Malheureusement, les contribuables risquent bien d’être floués une fois de plus. La preuve, le comité demande que « les services de l’Etat mettent à l’examen différents scénarii de réduction de l’écart de taxation entre le gazole et l’essence, avec une évaluation complète des impacts d’un tel réalignement fiscal sur les ménages et les entreprises les plus touchés. » Le fait que le comité souligne le besoin de mettre en place des « mesures d’accompagnement » confirme que nous nous dirigeons inexorablement vers un scénario de hausse du prix du diesel.
Le gouvernement applique quatre taxes sur le carburant : la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), les certificats d’économie d’énergie (CEE) bien entendu la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toutes ces taxes pèsent pour 59% du prix de l’essence sans plomb 95, soit 91 centimes d’euros pour un prix de 1,53 euros le litre. Elles pèsent un peu moins sur le gazole, 51%, soit 70 centimes d’euros pour un prix de 1,37 euros le litre. Il est évident que la marge d’action de l’Etat est très grande et que la baisse ou la hausse ne dépend que du bon vouloir du gouvernement et de ses agents. Quelle manne aussi ! Quelle ressource quasi inépuisable ! Une vraie poule aux œufs d’or, c’est la pierre philosophale de l’alchimiste : l’Etat transforme le carburant en or. De quoi faire perdre le bon sens commun.
Et en effet, nos gouvernants et nos élites ont-ils à ce point perdu le bon sens commun pour ne pas envisager la baisse de l’essence sans plomb au lieu de faire croire que l’augmentation du diesel est la seule et unique solution ? Car une baisse du prix du sans plomb au niveau du diesel, voire même au-dessous, n’aurait que des effets positifs. Citons-en trois immédiatement visibles.
Ce serait une mesure populaire. Pas besoin de faire de sondage pour le savoir. S’il y a un lieu où tout le monde passe, c’est bien la pompe à essence. Pour le quidam, baisser le prix de l’essence vaut toutes les promesses électorales et les mécanismes d’incitations fiscales : c’est du concret, ça touche l’argent dans le portefeuille, on voit immédiatement, une fois le plein fait, ce qu’un gouvernement a permis d’économiser. Surtout que, nous l’avons vu, le gouvernement possède pour une fois le vrai pouvoir économique dans ses mains. Nombre de particuliers, qui ne peuvent pas faire autrement que de prendre leur voiture, auraient une dépense moins lourde pour se rendre à leur travail : y a-t-il meilleure mesure ?
Cela permettrait une relance économique, même si elle est modeste car la lourdeur et la complexité de la fiscalité française est toujours un problème. Mais tellement d’entreprises, de professions et d’emplois en France dépendent des transports routiers qu’une baisse du sans plomb se traduirait sans attendre par une baisse des frais de fonctionnement de nombreuses entreprises ce qui soulageraient ainsi le chiffre d’affaire.
Cela aurait un effet incitatif pour l’achat d’un véhicule essence, beaucoup plus efficace que n’importe quelle prime à la casse ou qu’un bonus-malus environnemental. Et en plus, cela ne couterait rien aux contribuables car le mécanisme de prime à la casse est ni plus ni moins une subvention de l’Etat donc de l’argent public. Les automobilistes ne sont pas idiots : ils achètent ce qui leur revient le moins cher en consommation quotidienne. Pour l’instant le diesel tient le haut du pavé, mais si le sans plomb devient moins cher, alors les transferts d’achat vers les voitures roulant au sans plomb se feront naturellement et rapidement.
Que du bonheur la baisse du sans plomb ! Oui, mais voilà, c’est trop évident, trop simple, et pire : c’est bon pour les contribuables et ce qui est bon pour les contribuables n’est pas bon pour l’Etat.
Car nos énarques ont bien entendu pensé à la baisse du sans plomb en lieu et place de la hausse du diesel. Mais cette hypothèse se heurte à un besoin plus pressant que celui des contribuables et des entrepreneurs : assurer une rentrée d’argent pour l’Etat. Or au moment même où l’Etat chercher 6 milliards d’euros pour équilibrer ses recettes de 2014, il serait très mal venu de diminuer l’une d’entre elles. Mieux vaut appauvrir les contribuables et freiner l’activité des entreprises que de diminuer les taxes.
Alors le comité présidé par Christian Perthuis penchera vers une augmentation de la taxation du diesel et portera un coup dur au pouvoir d’achat des ménages. L’avis du comité doit être rendu le 18 avril. D’ici là, il y a peu de chance que la baisse de la taxation du sans plomb soit mise sur la table. Mais où est donc le bon sens commun de ceux qui nous gouvernent ?