Comme vous le savez, au cœur de mon travail, il y a la préoccupation de la justesse intellectuelle au-delà de tous les clivages. La situation à laquelle nous sommes confrontés nécessite, et nécessitera encore plus lors de l’aggravation qui ne manquera pas d’arriver, de l’unité, du calme, de la pondération et de l’honnêteté intellectuelle.
Si beaucoup parmi nous, et je m’englobe bien volontiers dans le lot, sont dubitatifs sur l’utilité du Sénat, si beaucoup parmi nous, et j’en fait sans conteste partie, sont pour le moins dubitatifs vis-à-vis de l’écologie coercitive et punitive notamment à travers l’alourdissement d’une fiscalité déjà difficilement supportable par ce qui reste des classes moyennes de notre pays, il n’en demeure pas moins que j’ai trouvé l’amendement porté par les sénateurs Gattolin et Joly parfaitement adapté et je considère qu’il est important de le promouvoir publiquement, compte tenu du peu d’audience que cela suscite pour l’instant.
Fonds européen de résolution bancaire : ce n’est pas aux citoyens de payer pour les banques !
« Le Sénat français examinera demain un amendement des écologistes visant à faire économiser à l’État français plus de 5 milliards d’euros dans le cadre de la prévention du risque bancaire systémique.Depuis la crise de 2008, un Fonds de résolution bancaire a été mis en place par l’Union européenne, dans le but d’éviter la propagation à l’ensemble du système financier de l’éventuel défaut d’une banque. Ce fonds doit être alimenté par des contributions des principales banques européennes sur une durée de 8 ans.
Or, en l’état actuel, pour les banques françaises, ces contributions sont déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. Si l’on retient l’hypothèse en cours d’une contribution française à hauteur d’environ 30 % du montant du fonds, ce sont donc plus de 5 milliards d’euros de manque à gagner fiscal que coûtera à l’État la mise en place de ce fonds, pourtant censé préserver les finances publiques des erreurs privées.
Pour Eva Joly, députée européenne Verts/ALE, membre de la commission affaires économiques et monétaires : « La France, comme d’autres pays membres de l’Union Européenne, doit aujourd’hui faire le choix de la cohérence entre les discours et les actes. Les réformes trop peu ambitieuses du système bancaire n’ont pas mis fin au système de subventions implicites et explicites de l’État aux banques « Too Big to Fail ». Partant du principe que, quoi qu’il arrive, la puissance publique leur viendra en aide, ces dernières sont incitées à s’endetter et à prendre toujours plus de risques, sans pour autant servir l’économie réelle. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas accepter cette déductibilité fiscale. Le message envoyé aurait des répercussions désastreuses sur les batailles que les écologistes et l’ensemble des progressistes sincères mènent au sein des institutions européennes pour que cesse l’économie casino. »
André Gattolin, sénateur écologiste des Hauts-de-Seine et vice-président de la Commission des finances, a donc déposé un amendement (1) au projet de loi d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, visant à supprimer la déductibilité fiscale des contributions des banques au Fonds de résolution bancaire européen.
Pour le sénateur : « L’État va devoir débourser environ 650 millions d’euros par an pendant 8 ans pour prévenir les erreurs des banques, ce qui est totalement contradictoire avec l’esprit du Fonds de résolution. Cette décision est stupéfiante, alors que l’heure est aux coupes tous azimuts dans les dépenses publiques et que l’on a vu, à travers l’exemple de BNP et de sa facilité à absorber son amende de 8,9 milliards de dollars, le confort des marges des banques. » »
Des arguments de bon sens et la nécessité de remettre le système bancaire à sa juste place économique.
650 millions d’euros chaque année pendant 8 ans… voilà le coût de cette mesure si cet amendement n’était pas adopté au moment même où l’on va économiser 800 millions d’euros par an… en mettant fin à l’universalité de nos allocations familiales.À la vue des profits monumentaux réalisés par les banques qui se portent officiellement très bien, qui sont solides et qui ne font plus peser de risques systémiques (version officielle, car officieusement nous continuons à danser sur un volcan), je ne vois pas pourquoi les fonds que les banques sont censées mettre dans ce fonds européens de résolution bancaire devraient être déductibles des impôts même si comptablement cela peut se justifier puisqu’il s’agit d’une « charge » (dépense) et que toutes les charges sont, par définition, déductibles.
La privatisation des gains et la socialisation des pertes
C’est par cette simple phrase que l’on peut résumer l’essentiel de l’action de lobbying du système bancaire international qui a tout fait depuis des années dans une espèce de course à la taille critique pour devenir « too big to fail ». Ce résultat ne doit rien au hasard, il s’agit d’une volonté délibérée des grandes banques et du monde de la finance (que l’on parle de la bonne ou de la mauvaise).Il est déjà trop tard pour les réponses collectives. Préparez-vous individuellement dans le cadre de votre responsabilité personnelle et restez à l’écoute.
Alors cet amendement ne verra sans doute jamais le jour, les banques sont évidemment beaucoup plus fragiles que l’on nous l’annonce et de la même façon qu’il va falloir à nouveau sauver la Grèce fin 2014 avec un nouveau plan d’aide pour qu’Athènes boucle son budget 2014, la collectivité devra à nouveau recapitaliser ou sauver certaines grandes banques puisqu’à chaque secousse financière ou boursière apparaît tôt ou tard une banque morte flottant à la surface.
Les banques ne sont pas nos amies et ne nous veulent pas du bien. Il est naïf de vouloir le croire. Alors tirons-en les conclusions. C’est la raison pour laquelle je soutiens sans réserve cet amendement quand bien même je puisse être encore une fois plus que critique vis-à-vis de l’écologie punitive.
À demain… si vous le voulez-bien !!
Charles SANNAT