« S&P’s allume la mèche, c’est invraisemblable »… cette phrase n’est pas de moi, c’est la complainte pathétique d’un trader (Xavier de Villepion, trader actions chez HPC pour ne pas le nommer).
Qu’est-ce qui a donc déclenché ce cri de colère chez notre gentil trader ?
Après quelques paragraphes du blabla d’usage on comprend vite que le problème c’est le comportement des agences de notation.« Si le secteur des valeurs pétrolières souffre ce mardi, c’est surtout parce que Standard & Poors’s menace de dégrader la note de 6 majors de l’industrie pétrolière, dont Total », explique, tout déprimé notre Xavier de Villepion.
C’est à ce moment-là qu’il lâche cette remarquable remarque qu’il convient de remarquer (vous venez de lire une allitération et pas une répétition!) « l’agence de notation allume la mèche, c’est invraisemblable » !
Mais comment peut-on s’étonner de cette situation ? C’est ça qui est invraisemblable !
Le travail d’un trader c’est de trader, le travail d’un prof d’enseigner et de noter, le travail d’une agence de notation de noter des risques ! Et quand les risques deviennent plus importants, les agences de notation dégradent…Lorsque les cours du pétrole s’effondrent et que les entreprises qui l’exploitent se sont endettées à des niveaux où elles vendaient chaque baril à 120 dollars et que maintenant c’est péniblement 30 dollars il ne faut pas être grand devin pour arriver à la conclusion logique qu’il va au mieux y avoir quelques trous dans les raquettes et des petits manques dans les bilans de fin d’année…
C’est donc très logiquement que les agences de notation, qui attendent le dernier moment avant de réagir (dernier moment avant que leur responsabilité soit mise en cause), rentrent dans un processus de dégradation des compagnies du secteur pétrolier.
Au passage j’en profite quand même pour dire qu’une entreprise française assez connue du nom de Vallourec connaît actuellement de grandes difficultés… et Vallourec est ce que l’on appelle une « para-pétrolière », ou en d’autres termes un équipementier pour les grandes compagnies. C’est donc bien tout le secteur qui souffre.
De la même façon il ne serait pas invraisemblable que dans les prochains mois vous entendiez à nouveau parler de dégradation de la note des Etats… car à la prochaine crise les recettes fiscales vont s’effondrer, les dépenses rester peu ou prou constantes et les déficits s’ouvrir comme des gouffres béants, le tout alors que tous les pays ont atteint des niveaux de dettes jamais vus en temps de paix.
De la même manière, nous allons connaître quelques gros problèmes sur les placements des gens qui, dans le meilleur des cas, ne rapporteront rien dans un environnement de taux négatifs et qui au pire ruineront les épargnants avec au choix des faillites bancaires, des ponctions d’Etats, ou des krachs obligataires. Il n’y a là rien d’invraisemblable, mais que du vraisemblable !
Doit-on accabler de Villepion ?
Bien sûr que non. D’abord parce que je n’aime pas être méchant avec autrui et que ce n’est pas nécessaire…Non, là-dedans ce qui est important n’est pas l’individu, la personne, ce qui compte c’est le message qu’il porte et la pensée qu’il incarne.
Cette pensée qu’il exprime n’est pas tant la sienne propre que celle d’un système.
Un système qui ne veut pas mourir et qui qualifie désormais « d’invraisemblable » tout ce qui fonctionne normalement et le juge efficacement. Mais il est vrai qu’en disant la vérité, en notant les risques tels qu’ils doivent l’être, c’est une véritable boite de Pandore que les agences de notation peuvent ouvrir dans cet immense océan de mensonges.
Et c’est cela que sous-entend le système. Silence dans les rangs ! Maintenez les mensonges sinon ce sera la catastrophe car tout ne tient que sur un immense mensonge.
Et ce qui est invraisemblable pour de Villepion, ce n’est pas le mensonge dans lequel tout le monde y trouve ses intérêts, non, ce qui est invraisemblable c’est que l’un des participants se mette à dire la vérité et à déchirer un voile sur la réalité dans toute sa cruauté.
En ce sens notre trader a parfaitement raison dans son analyse. Pourquoi aggraver les choses alors qu’ils se gavent tous depuis des années à l’argent gratuit des banques centrales ? Ils veulent que la partie continue, encore et encore, le plus longtemps possible. Pourtant il va bien finir par falloir se lever de la table. Le rideau tombera. Et croyez-moi, ce jour-là vous aurez intérêt à avoir prévu vos gilets de sauvetage bien à l’avance, car ce sera la curée…
En attendant mes chers amis, préparez-vous, il est déjà trop tard !
Charles SANNAT