Que ce soit pour Ponzi ou pour Madoff, le système pyramidal a au final directement touché assez peu de personnes, et les pertes en % du PIB du pays sont "relativement" faibles. Et c'est là qu'arrivent nos amis du système bancaire albanais de 1995-1997 ! Ponzi a touché 10.000 investisseurs ; l'arnaque de Madoff était basée sur un portefeuille global représentant 0,2% du PIB du pays ... et bien l'Albanie a décidé d'éclater tous les records : un système pyramidal représentant 50% du PIB du pays, touchant 2 millions de personnes sur un pays comptant à l'époque 3,5 millions d'habitants et offrant jusqu'à 100% de rendement par mois. Oui Monsieur !

Pour cet article, le Captain' s'appuie sur une étude de 1999 du FMI, intitulée "The Rise and Fall of the Pyramid Schemes in Albania". Commençons donc par un petit peu d'histoire. De 1945 jusqu'au début des années 90, l'Albanie est une dictature communiste totalement fermée. A la chute du régime communiste en 1991, l'Albanie s'ouvre petit à petit et les performances macro-économiques sur la période 1993-1995 sont plutôt impressionnantes (environ 10% de croissance par an et une inflation à un seul chiffre). Un système bancaire se développe alors avec la mise en place d'une économie de marché, et des institutions plus ou moins formelles et plus ou moins contrôlées (davantage "moins" que "plus" dans les deux cas) commencent à collecter des dépôts.
C'est alors la guerre de "qui va attirer le maximum de dépôt" dans son institution, et 17 institutions se battent alors pour collecter l'argent des albanais. Cette guerre de la collecte se gagne au taux d'intérêt proposé, et c'est l'escalade de fausses promesses (taux de rendement annoncé de 8 à 10% par mois avec une inflation mensuelle inférieure à 2%). Et pour pouvoir payer les intérêts sur des dépôts qui ne rapportent quasi-rien, la seule solution est de commencer un système pyramidal.

La plus grosse institution, VEFA, a selon un audit du FMI collecté au total pour environ 1 milliard de dépôt. Au moment de sa faillite, les actifs de cette institution s'étaient envolés ; il ne restait plus que 30 millions d'euros d'actifs pour un total de 250 millions de dettes. Ce genre de système étant un jeu à quasi somme nulle, l'argent perdu par l'ensemble des épargnants est allé directement dans les poches des personnes en haut de la pyramide (et principalement dans les poches des créateurs de la pyramide).
Mais comment est-il possible que la pyramide ne se soit pas écroulée avant et soit devenu si grande ? Trois éléments : (1) des "banquiers" peu scrupuleux, (2) des épargnants ne comprenant pas le principe risque-rendement et ne se méfiant pas des promesses des pseudo-banquiers et (3) un Etat totalement débordé, ne comprenant absolument rien au problème et ne régulant pas le système.
En ce qui concerne le point (3), il y a une phrase que le Captain' adore, extraite du rapport du FMI. Lors d'un audit du FMI avant l'explosion du système pyramidal, le FMI avait demandé au gouvernement albanais de surveiller de près cela, en soulignant les risques que le système bancaire informelle soit en réalité un système pyramidal. Et la réponse officielle du gouvernement est phénoménale : "notre système pyramidal est le système pyramidal le plus propre d'Europe" (le gouvernement utilisant le terme de système pyramidal pour parler de son système bancaire, en reprenant les termes des observateurs étrangers mais sans comprendre le côté péjoratif du terme).
"Our pyramid schemes are the cleanest pyramid schemes in Europe"
Conclusion : Comme le disait Milton Friedman : "There's No Such Thing as a Free Lunch". Dans notre cas, un rendement ultra-intéressant sans aucun risque ne peut pas exister ! Si personne ne croyait au miracle du rendement sans risque, alors aucun système de Ponzi n'aurait pu voir le jour. Bon cela ne veut pas dire qu'il faut libérer Madoff, lui ériger une statue à Wall Street et condamner toutes les institutions qui se sont bêtement jetées dans le piège. Mais il est important de bien comprendre le principe du couple rendement-risque, et de ne pas se voiler la face lorsque l'on vous propose un rendement miracle en pensant avoir décrocher le jackpot (bien souvent, le risque sera sous-estimé, en partie via la mauvaise prise en compte des probabilités extrêmes...).