Charles Sannat
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Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.
«Le PIB Américain va progresser de 3% en juillet 2013… !»
Audience de l'article : 2878 lecturesMes chères contrariées, mes chers contrariens !
Il y a des sujets économiques passionnants comme par exemple le prix des lunettes. Membre d’une famille de bigleux je sais bien de quoi je parle. Ca coûte cher les lunettes en France, très cher. Aujourd’hui le prix des lunettes thème majeur a été mis sur la place publique par l’UFC que choisir qui dénonce cette dérive inacceptable. Disons que le chômage lui est un vrai sujet, ce qui n’empêche pas les lunettes d’être trop chères.
Alors dans ce genre de débat on entend encore une fois tout et n’importe quoi du genre « les lunettes sont vendues par des personnes très qualifiées… ». Je n’ai jamais vu de personne très qualifiée pour me vendre des lunettes, d’un autre côté si je porte des lunettes c’est parce que je ne vois pas bien, ceci expliquant sans doute cela.
Nous allons avoir droit au sempiternel chantage à l’emploi de l’association professionnelle nationale de France et de Navarre des vendeurs de lunettes (APNFNVL) qui nous explique déjà qu’avec plus de 11 000 boutiques le poids économique des vendeurs de lunettes est incontournable (surtout leur profits) plus pleins d’autres bêtises du même genre.
En réalité le problème du prix des lunettes est assez simple à régler. Il suffit que les mutuelles baissent le remboursement de leur forfait optique (cela ne m’arrangerait pas à titre personnel) de 100€ pour que le prix moyen des lunettes baisse de 100€…. Pas compliqué du tout.
En réalité les vendeurs de lunettes sont tout simplement subventionnés par de l’argent parapublic (celui des mutuelles). Baissez les subventions. Les ventes de lunettes seront divisées par deux. Les vendeurs devront ajuster leur prix surtout qu’ils ont de la marge. Beaucoup, beaucoup de marge, ce qui n’est en aucun cas justifié. D’ailleurs le prix d’une monture fabriquée en Chine ne coute pas plus cher qu’une paire de chaussures livrée au Havre et dont le prix est de 0,80 centime d’euro le Kg…. Oui oui vous avez bien vu (avec ou sans binocle). 0,80 cts le prix au kilo de vos godasses dont le prix de vente moyen est de 70 euros. Alors là aussi la marge est excessive mais le prix de vente moins élevé puisqu’il n’y a pas de mutuelle de la chaussure.
Pour être encore plus clair, regardez le prix des chaussures orthopédiques… (à peine plus complexe que n’importe quelle autre paire de chaussures) mais qui, elles seront remboursées par la sécu et votre mutuelle… et voilà vous avez tout compris.
Voilà comment par des remboursements médicaux que nous payons tous, nous obtenons une dérive des dépenses publiques et un gavage généralisé de certaines profession dont la valeur ajoutée n’est pas à la hauteur de la marge demandée…
Bon passons, de tout façon ce n’est pas un problème essentiel.
Là j’ai trouvé un problème essentiel, enfin en tout cas autrement plus sérieux. Oui mes chers contrariens je suis en mesure de vous l’annoncer aujourd’hui, avec plusieurs mois d’avance, le PIB américain va augmenter de 3% en juillet 2013.
Le PIB américain va faire un bond de 3% en juillet !
C’est la nouvelle du jour. A mis chemin entre bouffonnerie étatique et triche organisée à vous de juger.
On apprend donc que le mode de calcul du PIB US va en effet » subir une refonte complète, qui fera techniquement gonfler le PIB américain de 3%, soit environ 470 milliards de dollars, par rapport au PIB du 4ème trimestre 2012 (15.829 Mds$). Ces changements entreront en vigueur au 1er juillet prochain, et au passage, les séries statistiques concernant le PIB vont être entièrement recalculées depuis... 1929 » !
Je souhaite bien du plaisir à nos statisticiens pour reconstituer le PIB avec ce nouveau mode de calcul depuis 1929 car il va falloir intégrer la valeur ajoutée de R&D par exemple. Je vous laisse le soin de choisir un calcul pertinent pour la R&D de la génération de Ford T commercialisée en 1930… j’en rigole encore.
Et l’article de Boursier.com de poursuivre : Pourquoi un tel 'remue-ménage' ? Il s'agit de tenir compte dans le PIB des actifs immatériels (Recherche & Développement, royalties, frais annexes...), qui n'ont jamais été comptabilisés jusqu'ici, mais que l'ONU a recommandé d'intégrer depuis 2008. Après l'Australie, qui a ouvert le bal, les Etats-Unis sont le premier grand pays à se plier à cette nouvelle règle, qui reflète mieux l'économie moderne, dans laquelle les biens incorporels ont pris un poids considérable. La dernière grande réforme avait eu lieu en 1999, via l'intégration des ventes de logiciels informatiques dans le PIB »...
Ce qu’il faut bien comprendre c’est que jusqu’à présent la R&D était considérée comme une dépense, en terme comptable on parle d’une charge.
Certains objecteront que l’on est dans l’économie de la connaissance et du progrès technique ce qui est vrai. Sauf que chaque euro dépensé en R&D ne donne pas lieu forcément à une invention ou à une application concrète. Il y a souvent, très souvent des échecs de recherche. On peut chercher et ne rien trouver (demandez au CNRS). Cela n’a donc aucun impact positif sur le PIB. C’est même l’inverse. La recherche aussi peut appauvrir. Elle peut ne pas être rentable, raison pour laquelle justement elle était considérée comme une dépense.
Comme les bonnes idées ont en général beaucoup de succès, l’Europe devrait examiner une telle réforme dès 2014 puisque cette nouvelle méthode devrait être progressivement étendue partout à travers la planète.
J’expliquais hier dans un article du Contrarien Matin que nos hommes politiques (mais pas uniquement les nôtres) ne voulaient pas admettre que l’on vivait dans une période sans croissance, voir, même plus grave que l’on rentrait certainement dans une période durable de décroissance liée à des facteurs extrêmement puissants et profonds comme la raréfaction des ressources, une démographie négative puisque de plus en plus de pays sont en train de vieillir, une période d’une dizaine d’années de désendettement global dans le monde occidental etc…
Le problème c’est que nos politiques ne savent pas gérer un pays sans croissance. Ils n’y arrivent pas, ils ne l’imaginent pas.
Comme la croissance n’est pas là et qu’elle ne viendra pas comme par miracle ce que semble attendre désespérément attendre notre Président, les américains ont trouvé nettement plus simple.
C’est efficace et pragmatique. Puisqu’il n’y a pas de croissance, changeons le mode de calcul de la croissance en faisant augmenter le résultat.
Alors, soit notre ratio de dettes/PIB qui n’est pas bon, moins le sens du vent, auquel j’ajoute l’arrivée de l’invention du cendrier en 1929 dans la Ford T, plus la mise en place de la R&D pour l’extension des rétroviseurs droits, plus le fait que je veux gagner un an dans mon processus d’endettement et vous obtenez en résultat l’augmentation de 3% du PIB américain en juillet prochain.
Vous serez donc tous d’accord avec moi, la croissance va faire un énorme bon. Donc c’est que l’économie se porte bien, donc les actions à la bourse vont monter, donc il faut acheter des actions… Et voilà, l’économie c’est simple.
On veut vous faire croire que c’est compliqué. Mais pas du tout. Je vous explique ce que dis le manuel de politique américaine. C’est une exclusivité le Contrarien Matin car nous nous sommes procuré ce document confidentiel. D’ailleurs le FBI me poursuit :
Article 1 : Lorsqu’il n’y a pas de croissance imprimez de nouveaux billets jusqu’à ce qu’il y ait de la croissance et baissez les taux.
Article 2 : Si l’article 1 ne fonctionne pas c’est que vous n’avez pas imprimé assez de billets, reportez-vous donc à l’article 1 et baissez encore vos taux.
Article 3 : Si l’article 1 et 2 et que vos taux sont déjà à 0 et que cela ne fonctionne toujours pas c’est que votre population n’a pas d’effet richesse suffisant. Imprimez encore plus de billets et achetez directement toutes les actions à la Bourse afin que les cours ne puissent que monter éternellement.
Article 4 : Si vous vous rendez compte que plus personne ne détient d’actions car les gens ont déjà été ruinés par plusieurs bulles précédentes, que les taux sont à 0 et que vous continuez à imprimer pleins de billets reportez-vous aux articles précédents 1, 2 et 3 et profitez-en pour casser le thermomètre utilisé pour calculer l’évolution du PIB. Changez le mode de calcul pour obtenir le résultat souhaité.
Article 5 : Quand tout a échoué… ouvrez le parachute, allez-vous planquer à la campagne avec tous vos avoirs financiers investis en or depuis bien longtemps. Laissez tous les actifs baisser. Rachetez tout à vil prix pendant que le petit peuple lutte pour se nourrir. Vous êtes riches. Ils sont pauvres mais vous vous en foutez depuis le début.
Donc si vous avez bien suivi, les USA et le Japon en sont en gros à l’étape n°4. Alors certains me feront remarquer que je suis un peu malhonnête et que je caricature. Evidemment que je caricature sinon ce ne serait pas drôle et autant lire les Echos 1,70€ chez votre marchand de journaux.
Mais plus sérieusement tout cela révèle un état d’esprit assez délétère sur la façon de quantifier ou de mesurer les choses. Tout cela participe au fait que les marchés ne sont ni libres, ni efficients puisqu’ils sont totalement orientés à défaut d’être « manipulés ».
Au moment où je termine ces lignes la bourse de Paris explose à la hausse, avec plus de 3%. Il faut dire que des rumeurs sérieuses indiquent que la BCE va baisser ses taux… imprimer des billets et sans doute changer le mode de calcul du PIB. Le pire c’est que tout le monde veut y croire car c’est tellement plus rassurant que de parler des vrais sujets ceux que l’on devra tôt ou tard aborder… mais plus ce sera tard mieux ce sera…
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
http://www.boursier.com/actualites/macroeconomie/statistiques-le-pib-americain-va-faire-un-bond-de-3-en-juillet-527540.html
http://www.franceinter.fr/depeche-les-lunettes-trop-cheres-en-france
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