Chaque année, l'automobile tue environ 4 000 personnes en République Fédérale d'Allemagne, et plusieurs centaines de milliers dans le monde, soit plusieurs milliers de fois plus que les accidents nucléaires, sans parler des centaines de milliers de blessés graves. En outre, les rejets polluants de ces "assassins de métal" énergivores sont jugés de plus en plus inacceptables par une partie croissante de l'opinion publique.
Devant l'ampleur du drame automobile et de la menace que ce moyen de transport représente pour la vie humaine, les politiciens restaient sourds. Heureusement, l'horreur automobile chaque jour répétée a fini par infléchir la politique d'une grande puissance.
La chancelière Angela Merkel, n'écoutant que son coeur et celui de son opinion publique, a décrété l'arrêt immédiat et obligatoire des véhicules agés de plus de 10 ans, et un moratoire sur la mise en fabrication de tout nouveau modèle. Elle annonce un grand plan pour convertir l'Allemagne à la mobilité éco-responsable dans les plus brefs délais et désigne la promotion du transport en vélo comme axe majeur de cette nouvelle politique révolutionnaire. Selon elle, la mortalité routière sera ainsi réduite à quantité négligeable en quelques années.
Le lobby puissant des constructeurs automobiles -la peste soit de ces capitalistes assoiffés d'argent et du sang des travailleurs !- lui a fait remarquer que les accidents mortels concernaient en priorité les véhicules les plus anciens, que les investissements réguliers dans des modèles mieux conçus et des infrastructures routières plus sûres devraient contribuer à réduire des risques d'accident mortel eux-mêmes déjà en forte chute depuis les années 70, que les recherches sur les véhicules non polluants étaient prometteuses et laissaient espérer de gros progrès dans les 30 années à venir quant aux émissions nocives.
Des ingénieurs -la peste soit de ces prétentieux !- ont fait remarquer que tout de même, le vélo ne rendait pas tout à fait les mêmes services que l'automobile, qu'il était très difficile de s'en servir sur de longues distances, de transporter des enfants ou des charges lourdes, que les personnes âgées ou obèses risqueraient de ne pas pouvoir se déplacer. En outre, par grand froid, la pratique du vélo peut entraîner moult complications médicales chez les personnes aux poumons fragiles.
Des économistes, dont on soupçonne qu'ils pourraient être liés à la droite conservatrice, voire, horresco referens, à des think tanks libéraux -La peste soit de la liberté de pensée de ces parasites-, ont essayé de faire croire à la chancelière que d'une part l'industrie automobile faisait vivre des milliers d'emplois directs et induits, et que sans même parler de ces pertes directes, la terrible réduction dans la mobilité ainsi infligée aux allemands les empêcherait de mettre en compétition autant d'options de consommation et d'employeurs qu'aujourd'hui, réduisant considérablement leur niveau de vie.
Qu'importe. Heureusement guidée par son coeur et un amour sincère de l'électorat, pardon, du peuple allemand, Madame Merkel a ignoré ces arguments prétendûment "de bon sens", dont on voit bien qu'ils sont dictés par des individus inféodés au lobby automobile, voire, pire encore, pétrolier. D'ailleurs, la "voiture pour le peuple" n'était-elle pas un axe majeur du programme politique d'Adolf Hitler ? Voilà bien une preuve supplémentaire que l'automobile est d'essence (sic) diabolique.
Madame Merkel a pris la seule décision qui valait la peine d'être prise en ces temps de forte émotion: plus d'autos, vive le vélo ! Bravo, Madame Merkel, vous verrez que le peuple allemand vous remerciera pour votre clairvoyance et votre capacité à prendre des décisions fondées sur la seule vraie rationalité qui vaille, celle qui ose remettre en cause les prétendus acquis de notre société capitaliste mortifère et nous emmène le coeur joyeux vers la société du risque zéro et de la vie frugale.
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Addendum: Trêve d'amusements faciles, redevenons ennuyeux l'espace de quelques lignes. Vous avez compris que je ne parlais pas d'automobile.
Je suppose qu'il se trouvera un lecteur de passage pour dénoncer l'amalgame évidemment "honteux" que je fais sous couvert d'une satire gentillette. "comment osez vous comparer les accidents de la route à un risque d'accident nucléaiiiiiire ? cela n'à rien à voâââr, votre comparaison implicite est biaisée. Le nucléaiiiiire c'est une énergie sataniiique !".
Effectivement, malgré son caractère spectaculaire, malgré toutes les représentations terrifiantes que le public associe au nucléaire, il est très peu probable que l'accident de Fukushima tue autant de personnes qu'une année d'accidents automobiles et que les suites médicales de l'accident, pour regrettables qu'elles soient, créent autant de malheur que le nombre de cas de tétraplégies consécutifs aux accidents routiers. Ma comparaison n'est donc pas du tout fair play pour le nucléaire, j'espère donc que Mme Lauvergeon ou M. Proglio ne se sentiront pas insultés par la comparaison.
Pourtant, malgré les risques indiscutables que l'usage de l'automobile induit, personne de sérieux ne songe à un moratoire sur l'automobile: les gens ont trop bien compris que les avantages de l'automobilité ont infiniment plus de valeur économique que n'en détruisent les risques mortels associés, fussent-ils bien réels, connus, et quantitativement tout à fait significatifs.
Vérifier la sécurité des réacteurs existants ? Bien sûr. Tirer les leçons de Fukushima et renforcer d'éventuels points faibles ? Evidemment. Fermer quelques centrales trop vieilles ou trop dangereuses, et les remplacer par des moyens de production modernes et sûrs, nucléaires ou non ? Tout à fait souhaitable. Mais remplacer le nucléaire par les énergies renouvelables, qui constituent une offre technologique d'une qualité tout à fait déplorable à un coût ahurissant, est-ce bien sérieux ?
L'annonce hélas bien réelle par Madame Merkel d'une démarche volontariste de conversion massive de l'Allemagne vers les énergies renouvelables est donc, en l'état actuel des technologies disponibles, un exemple absolument déplorable de décision politique passionnelle et déconnectée de tout fondement raisonnable. Il n'y a hélas pas d'autre mot que "crétinisme majeur" pour qualifier le niveau d'intelligence de cette intervention.
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