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Jacques SAPIR

Jacques SAPIR

Diplômé de l'IEPP en 1976, a soutenu un Doctorat de 3ème cycle sur l'organisation du travail en URSS entre 1920 et 1940 (EHESS, 1980) puis un Doctorat d'État en économie, consacré aux cycles d'investissements dans l'économie soviétique (Paris-X, 1986).
A enseigné la macroéconomie et l’économie financière à l'Université de Paris-X Nanterre de 1982 à 1990, et à l'ENSAE (1989-1996) avant d’entrer à l’ École des Hautes Études en Sciences Sociales en 1990. Il y est Directeur d’Études depuis 1996 et dirige le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (CEMI-EHESS). Il a aussi enseigné en Russie au Haut Collège d'Économie (1993-2000) et à l’Ecole d’Économie de Moscou depuis 2005.

Il dirige le groupe de recherche IRSES à la FMSH, et co-organise avec l'Institut de Prévision de l'Economie Nationale (IPEN-ASR) le séminaire Franco-Russe sur les problèmes financiers et monétaires du développement de la Russie.

Quelques vérités sur le chômage

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Les chiffres des demandeurs d’emplois pour le mois d’août 2016 ont été une douche froide pour le gouvernement. Ce dernier espérait que le mouvement qu’il croyait percevoir d’amélioration dans les chiffres de juillet se poursuivrait. Il n’en a rien été, bien au contraire. Dès lors, on a pu voir sur les télévisions et entendre dans les radios, diverses explications de ces mauvais résultats. Disons le tout net, elles ne sont pas convaincantes. Non que les attentats n’aient pas aggravés la tendance. Mais, cette dernière est en réalité antérieure aux tragiques événements du 14 juillet dernier à Nice. La hausse du nombre des demandeurs d’emplois est incontestable depuis le mois d’avril dernier. Avec une croissance négative de -0,1% pour le deuxième trimestre 2016, et des chiffres qui seront médiocres pour les troisième et quatrième trimestres, il est clair que cette tendance va se poursuivre.

La reprise de la hausse du chômage.

Il convient, encore et encore, de répéter un certain nombre de réalités statistiques. Les données qui sont présentées en France tous les mois ne sont pas celles du « chômage » mais uniquement celles des « demandeurs d’emploi ». Elles sont collectées par la DARES, c’est à dire par Pôle Emploi. Les données des demandeurs d’emplois sont donc des données administratives, et peuvent faire l’objet de corrections, en particulier quand le demandeur d’emploi ne remplit pas certaines des conditions pour se voir inscrit. Dans ce cas, il est rayé des listes et « disparaît », mais ne cesse pas pour autant d’exister comme « chômeur »… Il faut donc considérer ces données comme un indicateur du chômage, une estimation qui se fait « à minima » mais non comme une réalité.

Ces données sont, de plus, réparties en diverses catégories à fins de traitement. Ces catégories sont définies par la DARES[1] , qui est l’organisme en charge de ces statistiques.

Définitions des catégoriesCatégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ;

Catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;

Catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. de plus de 78 heures au cours du mois) ;

Catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie, d’un congé maternité,…), sans emploi ;

Catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés).

C’est donc très abusivement que le gouvernement ne retient que la catégorie « A » comme indicateur du chômage. On peut d’ailleurs se demander pourquoi les journalistes français le suivent dans cette voie. En effet le chômage réel, tel que l’on peut l’estimer à partir du nombre des demandeurs d’emploi couvre en réalité les catégories A + B + D. On peut considérer qu’une personne dans la catégorie « B » a accepté ce que l’on appelle un « petit boulot » mais que ce dernier ne lui permet pas de vivre. De même, la catégorie « D » regroupe des gens qui n’ont été sortis de la catégorie « A » que suite à une maladie ou une maternité. C’est donc abusivement qu’on ne les compte pas dans la catégorie « A ». De même, on a des demandeurs d’emplois qui sont en stage ou en formation, mais qui n’en restent pas moins des chômeurs.

On peut considérer que la catégorie B+D correspond dans les faits à un chômage masqué statistiquement. On peut comprendre, sans bien sûr l’approuver, que le gouvernement ne retienne que la catégorie « A ». Mais que les journalistes lui emboitent le pas est pour le moins surprenant. Il faut donc croire que les journalistes français, du moins ceux de la télévisions et des grands journaux, ne lisent pas les notes de la DARES et se contentent de répéter comme des perroquets ce que dit le gouvernement.

La catégorie « A+B+D » a donc repris son augmentation. Elle atteint aujourd’hui 4,618 millions de personnes, ce qui correspond à un sommet absolu.

Graphique 1

Evolution des catégories A+B+D depuis janvier 2011

img class="aligncenter size-large wp-image-5296" src="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2016/09/A-01-GR1-aout16-500x305.jpg" alt="a-01-gr1-aout16" width="500" height="305" srcset="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2016/09/A-01-GR1-aout16-500x305.jpg 500w,
Source : DARES

On constate sur la courbe que la montée du chômage ne date pas de l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Elle a commencé quand François Fillon et Nicolas Sarkozy ont décide, au nom du « sauvetage de l’Euro » d’un programme d’austérité qui a fait sentir ses effets dès l’été 2011. On peut penser que ces effets se sont prolongés jusqu’en décembre 2012. Cela s’est traduit par un accroissement du nombre des chômeurs de 495000. La politique de François Hollande, Président « socialiste » a pour sa part engendré un accroissement de 598200 personnes dans ces catégories représentatives du chômage.

Graphique 2

Accroissement cumulé des catégories A+B+D

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Source : DARES

Ce mouvement avait connu une stabilisation à la fin du 1er trimestre. Le nombre de personnes dans les catégories « A+B+D » était passé de 4,580 millions en février 2016 à 4,524 millions en avril 2016. C’est ce qui a pu donner l’illusion d’une « inversion » de la courbe du chômage. Mais, les mauvais résultats du 2èmetrimestre 2016 ont relancé la hausse de la catégorie « A+B+D ». Elle est en août 2016 à 4,618 millions de personnes soit un accroissement de 73 900 personnes par rapport à janvier 2016. Il n’y a donc pas eu d’inversion, si ce n’est dans les discours des communicants du pouvoir.

On voit d’ailleurs que les catégories représentatives du « quasi-chômage », soit les catégories « C » et « E » connaissent elles aussi une même évolution.

Graphique 3

Evolution du chômage et du quasi-chômage depuis 2011

img class="aligncenter size-large wp-image-5298" src="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2016/09/A-01-GR3-ao%C3%BBt16-500x308.jpg" alt="a-01-gr3-aout16" width="500" height="308" srcset="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2016/09/A-01-GR3-août16-500x308.jpg 500w,

Source : Dares

Le total des cinq catégories de la DARES se situe à un niveau historiquement haut de 6,3127 millions de personnes.

La faute aux attentats ?

La réponse du gouvernement devant ces chiffres désastreux est que la « bonne » tendance aurait été contrariée par les attentats, et en particulier l’horrible massacre de Nice. On a cependant vu que la courbe de la catégorie « A+B+D » commençait à augmenter à nouveau dès le mois de mai. Cela invalide largement l’explication par les attentats.

Par ailleurs, si l’on regarde les chiffres « bruts » par régions (ceux que l’on utilise normalement sont les données dites « corrigées des variations saisonnières ou CVS), on constate que la montée du nombre des personnes inscrites en catégorie « A » est vraie pour TOUTES les régions. Or, si les attentats expliquaient complètement les mauvais chiffres d’aout, par exemple avec une forte baisse de l’activité touristique, cela ne devrait pas concerner des régions moins touristiques comme le Nord-Pas de Calais. La similitude des courbes pour l’ensemble des régions laisse à penser que la chute des activités touristiques (qui est réelle) n’a eu que des implications assez faibles sur les chiffres du chômage.

Graphique 4

Evolution de l’accroissement cumulé (catégorie « A ») par régions en données non corrigées

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Source : DARES

C’est bien la dégradation du climat économique, dégradation largement imputable aux conséquences de l’Euro et à l’écart de taux de change réel entre la France et d’autres pays (comme l’Allemagne) qui explique l’atonie de la croissance française.

[1],http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/statistiques,78/chomage,79/les-mots-du-chomage,1413/les-demandeurs-d-emploi-inscrits-a,9576.html 
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