Captain Economics
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Captain', ça te sert à quoi de faire un site comme celui là? Trois options : (1) se faire de l'argent en masse et encaisser des dolls', (2) progresser dans son domaine et se faire plaisir en écrivant et en partageant ses idées, (3) se faire connaître un peu et faire parler de soi.
En ce qui concerne la première option, le Captain' voit passer chez lui environ 1200 visiteurs uniques par jour ! C'est plutôt pas mal du tout pour un début (site crée en décembre 2011), mais avant de payer l'impôt à 75%, il y a une belle petite marge ("comment ça avec aucune pub sur le site, c'est de toute façon pas gagné..."). Je compte tout de même sur vous pour faire connaître le site autour de vous, "liker" sur Facebook et "retweeter" sur Twittos... Objectif : 2.000 visiteurs uniques par jour à la fin de l'année 2013 !
L'option numéro 2, cela n'a aucun intérêt pour vous, mais voilà je suis content d'apprendre de nouvelles choses tous les jours et de le partager avec vous, ce qui me permet en plus d'avoir un échapatoire m'évitant de geeker sur ma thèse 24 heures sur 24. Bref ! Viens donc la troisième option, celle où je dois "parler de moi". Une sorte de lettre de motivation et CV tout en un, afin de (1) me la raconter mais sans en faire trop, (2) justifier mon droit d'écrire des conneries en montrant que je fais de temps en temps des trucs sérieux, (3) ne pas être chômeur trop longtemps après ma thèse. C'est parti !
Il était une fois, dans magnifique ville de province réputée pour la qualité de son football et son jeu à la nantaise, un petit garçon nommé Thomas... Hmmm, je m'emballe un peu là, on va faire plus simple. Nom et Prénom: Renault Thomas - Sexe: Masculin - Age : 25 ans - Profession : Thésard & quelques autres trucs.
Depuis un stage de 8 mois pour l'Organisation des Nations Unies à Bangkok en 2009 (UNESCAP - division stat'), j'ai un rêve dans ma petite tête "devenir tout pareil que DSK***, ou bien au moins l'assistant de l'assistant de l'assistant de DSK".
*** Après avoir reçu deux / trois mails me disant "Captain' tu es vraiment un con de vouloir ressembler à DSK, ce mec n'a pas de morale..." ou encore "Ah elle est belle la jeunesse. Bravo l'exemple !", je tiens à préciser pour les personnes ayant du mal avec le second degré que ceci est ironique...
Après avoir validé mon Master of Sciences in Finance en 2009 (IESEG Lille), je me suis replongé dans les études, cette fois-ci à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, avec les grands méchants du "M2 Recherche en Finance de Marché" (major de la promotion 2011, pour le côté "j'me la raconte un peu"...). Un nouveau stage au sein de la recherche économique de Natixis à Paris, ainsi qu'un mémoire réalisé sous la direction de M. Patrick Artus, me confortent dans mon idée de départ : "économiste, c'est plutôt stylé comme taff". Mais pour devenir comme DSK, il est préférable d'avoir le Graal nommé "PH D in Economics". Et voilà comment je me retrouve à travailler en thèse, comme un petit fou sur le thème de l'efficience des marchés. Moi, ça me plait, si vous me prenez pour un névrosé psychorigide, je ne vous en tiendrais pas rigueur non plus...
http://www.captaineconomics.fr/
La bulle immobilière, les esprits animaux et ... Ouest-France !
Audience de l'article : 2399 lecturesMais comment créer un indicateur de sentiment (quantitatif) à partir d'articles publiés dans les médias (qualitatif) ? La méthode la plus simple, mais qui marche relativement bien, consiste à définir en amont un dictionnaire contenant une liste de mots positifs et une liste de mots négatifs. Ensuite, pour chaque article, un programme tout bête compte le nombre d'occurrence de mots positifs, le nombre d'occurrence de mots négatifs, et crée ensuite un indicateur quantitatif (par exemple "nombre de mots positifs - nombre de mots négatifs" divisé par "total de mots"). Deux dictionnaires principaux sont utilisés dans la littérature, le dictionnaireHarvard IV et le dictionnaire de Loughran & McDonald, mais il est aussi possible de créer sa propre liste de mots avec différentes approches plus ou moins complexes. Bref, revenons en à notre bulle immobilière !
Dans l'article "Quantifying Animal Spirits: News Media and Sentiment in the Housing Market", Cindy K. Soo (University of Michigan) a développé un indicateur de sentiment concernant le marché immobilier, à partir des articles publiés dans les journaux locaux de 20 villes américaines. En utilisant le dictionnaire Harvard IV légèrement retravaillé, l'auteur a donc analysé 19,260 articles publiés entre 2000 et 2011 dans les médias américains. Par exemple, les mots "skyrocketing", "soaring" , "booming" et "heating up" sont associés à un marché haussier, et "decrease", "fall", "burst" à un marché baissier. L'approche dans ce papier est intéressante pour deux raisons. (1) Premièrement, un indicateur de sentiment différent est créé pour chaque ville, permettant de tester les variations de prix à l'échelle locale et d'essayer de comprendre pourquoi dans certaines villes les prix ont doublés alors que l'augmentation a été plus modérée dans d'autres. (2) Deuxièmement, l'auteur utilise de nombreuses autres variables de contrôle, afin de pouvoir isoler la valeur ajoutée (potentielle) apportée par cette nouvelle variable média. En effet, si par exemple le sentiment des médias n'est qu'un simple reflet des mouvements passés de prix (en gros, les médias sont optimistes quand les prix ont augmenté dans les derniers mois, et pessimistes lorsqu'ils ont baissé), alors en réalité le sentiment des médias n'apporte rien.
Le modèle créé par Soo essaye donc de prévoir la variation des prix de l'immobilier, ville par ville et pour un mois "t", en fonction : (1) des variations de prix des mois précédents, (2) des taux d'intérêt, (3) de diverses variables macro-économiques (chômage, salaire), (4) du pourcentage de prêt "subprimes" et (5) de la nouvelle variable de sentiment calculée à partir des articles publiés dans les médias locaux. Et cela nous donne ça (oui oui, le Captain' va expliquer ce tableau bizarre après...).
Ce tableau est justement le résultat (simplifié) du modèle économétrique présenté précédemment (avec quelques variables en plus). Chaque colonne représente un modèle différent (5 modèles donc), dans lequel on ajoute à chaque fois différentes variables. Par exemple, le pourcentage de prêt "subprimes" (% Subprime Loans) n'est pas incorporé dans le premier modèle, mais l'est dans les 4 suivants. Ce qui nous intéresse ici est que, pour l'ensemble des modèles, il y a des petites étoiles devant notre variable de sentiment. Les petites étoiles, c'est le Graal du chercheur: cela veut dire que la variable est "significative" (ici à un seuil de significativité de 1% pour ***), c'est à dire qu'elle apporte quelque chose au modèle. Par exemple, pour la seconde ligne "Year 1 Lag", le sentiment dans les médias sur les 12 derniers mois permet d'expliquer la variation du prix de l'immobilier le 13ème mois, et cela même lorsque l'on ajoute la variable "subprimes" au modèle. Et le coefficient est positif (+0,830 dans le premier cas), ce qui signifie que lorsque les médias sont optimistes à une période "t", alors le prix de l'immobilier tend à augmenter à la période "t+1" (et inversement). Et au passage, le sentiment des médias permet aussi de prévoir le volume de transactions (petit bonus pour ceux ayant le courage d'aller lire le papier de Soo).
Graphiquement, cela nous donne donc cette relation entre le sentiment et le prix de l'immobilier. Comme on peut le voir, il y a un fort changement de tendance du sentiment des médias (courbe bleue) à partir de 2004-2005, et les prix de l'immobilier baissent ensuite à partir de 2006 (courbe rouge). Ce mouvement est d'ailleurs particulièrement marqué à Miami et à Phoenix. A l'inverse, dans une ville comme Atlanta où les prix de l'immobilier ont relativement peu varié entre 2000 et 2011, le sentiment capturé en analysant les articles publiés dans le journal local d'Atlanta est lui aussi assez stable.
Les médias semblent donc être un "agent d'influence", dont les opinions peuvent affecter les décisions d'achat et de vente des individus. Le marché immobilier étant composé principalement de "particuliers" ayant des connaissances financières limitées (rien de méchant là dessus... voir les études sur l'alphabétisation financière... et contrairement au marché boursier qui est davantage un secteur de "professionnels"), les médias peuvent alors avoir un rôle encore plus important dans le processus de formation des prix, confirmant la théorie de Shiller (prix Nobel 2013).
Avant de conclure "pour prévoir l'évolution des prix de l'immobilier à Nantes, je vais m'abonner à Ouest-France et me mettre à la programmation d'algorithmes d'analyse de sentiment", il faut tout de même modérer les conclusions de cette étude, car elles sont basées sur un seul évènement (la crise des subprimes) et uniquement sur les Etats-Unis. Cependant, le Captain' trouve l'approche super intéressante, et vous réserve peut-être une surprise dans quelques mois sur ce sujet avec une méthodologie un peu différente (projet de recherche en cours, avec collaboration... mais chuuuuuuuut).
Conclusion: L'analyse textuelle est un domaine qui se développe depuis une dizaine d'années en économie et en finance. Des résultats très encourageants ont été révélés concernant la prévision des marchés financiers, par exemple par Tetlock (2007 - "Giving content to investor sentiment: The role of media in the stock market") et par Engelberg et al. (2011 - "The Causal Impact of Media in Financial Markets"). Pour les marchés où le ratio entre "particuliers" et "professionnels" est élevé, comme c'est le cas pour le marché immobilier, la théorie financière issue de la finance comportementale suppose que le sentiment peut effectivement créer des déviations temporaires de prix. En étant capable d'anticiper ou de mieux mesurer le sentiment, il est donc potentiellement possible d'anticiper les formations de bulles, puis leur éclatement. Bref, abonnez-vous à Ouest-France tout de même, on ne sait jamais !
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