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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

Payer cher pour travailler c’est déjà le cas!!

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Je publie ici le courrier reçu de l’un de nos camarades impertinents que nous nommerons « Groo »… je suppose qu’il n’est pas tout léger avec un tel pseudonyme !!!

Il réagissait à mon édito concernant le marché du travail où je prenais l’exemple d’une entreprise américaine qui proposait à ses salariés de travailler gratuitement le week-end. Notre camarade Groo va plus loin, en nous prenant l’exemple du secteur aérien. Il a parfaitement raison et même si je n’y avais pas fait allusion dans cet article, dans ce secteur cela va encore plus loin.

Cela va tellement loin d’ailleurs, qu’Air-France devra faire un autre plan l’année prochaine et l’année suivante aussi car tant qu’Air-France paiera ses pilotes, alors la compagnie française ne sera jamais aussi compétitive que ses concurrentes qui ne les rémunèrent pas ou à peine.

Encore une fois, cette course est perdue d’avance et elle est en terme macro-économique profondément déflationniste et la déflation mène à l’insolvabilité puisque les dettes restent constantes. C’est donc la chronique d’une catastrophe annoncée.


Cher Charles,

Permettez-moi de vous donner un bien triste exemple de ce que vous dénoncez dans votre edito du jour (16/10/2015). Il n’est nul besoin de s’éloigner de notre bon pays pour découvrir un exemple effarant de travail « moins cher que gratuit »..

En effet, il existe un secteur d’activité particulièrement touché de plein fouet par le 11 septembre et la crise pétrolière de 2008, à savoir le secteur aéronautique.

Depuis, cherchant à réduire de manière drastique leurs coûts, les compagnies commerciales aériennes ont réussi un tour de force « brillantissime »: faire payer les pilotes pour voler ! Cela s’appelle du « pay to fly », une rapide recherche sur internet vous en apprendra tous les tenants et aboutissants, mais voici l’affaire résumée en quelques lignes : LA donnée qui ne varie malheureusement pas, c’est le nombre incroyablement important de jeunes qui « rêvent » de devenir pilote.

Comme, de l’autre côté, le nombre de postes diminue (ici comme partout…), certaines écoles ont trouvé un filon en or : celles-ci proposent aux pilotes de se payer eux-mêmes une qualification de type (QT, équivalent du permis de conduire, mais valable sur un seul avion, genre Boeing 737 ou Airbus A320), afin d’être plus attrayant pour les compagnies aériennes qui, jusqu’à présent, payaient elles-mêmes cette QT, une fois le pilote embauché.

Mais, un nouveau pas a été franchi : en effet, ce système n’est plus assez attractif pour se démarquer puisque quasiment tous les jeunes pilotes acceptent désormais de payer 25 000€ (au bas mot) ce permis qui ne leur offre aucun job ( !), les écoles proposent désormais aux pilotes de s’auto financer 500h de vol sur la machine, total généralement réclamé désormais par les compagnies pour étudier votre cv !

La vraie catastrophe, et le phénoménal coup financier réussi par les compagnies, c’est que, bien évidemment, ces 500h de vol ne sont pas effectuées dans une structure privée indépendante : ces apprentis pilotes effectuent ces heures de vol sur des avions commerciaux, avec de vrais passagers à bord ! Autrement dit, ils payent une fortune (entre 80 et 130 000€) pour prendre, pendant un à deux ans, une place dans un cockpit, normalement réservée à un pilote salarié par la compagnie ! On en rêvait, ils l’ont fait !

Ces gens acceptent de payer pour travailler. Incroyable, n’est ce pas ?

Je ne rajoute rien ici sur l’aspect sécuritaire d’une telle pratique, puisque ce n’est pas le sujet du jour….

Alors, actuellement, cette pratique n’a pas été relevée dans les plus grandes compagnies européennes (on peut cependant relever RyanAir sans surprise parmi les compagnies pratiquant ce système), mais cela ne saurait tarder, puisque l’action menée par certains devant la cour européenne s’est pris toute la puissance des lobbys de l’aérien dans la figure…

Je vous laisse ces quelques liens, si d’aventure, vous souhaitez creuser cette affaire, en vous remerciant pour votre lettre quotidienne que j’attends tous les matins avec une impatience non feinte.

https://www.eurocockpit.be/pages/pay-to-fly#

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pay_to_fly

Cordialement,
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