des Finances Pierre Moscovici, en marge d'un déplacement à Grenoble. Voilà un commentaire brillant (mais Christine Lagarde nous servait le même type d’imbécilités lorsqu’elle occupait ce poste). Perdre notre notation est un camouflet. Ce camouflet est la conséquence d’une politique économique inconséquente menée pendant ces trente dernières années, aussi bien par la gauche, que par la droite.
Selon le ministre, « cette décision concerne la situation laissée par nos prédécesseurs : perte de compétitivité, faible croissance, déficit croissant ». « C'est une sanction de la gestion du passé », a-t-il dit.
Certes. C’est une sanction de la gestion passée, mais hélas, aussi de la gestion actuelle et du manque cruel de courage qu’elle laisse entrevoir pour le futur, et sur ce dernier point il ne faut pas se bercer d’illusions. Les Français et leurs dirigeants détestent ce qui fait « mal ». Je ne suis pas en train de dire que faire souffrir tout le monde est une bonne idée, mais que plus on retarde le moment de la souffrance plus cette dernière est forte. Regardez les Grecs.
Les États du nord de l'Europe mieux notés
Depuis la décision de SP en début d'année, seuls quatre pays de la zone euro bénéficient encore d'un AAA auprès des trois grandes agences : l'Allemagne, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il s'agit d'États du nord de l'Europe, ce qui a accentué les divisions politiques, face à la crise, avec des pays du Sud, comme l'Italie ou l'Espagne, mais aussi avec la France.
C’est cette idée qui sous-tendait ma réflexion concernant un nouveau « rideau de fer » qui coupait l’Europe en deux entre le Nord et le Sud, la France étant désormais sans conteste possible classée dans les pays du Sud par l’essentiel des analystes financiers à travers la planète.
Pour le moment, notre pays continue à emprunter à des taux qui sont historiquement bas, voire même pour certaines maturités (c’est-à-dire sur certaines durées) nous empruntons à des taux réels négatifs lorsque l’on prend en compte le taux d’inflation.
Néanmoins, cela pourrait ne pas durer. Ce qu’il s’est passé jusqu’à présent n’est plus à l’image du fossé qui se creuse de plus en plus entre notre économie et celle de pays qui, à défaut d’être bien portants, sont moins mauvais que nous.
Car nous en sommes là. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. C’est cette triste réalité qui explique nos taux d’emprunt actuels aussi faibles. Mais il ne faut pas s’y tromper. Si les marchés pensent que nous devenons aveugles alors évidemment ce sera l’hallali et haro sur notre dette. Nous en prenons sans conteste le chemin.
Pour Moody's, des réformes insuffisantes
L'agence de notation salue les réformes récemment annoncées par le gouvernement, et son « fort engagement » à les mettre en œuvre. Mais elle rappelle que la France a rarement réussi à faire aboutir de telles réformes ces vingt dernières années, et juge que les mesures promises aux entreprises « ne devraient pas, seules, avoir l'ampleur suffisante pour rétablir la compétitivité ».
Encore une fois, nous sommes sur le mode du « trop peu et beaucoup trop tard » pour inverser une tendance de fond profondément négative.
Moody's cite aussi des « perspectives budgétaires incertaines en raison de la dégradation » économique. Pour elle, la capacité de la France à résister à d'éventuels nouveaux chocs futurs de la zone euro « diminue », et ce d'autant que son exposition aux pays fragiles de l'Union monétaire, via les liens commerciaux ou bancaires, « est beaucoup trop importante ».
Ces fragilités sont connues de tous ceux qui veulent bien regarder froidement les faits.
Nous nous lançons dans une politique de rigueur qui fera baisser les recettes fiscales et nous obligera à plus d’austérité, nous faisant ainsi rentrer dans une spirale déflationniste à la grecque.
Nous n’avons pas le premier euro des sommes que nous devons verser dans des machins européens et qui se comptent en dizaine de milliards d’euros supplémentaires.
Tout cela, nous le savons parfaitement. Moody’s ne fait donc qu’une analyse globalement juste de la situation financière de notre pays.
Vers la saisie de l’épargne
Face à cette situation qui n’est pas non plus ignorée de nos gouvernants, un certain nombre d’élus ou de personnalités de premier plan ont lancé un appel dans le dernier numéro du magazine L’Expansion sur la renationalisation de la dette française.
L’idée est simple. Les Japonais sont endettés à 250 % de dette sur PIB et les marchés ne les embêtent pas vraiment. Pourquoi ? Pour une raison simple.
Plus de 95 % de la dette japonaise est détenue par les épargnants japonais eux-mêmes.
Il faudrait donc que les Français (qui sont de gros épargnants et qui détiennent plus de 1 350 milliards d’euros d’épargne financière) rachètent massivement nos obligations.
Or, il est certain que beaucoup d’épargnants ne souhaiteront pas devenir détenteurs de plus d’obligations, c’est-à-dire de dettes d’un État qui n’a quasiment plus de perspectives pour rembourser ses créanciers.
On en arrivera alors logiquement à la « réquisition » forcée de l’épargne financière des ménages.
Ce sera la prochaine étape et l’on en voit déjà les prémices.
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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