l existe certains mythes à propos des actions en devises étrangères qui peuvent nous faire commettre des erreurs lourdes de conséquences. Ces clichés nous viennent d’une époque pas si éloignée où
- la croissance permettait de financer les déficits publics
- les actions performaient plus que n’importe quel actif conventionnel
- les fondamentaux des entreprises dictaient les cours, et non pas la politique.
En ce temps là, l’investissement en actions étrangères n’était en apparence guère plus risqué sur le long terme qu’en monnaie locale. Les Etats étaient solides, leurs budgets également, et leur monnaie tenait le cap fièrement. Ou presque.
Fort de ce constat, imaginons que nous ayons décidé d’investir en 2004 dans les actions composant l’indice phare américain, le Dow Jones. A priori, malgré le « petit souci » en milieu de parcours, c’était une bonne idée : l’indice au final fait près de 15% de gains contre seulement 3.53% pour son homologue suisse, le SMI. Sans compter que l’indice américain affiche une volatilité nettement moindre.
Mais l’image d’Epinal s’arrête là, car durant la même période la monnaie des valeurs du Dow Jones a considérablement fluctué par rapport à celle du SMI. 15% de gains se transforment ainsi en un perte de plus de 11%, à cause d’une baisse de 26% de la paire USD/CHF.
Mais pour quelles raisons aurions-nous investi sans trop y réfléchir dans le Dow Jones ? Parce qu’il existe trois mythes dans la communauté financière qui peuvent fausser notre vision de la réalité :
- le mythe du cours tout puissant
- le mythe du retour au point d’équilibre (parité du pouvoir d’achat)
- le mythe de la volatilité moindre des devises par rapport aux actions
En bourse, le cours c’est tout. A tel point qu’on en vient à oublier dans quelle devise on est investi. Pire, sur plusieurs sites financiers, on vous donne le prix, mais sans la devise. Ou alors elle est cachée, toute petite dans un coin. Ca pourrait être des carottes, des patates, ce serait la même chose. Faites le test, ça vaut la peine. Le problème c’est que sans y prendre garde on en vient à comparer, comme ci-dessus, des choses qui n’ont presque rien à voir. Pas génial pour prendre une décision d’investissement.
Le deuxième point n’est pas triste non plus. Il est communément accepté dans le monde économique que les devises fluctueraient autour d’un espèce de point magique d’équilibre que certains appellent la parité du pouvoir d’achat. Une sorte de Big Mac Index sophistiqué quoi. On en parle souvent depuis que les spéculations sur le CHF vont bon train et que la Banque Nationale Suisse a dû retrousser les manches. Pour l’EUR/CHF cette parité se situerait à 1.35 et pour le dollar à 1.05.
Si effectivement les monnaies fluctuent autour de ce point, celui-ci varie lui aussi dans le temps. En 1975, pour l’USD/CHF, la parité se situait ainsi à 2.67 ! Il y a donc, en plus d’un risque conjoncturel ou spéculatif sur les monnaies, un risque structurel. Le CHF se renforce sur le long terme, en tant que valeur refuge, tandis que les autres monnaies s’affaiblissent grâce aux politiques monétaires et budgétaires expansionnistes de leurs banques centrales et de leurs gouvernements. On peut donc devoir attendre très longtemps un hypothétique retour vers ce point d’équilibre. Le graphique ci-dessous nous montre bien la faiblesse structurelle du dollar depuis les années 2000.
Le dernier cliché, c’est celui d’une volatilité moindre des monnaies face aux actions. Avec cette volatilité, les actions afficheraient une rentabilité sur le long terme qui permettrait de réduire la part du risque lié à la monnaie. La paire USD/CHF connait certes traditionnellement une volatilité moindre sur le court terme par rapport au marché des actions (même si entre 2010 et 2011, on a assisté à des mouvements spéculatifs extraordinaires sur le CHF). Mais sur le long terme, on constate ci-dessous que les extrêmes sur l’USD/CHF sont équivalents en proportion au SMI.
La situation paradisiaque que nous décrivions initialement s’est ainsi détériorée progressivement depuis les années 2000, avec l’explosion de la bulle Internet, puis le phénomène a carrément pris la tangente dès 2008 avec les subprimes et les crises budgétaires. Le dollar s’est effrité avec la politique monétaire expansive de la FED (QE 1 & 2), alors même que le franc suisse bénéficiait du statut de valeur refuge, du moins jusqu’à l’intervention de la BNS en août de cette année. De début janvier à début août 2011 le CHF a même plus gagné face au dollar que le « roi » or lui-même !
Il est clair que la Banque Nationale ne va pas pouvoir affaiblir le CHF ad vitam eternam. Alors, que faire à partir de ces tristes constations ? Investir uniquement sur des actions domestiques ? Pas forcément. Nous parlerons dans notre prochain article des diverses solutions qui s’offrent à nous.