Certains pensent qu’un vice de procédure est une échappatoire à une peine légitime, une façon d’esquiver ses responsabilités. Cela est particulièrement vrai quand le sort d’un criminel, déjà condamné par l’opinion publique, se termine en plein air. Cela est un peu moins vrai en matière fiscale où le vice est souvent recherché pour se sortir d’une situation financière délicate, sans que cela n’émeuve qui que ce soit, à part l’administration.
Le vice de procédure lors d’un contrôle fiscal est d’un maniement délicat car il faut savoir le repérer et l’invoquer à bon escient. La jurisprudence est concordante à ce sujet, une procédure viciée n’entraîne pas automatiquement la décharge des impositions, surtout si le vice n’a pas eu pour effet de violer les garanties légales du contribuable ou les droits de la défense (le juge parle alors d’erreur non substantielle).
Par ailleurs, et pour autant qu’elle soit substantielle, l’erreur peut parfois être rattrapée par l’administration sur la période non prescrite. C’est le cas notamment lorsque celle-ci a été commise durant la procédure d’imposition. Sorte de seconde chance, où le contribuable n’aura gagné qu’une chose : du temps ! Dans ce cas, l’administration annulera d’abord les procédures viciées (par abandon ou dégrèvement) avant de les rétablir en en créant une nouvelle. Pour pallier ce genre de mésaventure, il existe toutefois une subtilité (voir exemple en fin d’article).
Substantiels ou pas, rattrapables ou non, les vices de procédures peuvent se classer en deux catégories :
1. Les vices de procédure affectant la phase de contrôle sur place confrontés à l’article 51 du livre des procédures fiscales (LPF)
La phase de contrôle sur place s’entend de la période séparant la réception par l’entreprise de l’avis de vérification de comptabilité à la dernière intervention du vérificateur dans ses locaux. Elle prend en général quelques mois.
Les vices de procédure commis durant cette période, s’ils sont avérés (donc reconnus comme étant substantiels par le juge), entraînent la décharge des impositions. Ce dénouement, fort sympathique pour le contribuable, matérialise le « jackpot » puisque la situation n’est pas rattrapable par l’administration. En effet, à de rares exceptions près, celle-ci n’a pas la possibilité de renouveler une vérification pour la même période et les mêmes impôts (article L 51 du LPF). Elle se trouve donc dans l’impossibilité de revenir sur l’imposition litigieuse, une fois abandonnée.
On peut citer par exemple quelques vices souvent utilisés (liste non exhaustive) :
● L’impossibilité de recourir à l’assistance d’un conseil du fait du délai intervenu entre la réception de l’avis de vérification et la date de la première intervention.
● L’inobservation des délais prévus limitant la durée de certaines vérifications.
● L’absence de débat oral et contradictoire.
Le dernier nommé est sans doute le plus gros « nid à contentieux ». Il représente la déclinaison fiscale du principe du contradictoire commun à tout domaine juridique, l’idée étant que les rectifications proposées par l’inspecteur durant ses interventions (voire les éléments de fait y concourant) soient débattues avec le représentant de l’entreprise. La possibilité d’apporter toute précision est primordiale à ce stade.
Contrairement à une idée reçue, l’obligation du vérificateur n’est pas d’avoir un débat oral et contradictoire effectif avec le dirigeant de la société, mais de lui en donner la possibilité.
Lorsque la vérification se déroule dans les locaux de l’entreprise, cette obligation est présumée satisfaite. Ainsi, pour prétendre le contraire et invoquer un vice sur ce fondement, le contribuable devra prouver que le vérificateur ne lui a pas donné cette possibilité.
Si la vérification a eu lieu dans d’autres locaux, et en cas de litige sur ce point, le juge vérifiera que cette convenance n’a pas eu pour effet de priver le contribuable d’avoir la possibilité d’un tel débat. C’est pour cette raison que la plupart du temps l’inspecteur adresse des propositions d’entretien par courrier à tout interlocuteur qui se serait fait curieusement discret. Les services de vérification sont briefés sur ce sujet, soyez-en certains.
La multiplicité des cas d’espèce tenant au lieu de la vérification, au nombre d’interventions du vérificateur (voire à leur durée), à l’interlocuteur habituellement rencontré par le vérificateur génère un contentieux récurrent sur cette notion de débat oral et contradictoire. Dans les faits, il est possible que les vérifications soient vécues par le dirigeant comme expéditives, secrètes ou unilatérales et qu’elles débouchent sur des rappels d’impôts importants sans que celui-ci en ait réellement pris la mesure. Il n’est donc pas étonnant qu’elles génèrent des velléités procédurières à la suite. Pour autant, il faut être conscient d’une réalité : de nombreuses décisions sont rendues par les juridictions en la matière et elles ne vont pas toujours, loin s’en faut, dans le sens attendu par le contribuable.
2. Les vices affectant la procédure de rectification confrontés aux notions de prescription.
L’exposé se place ici après les opérations de vérification sur place. Sont donc ciblées les erreurs commises à partir de l’envoi de la proposition de rectification. Ces erreurs sont la plupart du temps rattrapables par l’administration à condition que les rectifications qu’elle entend remettre à la charge du contribuable ne soient pas devenues prescrites au moment où elle compte le faire.
Par ailleurs, pour des erreurs bien ciblées (motivation de la proposition de rectification erronée par exemple), l’administration dispose encore de deux armes matérialisées par ses droits de compensation et de substitution de base légale au stade du contentieux (article 203 et 204 du LPF). Pour faire simple sur ce point, retenez que ces textes lui donnent la possibilité de régulariser une imposition litigieuse sans avoir à la dégrever préalablement. L’intérêt de recourir à de telles procédures est bien entendu de faire échec à toute notion de prescription.
Parmi les vices affectant la procédure d’imposition, on peut citer notamment :
● L’absence de motivation des rectifications proposées (motifs qui n’emportent pas forcément la remise en cause de l’imposition et qui ne rencontrent pas le même écho devant les juridictions civiles et administratives).
● L’absence de réponse par l’administration à une demande de recours hiérarchique.
● Le défaut de saisine de la commission des impôts (lorsqu’elle celle-ci est compétente pour connaître du litige) alors qu’elle a été demandée par le contribuable.
Aussi, et pour soulever un vice à bon escient visant la phase d’imposition (entendez par là, bénéficier de la décharge des impositions sans possibilité de ré-impostion ultérieure par l’administration), il faut parfois savoir faire preuve d’un peu de patience… … C’est du moins, ce que démontre l’exemple suivant : Une entreprise a fait l’objet en 2014 d’une vérification de comptabilité sur tous les impôts pour les années 2011, 2012 et 2013. Le vérificateur a adressé une proposition de rectification en novembre 2014 qui concerne les trois années. La mise en recouvrement des rappels d’impôts intervient en juin 2015. La procédure est viciée au stade de la proposition de rectification. La nature de l’erreur ne permet pas à l’administration de mettre en œuvre ses droits à compensation et à substitution.
Attitude à adopter : La mise en recouvrement des rappels emporte la possibilité de contester l’imposition établie jusqu’à la fin de la deuxième année qui suit, soit au 31/12/2017 au cas particulier (Article R 196-1 du LPF). Pour mémoire, on rappellera que le contribuable dispose également d’une seconde possibilité prévue à l’article R 196-3 du LPF (délai spécial). Parallèlement, une proposition de rectification radicalement viciée perd tout caractère interruptif de prescription (elle est censée ne pas avoir existé). Au cas d’espèce, la possibilité pour l’administration de rattraper le vice de procédure par l’envoi d’une nouvelle proposition de rectification visant l’année 2013 (dernière année vérifiée) sera donc éteinte au 31/12/2016. Une réclamation contentieuse exercée à partir de cette date est donc la seule voie utilisable pour faire échec au droit de reprise de l’administration. Si vous la faites avant (exemple : 30/09/2015), vous vous exposez à voir réapparaître des impositions qui auraient dû être définitivement oubliées (sur les années 2012 et 2013).
Sauf à soulever un vice manifestement irréparable, la patience est donc une vertu essentielle pour qui veut soulever un vice à bon escient. La jurisprudence fourmille de décisions qui matérialisent l’inverse. Celle rendue par le Conseil d’État le 12/12/2008 sous le n° 298727 me paraît très adaptée pour illustrer mon propos.
Par ailleurs, et pour autant qu’elle soit substantielle, l’erreur peut parfois être rattrapée par l’administration sur la période non prescrite. C’est le cas notamment lorsque celle-ci a été commise durant la procédure d’imposition. Sorte de seconde chance, où le contribuable n’aura gagné qu’une chose : du temps ! Dans ce cas, l’administration annulera d’abord les procédures viciées (par abandon ou dégrèvement) avant de les rétablir en en créant une nouvelle. Pour pallier ce genre de mésaventure, il existe toutefois une subtilité (voir exemple en fin d’article).
Substantiels ou pas, rattrapables ou non, les vices de procédures peuvent se classer en deux catégories :
1. Les vices de procédure affectant la phase de contrôle sur place confrontés à l’article 51 du livre des procédures fiscales (LPF)
La phase de contrôle sur place s’entend de la période séparant la réception par l’entreprise de l’avis de vérification de comptabilité à la dernière intervention du vérificateur dans ses locaux. Elle prend en général quelques mois.
Les vices de procédure commis durant cette période, s’ils sont avérés (donc reconnus comme étant substantiels par le juge), entraînent la décharge des impositions. Ce dénouement, fort sympathique pour le contribuable, matérialise le « jackpot » puisque la situation n’est pas rattrapable par l’administration. En effet, à de rares exceptions près, celle-ci n’a pas la possibilité de renouveler une vérification pour la même période et les mêmes impôts (article L 51 du LPF). Elle se trouve donc dans l’impossibilité de revenir sur l’imposition litigieuse, une fois abandonnée.
On peut citer par exemple quelques vices souvent utilisés (liste non exhaustive) :
● L’impossibilité de recourir à l’assistance d’un conseil du fait du délai intervenu entre la réception de l’avis de vérification et la date de la première intervention.
● L’inobservation des délais prévus limitant la durée de certaines vérifications.
● L’absence de débat oral et contradictoire.
Le dernier nommé est sans doute le plus gros « nid à contentieux ». Il représente la déclinaison fiscale du principe du contradictoire commun à tout domaine juridique, l’idée étant que les rectifications proposées par l’inspecteur durant ses interventions (voire les éléments de fait y concourant) soient débattues avec le représentant de l’entreprise. La possibilité d’apporter toute précision est primordiale à ce stade.
Contrairement à une idée reçue, l’obligation du vérificateur n’est pas d’avoir un débat oral et contradictoire effectif avec le dirigeant de la société, mais de lui en donner la possibilité.
Lorsque la vérification se déroule dans les locaux de l’entreprise, cette obligation est présumée satisfaite. Ainsi, pour prétendre le contraire et invoquer un vice sur ce fondement, le contribuable devra prouver que le vérificateur ne lui a pas donné cette possibilité.
Si la vérification a eu lieu dans d’autres locaux, et en cas de litige sur ce point, le juge vérifiera que cette convenance n’a pas eu pour effet de priver le contribuable d’avoir la possibilité d’un tel débat. C’est pour cette raison que la plupart du temps l’inspecteur adresse des propositions d’entretien par courrier à tout interlocuteur qui se serait fait curieusement discret. Les services de vérification sont briefés sur ce sujet, soyez-en certains.
La multiplicité des cas d’espèce tenant au lieu de la vérification, au nombre d’interventions du vérificateur (voire à leur durée), à l’interlocuteur habituellement rencontré par le vérificateur génère un contentieux récurrent sur cette notion de débat oral et contradictoire. Dans les faits, il est possible que les vérifications soient vécues par le dirigeant comme expéditives, secrètes ou unilatérales et qu’elles débouchent sur des rappels d’impôts importants sans que celui-ci en ait réellement pris la mesure. Il n’est donc pas étonnant qu’elles génèrent des velléités procédurières à la suite. Pour autant, il faut être conscient d’une réalité : de nombreuses décisions sont rendues par les juridictions en la matière et elles ne vont pas toujours, loin s’en faut, dans le sens attendu par le contribuable.
2. Les vices affectant la procédure de rectification confrontés aux notions de prescription.
L’exposé se place ici après les opérations de vérification sur place. Sont donc ciblées les erreurs commises à partir de l’envoi de la proposition de rectification. Ces erreurs sont la plupart du temps rattrapables par l’administration à condition que les rectifications qu’elle entend remettre à la charge du contribuable ne soient pas devenues prescrites au moment où elle compte le faire.
Par ailleurs, pour des erreurs bien ciblées (motivation de la proposition de rectification erronée par exemple), l’administration dispose encore de deux armes matérialisées par ses droits de compensation et de substitution de base légale au stade du contentieux (article 203 et 204 du LPF). Pour faire simple sur ce point, retenez que ces textes lui donnent la possibilité de régulariser une imposition litigieuse sans avoir à la dégrever préalablement. L’intérêt de recourir à de telles procédures est bien entendu de faire échec à toute notion de prescription.
Parmi les vices affectant la procédure d’imposition, on peut citer notamment :
● L’absence de motivation des rectifications proposées (motifs qui n’emportent pas forcément la remise en cause de l’imposition et qui ne rencontrent pas le même écho devant les juridictions civiles et administratives).
● L’absence de réponse par l’administration à une demande de recours hiérarchique.
● Le défaut de saisine de la commission des impôts (lorsqu’elle celle-ci est compétente pour connaître du litige) alors qu’elle a été demandée par le contribuable.
Aussi, et pour soulever un vice à bon escient visant la phase d’imposition (entendez par là, bénéficier de la décharge des impositions sans possibilité de ré-impostion ultérieure par l’administration), il faut parfois savoir faire preuve d’un peu de patience… … C’est du moins, ce que démontre l’exemple suivant : Une entreprise a fait l’objet en 2014 d’une vérification de comptabilité sur tous les impôts pour les années 2011, 2012 et 2013. Le vérificateur a adressé une proposition de rectification en novembre 2014 qui concerne les trois années. La mise en recouvrement des rappels d’impôts intervient en juin 2015. La procédure est viciée au stade de la proposition de rectification. La nature de l’erreur ne permet pas à l’administration de mettre en œuvre ses droits à compensation et à substitution.
Attitude à adopter : La mise en recouvrement des rappels emporte la possibilité de contester l’imposition établie jusqu’à la fin de la deuxième année qui suit, soit au 31/12/2017 au cas particulier (Article R 196-1 du LPF). Pour mémoire, on rappellera que le contribuable dispose également d’une seconde possibilité prévue à l’article R 196-3 du LPF (délai spécial). Parallèlement, une proposition de rectification radicalement viciée perd tout caractère interruptif de prescription (elle est censée ne pas avoir existé). Au cas d’espèce, la possibilité pour l’administration de rattraper le vice de procédure par l’envoi d’une nouvelle proposition de rectification visant l’année 2013 (dernière année vérifiée) sera donc éteinte au 31/12/2016. Une réclamation contentieuse exercée à partir de cette date est donc la seule voie utilisable pour faire échec au droit de reprise de l’administration. Si vous la faites avant (exemple : 30/09/2015), vous vous exposez à voir réapparaître des impositions qui auraient dû être définitivement oubliées (sur les années 2012 et 2013).
Sauf à soulever un vice manifestement irréparable, la patience est donc une vertu essentielle pour qui veut soulever un vice à bon escient. La jurisprudence fourmille de décisions qui matérialisent l’inverse. Celle rendue par le Conseil d’État le 12/12/2008 sous le n° 298727 me paraît très adaptée pour illustrer mon propos.