C’est donc un tantinet surpris qu’on apprend que la France aligne, pour la cinquième fois consécutive (de T4 2011 inclus à T4 2012), une croissance nulle selon les chiffres minutieusement calculés par l’INSEE qui n’est pas du tout en charge de vendre du rêve et de la poudre de perlimpinpin aux Français.
Evidemment, cinq trimestres de croissance à 0, c’est, comme le répètent à l’envi les différents articles consacrés au sujet, une situation inédite depuis l’après guerre. Elle est tellement inédite qu’elle est même statistiquement très significative. Parce que si la France a réussi à enquiller cinq trimestres d’affilée à 0, elle doit être à peu près le seul pays à parvenir à réaliser cette prouesse. Le Japon par exemple, réputé pour ses paysages, sa cuisine, ses sushis et sa belle stagflation qui dure depuis 20 ans, n’a pas non plus réussi le même pari. En fait, quand on y réfléchit, une telle normalisation de la croissance à ce chiffre est, pour tout dire, louche. Compte tenu du nombre de variables et d’éléments qui rentrent dans le calcul du chiffre de croissance français, et toute proportion gardée, c’est un peu comme gagner au loto 5 fois de suite. Les deux ou trois premières fois, on peut admettre une chance inouïe, la quatrième et la cinquième fois, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a un truc.
Mais comme je suis un affreux libéral d’une part, et d’autre part, que je ne peux supposer à un complot ourdi silencieusement par une classe politique pas à la hauteur pour camoufler la déroute complète du pays, je vais admettre que
Le dernier en date de ces signes est la façon dont la mentalité est en train d’évoluer en France au sujet de la fiscalité. Le mouvement des Pigeons, abondamment relaté dans ces colonnes, est un exemple de grogne qui monte. Un autre exemple est celui du réveil douloureux de la Belle France Socialiste au bois dormant : elle s’était endormie en pensant qu’avec Flanby aux commandes, le royaume allait pouvoir s’apaiser, le consensus renaître, et les cuisines ronronner doucement. Elle a été réveillée à coups de pied au derche, au son du clairon, la cuisine vide et le royaume en pleine déprime lorsqu’elle a reçu ses premières feuilles de paie refiscalisant goulûment les heures supplémentaires.
L’article du Monde à ce sujet, qui s’appuie sur des témoignages, est particulièrement intéressant à plusieurs titres.
D’une part, on y découvre une France naïve, une France qui croyait aux promesses de campagne, une France qui oubliait de façon fort commode que dans ces promesses et les sous-entendus qui y sont attachés, on trouvait, bel et bien, un retour de la vengeance de l’Impôt Citoyen et Pas Trop Festif. La refiscalisation des heures supplémentaires n’aurait dû surprendre personne. C’était évident qu’elle aurait lieu : pour un socialiste (qu’il soit de droite ou de gauche, peu importe), un paquet de pognon qui ne rentre pas dans la poche de l’État, ce n’est pas une baisse d’impôt, c’est un manque à gagner. De la même façon qu’un déficit moins énorme que prévu constitue une cagnotte, un impôt non perçu est une perte. Certains d’entre eux (des think-tank, plus proches du tank que de tout thinking différent ou même utile) sont à ce point étrangers à la logique de base que pour eux, finir de payer ses remboursements, c’est échapper à un loyer, et c’est comme récupérer des revenus fictifs.
Dans le cas des heures supplémentaires non fiscalisées, les abrutis socialistes qui se piquent d’économie ajoutaient en plus qu’il s’agissait d’un cadeau pour le patronat. Pour eux et dans leur conception consternante de l’économie, les cotisations sont en effet payées par l’entreprise (ici : vous pouvez rire). Ils n’ont toujours pas compris que les cotisations, toutes les cotisations, sont payées par le salarié, et que les taxes et impôts divers sur la production, tous les impôts et taxes, sont payées par le consommateur (sinon, l’entreprise carafe, purement et simplement).
Partant de ce principe débile, la conclusion idiote que nos fins fiscalistes dressaient était sans appel : il fallait supprimer ces heures supplémentaires défiscalisées, pardi. Tout comme réduire la durée du travail allait augmenter le nombre d’emploi, augmenter la fiscalité sur les heures supplémentaires va augmenter l’emploi, c’est absolument évident (le raisonnement étant qu’ainsi, les patrons, cupides et avides de profits, ne feront plus faire d’heures supplémentaires et devront embaucher pour compenser la baisse du nombre d’heures prestées). Oui, l’économie socialiste, c’est un peu Disneyland à la portée des caniches.
D’autre part, l’article met le doigt sur une France pauvre, une France qui ne rigole pas du tout à la perspective de perdre 50 ou 100 euros par mois. Quand on lit les témoignages, on ne peut pas passer à côté de cette France du salaire médian (1653 euros), de cette France qui va faire ses trois ou quatre heures supplémentaires dans la semaine pour arriver à payer une nounou pour garder les mômes le mercredi après-midi, cette France qui a bêtement décidé qu’elle devrait mettre un peu de côté tous les mois pour se payer une voiture correcte, dans 5 ou 10 ans, une France qui voudrait bien aller au resto ou au cinéma, en famille, une fois par mois. L’article montre aussi que parmi ceux qui se prennent le gentil fisc salarial au mauvais endroit, on trouve des enseignants. Ça tombe bien, ils étaient déjà choyés par leur ministère de tutelle. Ils auront vraiment l’impression d’avoir voté utile.
Et enfin, l’article permet de découvrir la France des aigris. Pas dans l’article lui-même, mais dans les commentaires. C’est la France de ceux qui n’ont pas de travail et méprisent ceux qui oseraient se battre pour leurs 50 ou 100 euros disparus : « Oh, les gros fats, ils osent se plaindre d’avoir un salaire moins bon, alors que moi, je n’ai pas de salaire du tout ! Quelle bande de pleurnicheurs ! »
C’est, finalement, le même argument que les autres désabusés de la vie qui trouvent les jérémiades des auto-entrepreneurs, indépendants et autres patrons insupportables à leurs chastes oreilles : comme leur situation n’est pas la pire, ils n’ont pas le droit de se plaindre et on peut donc les cogner plus fort. Âmes subtiles capables d’évaluer la souffrance, la peine, les efforts et les sacrifices à leur juste valeur, les aigris sont en mesure de déterminer avec certitude que leur situation est moins enviable que celle des autres, que leur situation mérite bien qu’on s’occupe d’eux, avant, que les plaintes des autres ne sont à ce titre pas recevables et que leur propre échelle de valeur vaut mieux que toutes les autres. La solidarité et le vivre-ensemble dégoulinant d’habitude de la bouche de ces belles-âmes ne semble plus d’actualité…
Dans le meilleur des cas, les aigris feront aussi savoir qu’après tout, ces 50 ou 100 euros de perdus, c’est pour redresser le pays, améliorer les finances et qu’il faut penser à la collectivité (et en avant la Marseillaise siouplaît).
Dans leur petite tête de vrais pigeons, ils n’ont pas encore compris, après toutes ces années et ces 1700 milliards de dettes, toutes ces gabegies, toutes ces affaires financières, toutes ces corruptions politiciennes, que ces 50 ou 100 euros de perdus sont … perdus. Définitivement. Ils n’iront pas rembourser la dette. Il n’iront pas créer de l’emploi. Ils n’iront pas ajouter de la richesse. Ils iront peut-être payer les prestations d’une accorte dame dans un bois reculé pour un élu discret, au mieux. Et encore. En pratique, ils seront perdus dans les innombrables frictions économiques de cette myriade d’administrations en charge du bien-être de cette France qui croule sous (zut et zut) autre chose que du bien-être.
Ce que cet article montre, finalement, c’est que le socialisme, si ancré en France, c’est la lutte de tous contre tous, c’est le combat à celui qui sera le plus malheureux et qui pourra gueuler le plus fort, revendiquer le plus haut sa misère plus parfaite, plus totale et plus complète que celle des autres. Et cet article vient en collision de cette croissance si commodément nulle :il apparaît évident que la France, en fait de croissance nulle, s’appauvrit visiblement chaque jour.