Vincent Benard
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Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !
Le Revenu Universel, panacée ou utopie sociale ?
Audience de l'article : 5204 lecturesL’idée des partisans du revenu universel est la suivante: “prenons toutes les prestations sociales actuellement versées par tous les échelons publics du pays (état, collectivités, organismes sociaux) et remplaçons les par un revenu inconditionnel versé à chaque Français, mais excluant toute autre forme de prestation à caractère redistributif. Ainsi l’économiste peu suspect de sympathies marxistes Jean-Marc Daniel, sur les ondes de BFM-Business*, estime que la somme de toutes les redistributions sociales en France, qui représentent à peu près 34% du PIB, pourrait être convertie de la sorte en un revenu universel versé à chaque français, de 800 à 900 Euros environ (j’ai vérifié, le calcul est exact). Une famille de deux personnes avec un enfant recevrait donc 2500 euros mensuels, et pourrait cumuler ces 2500 Euros avec d’autres revenus, si elle le souhaite et en a la possibilité. A noter que certains auteurs proposent des RU plus faibles avec un prélèvement plus limité. Mais l’ordre de grandeur est semble-t-il celui que les finlandais comptent mettre en pratique dans leur pays.
Sur le papier, l’idée est séduisante. Toute la bureaucratie qui gère aujourd’hui la myriade de dispositifs sociaux (ministères, caisses d’allocations familiales, assurance maladie, départements, CCAS communaux) serait remise sur le marché du travail, et personne ne perdant d’avantage social en augmentant ses revenus, le dispositif ne serait pas soumis aux effets de seuil qui, actuellement, poussent une partie des personnes vivant sous assistance sociale à préférer s’y maintenir plutôt qu’à retrouver une vie professionnelle. Enfin, le RU permettrait de supprimer le SMIC, permettant à des milliers de jeunes aujourd’hui exclus du marché du travail par manque de productivité, d’y rentrer pour y apprendre un premier métier.
Mais les partisans de cette idée minimisent souvent les inconvénients qu’elle porte en germe, que nous allons bientôt étudier. Mais avant cela, tordons le cou à un débat intra-libéraux parfaitement inutile, et répondons à la mauvaise question: “le Revenu universel est il une idée libérale, oui ou non ?”
Le Revenu universel, une idée libérale ?
Mauvaise question, car honnêtement, tout le monde s’en moque. L’important est de savoir si c’est une bonne idée ou pas. Mais comme elle agite le microcosme (ou plutôt le nanocosme) intellectuel libéral, je vais y mettre mon grain de sel, puisque personne ne me l’a demandé.
L’idée de prélever 34% de la richesse produite par les gens qui travaillent pour la redistribuer indistinctement à tous les français, y compris ceux ne faisant aucun effort pour apporter une contribution positive à la société, ne peut en aucun cas être considérée comme “libérale” philosophiquement. Rappelons que le libéral théorique parfait est celui qui n’obtient rien d’autrui par la coercition ou la tromperie, et obtient tout ce qu’il possède par l’échange volontaire. Choisir de ne rien produire, donc ne rien avoir à échanger, et recevoir une part d’un produit volontairement pris à ceux qui produise, représentant un bon tiers de leur sueur, n’est pas libéral. Mais alors, pourquoi certains libéraux la proposent, parfois avec conviction ?
Parce que nous vivons dans le monde réel et que nous pouvons constater chaque jour que la demande populaire pour bénéficier d’une part de la spoliation opérée par l’état (au sens large) sur le travail est importante et ne disparaîtra jamais. Alors certains se disent qu’une allocation unique et débureaucratisée serait un bien meilleur choix que le foutoir social actuel, en espérant que les effets pervers en soient moindres. Un libéral qui propose le RU ne propose pas une idée libérale, mais une concession qu’il juge comme un pis-aller, un os à ronger pour calmer la pulsion socialiste permanente qui habite les populations. Cela ne justifie aucunement les anathèmes et noms d’oiseaux que les opposants libéraux du RU leur adressent souvent non sans un dogmatisme parfois navrant.
Cette question ennuyeuse étant réglée, rentrons dans le vif des inconvénients du Revenu Universel.
“Pour solde de tout compte”, vraiment ?
Tout français devenant récipiendaire du RU, la force électorale de ceux qui choisiront ou n’auront d’autre choix de ne disposer que de ce RU sera importante. Même si, au départ, l’état arrive à créer un RU qui exclut effectivement toute autre forme d’aide sociale, et nous verrons plus loin que cela n’est pas évident, cet état ne sera que provisoire. Même avec les meilleurs pare-feu constitutionnels pour empêcher de cumuler RU et autres avantages, tôt ou tard, les “RU only” obtiendront des avantages politiquement arrachés aux politiciens: crèches moins chères, tarifs réduits pour telle ou telle prestation, chèques logement, transport, etc, etc. Au bout de quelques années, l’ancien écheveau de prestations sociales aura été au moins en partie reconstitué.
Quid des grosses prestations existantes ?
Vous croyez sérieusement que le cadre de 62 ans, qui espère gagner plus de 2000 euros à la retraite, puisque telle est la promesse d’un système auquel il a “cotisé” sans “thésauriser” (répartition…), va se contenter de 900 Euros ? Bien sûr que non. Et il vote, lui. Par conséquent, le RU qui lui sera versé sera par ailleurs déduit de sa pension, mais le solde de cette dernière lui sera toujours versé. Pas d’économie sur les pensions, donc.
Qui du logement social ? croyez vous que les milliers de salariés du secteur du logement subventionné accepteront la privatisation du parc social au nom du principe de “non cumul” des aides sociales ? Ou au contraire, la force politique des récipiendaires du RU ne conduira-t-elle pas à justifier la poursuite de ces politiques de fourniture de logements aidés à ceux qui n’auront que le RU, sous des formes éventuellement évoluées ? Privatiser un parc de logement social est une opération très longue et difficile. Même Margaret Thatcher n’a réussi à ne remettre “que” un quart du parc social anglais sur le marché privé. Vous croyez que les démagogues professionnels qui nous servent de politiciens arriveraient à simultanément mettre en place une mesure ultra-sociale (le RU) et à annoncer une privatisation massive du logement social ?
Et l’école ? Le coût moyen de la scolarité de nos bambins est de 550 euros par mois. Comment payer ce montant, si l’état ne finance plus l’école, avec un RU de 900 Euros ? Créer un chèque éducation supplémentaire ? contraire au principe de non cumul ! La pression politique pour que l’état continue de fournir un service “gratuit” (enfin, rien n’est jamais gratuit, comprendre “payé par la masse des contribuables”) sera énorme, même si la nature publique de cette école interdira toute réforme significative visant à améliorer ses performances.
Vous l’avez compris: il sera politiquement impossible, dès le départ, d’implémenter un RU qui remplace réellement toutes les interventions sociales existantes, et on peut même craindre que le RU ne soit un blocage pour réformer certaines d’entre elles, parmi les plus importantes.
Coût du contrat social et choix d’investissement
Un RU intégral à la finlandaise risque donc d’amener l’ensemble du coût des prestations sociales à plus de 33% du PIB. Mais admettons qu’il soit contenu à cette fraction hautement symbolique.
Comme le dit Charles Gave, dans un monde ou le capital est très mobile et s’investit là où c’est le plus rentable, un pays dont le contrat social coûte 20% du PIB dispose d’un avantage compétitif énorme vis à vis des pays où il coûte 33% et plus. Et n’allez pas me dire qu’il suffit “de ne pas taxer trop le capital” (ce qui n’est de toute façon pas très tendance…), tous les impôts payés, quelle que soit leur base de calcul, proviennent de la capacité des agents économiques de créer de la valeur ajoutée*. Que vous appeliez un impôt “impôt sur le revenu”, “sur le capital”, “sur le carbone” ou “sur les beaux yeux de la crémière”, cet impôt est finançable par ceux qui le doivent, parce qu’il y a une valeur ajoutée créée quelque part.
Un pays faiblement redistributif attirera donc, toutes choses égales par ailleurs (sécurité juridique, stabilité monétaire, etc…), plus d’investissements en capital productif qu’un pays qui devra financer un contrat social plus cher.
Le cercle vicieux du RU dans un monde compétitif
Or, un bon capital est la clé pour pouvoir créer des emplois bien rémunérés*. Les pays les plus redistributifs risquent donc de se retrouver distancés en terme d’investissement productif par les pays qui le sont moins, et n’auront d’autre choix que de retrouver de la compétitivité en baissant les salaires, tout en constatant une croissance plus faible (la vraie croissance, celle qui est pérenne, provient de nos gains de productivité. Moins d’investissement productif => moins de croissance de long terme). C’est d’ailleurs exactement ce qu’on observe en France aujourd’hui, sans RU, mais avec un “paquet social” qui nous coûte bien plus cher qu’ailleurs.
Par conséquent, les pays avec RU subiraient un effet ciseau redoutable: un PIB augmentant moins vite que leurs concurrents, des salaires itou, voire ajustés à la baisse, et un RU qui, au fil de ses réévaluations, correspondra à une fraction croissante des salaires médians… Et qui nécessitera donc un niveau de prélèvement croissant pour être financé. Certes, le RU continuerait de s’ajouter à ces salaires, mais à quel prix et pour combien de temps ?
“Mais l’automatisation, qu’en faites vous ?”
Les partisans du RU, à ce stade, rétorquent que le RU sera indispensable parce que la révolution de l’automatisation mettra au chômage des millions de personnes, et que l’automatisation croissante permettra de dégager les marges énormes nécessaires pour financer le RU. C’est une double erreur.
Première erreur, la vague de gains de productivité espérée du fait de l’hyper automatisation des tâches qui s’annonce n’est pas sans précédent dans l’histoire. Les inventions successives de la machine à vapeur, de l’électricité, et des moteurs à combustibles fossiles, au XIXe siècle et au début du XXe siècles, ont déjà engendré des gains de productivité exceptionnels pour l’humanité. Et pourtant, le nombre de postes de travail a toujours augmenté. Inutile de revenir sur ce phénomène bien connu des économistes et hélas appelé “destruction créatrice”, un terme bien peu vendeur, par son inventeur, J. Schumpeter*. Simplement, des millions de jobs ont été créés dans des secteurs d’activité qui n’existaient pas quelques décennies auparavant, et qui n’étaient même pas intellectuellement conceptualisables. Si les états ne mettent pas en place des politiques nuisant à nos capacités de nous adapter à ces changements, et donc… à susciter de forts investissements (on y revient toujours), il n’y a aucune raison de penser qu’il en aille différemment demain.
Deuxième erreur, l’automatisation et la robotisation vont provoquer une contraction des marges, et non leur explosion. Plus l’automation sera accessible, plus la concurrence entre producteurs sera vive, et plus les marges sur les produits existants seront massacrées, ce phénomène est observé à chaque épisode de forts gains de productivité*. On en revient toujours au même problème: les entreprises les plus taxées pour payer un état social cher verront ces marges en contraction fortement obérées… Et les investisseurs iront voir ailleurs. Espérer que l’automatisation financera le RU est une vue de l’esprit.
Le RU, un gaspillage de ressources ?
Une des caractéristiques du RU est son caractère inconditionnel. Ce qui veut dire que même des gens touchant un salaire confortable, ou des revenus conséquents de leur capital, le toucheront. Le RU n’est donc en cela pas différent, par exemple, des subventions au logement social que je dénonce régulièrement, et qui servent à héberger une quasi majorité de ménages au dessus du revenu médian, et ne profite qu’à un peu moins des ménages très modestes qu’il est censé aider. Le RU, de ce point de vue, étant versé à une grosse moitié de ménages qui n’en auraient absolument aucun besoin, n’est certainement pas un moyen efficient d’optimiser l’aide sociale. On peut même dire qu’une grande partie de son coût absolument astronomique constitue, de ce point de vue, un authentique gaspillage.
Le RU, une fois installé, ne sera pas révocable
Après quelques années de RU, ses inconvénients seront apparents, et quelques économistes mainstream le découvriront et oseront écrire des tribunes dans “le monde” (au fait, on lui coupe les subventions avec le RU, à la presse ?) pour se demander si nous n’avons pas fait une grosse bêtise.
Or, il est déjà difficile de revenir sur un avantage acquis concernant une poignée de bénéficiaires organisés, voir par exemple le psychodrame autour des intermittents du spectacle. Alors essayez d’imaginer supprimer ou fortement diminuer une prestation perçue par TOUS les français, et qui sera pour certains leur seul moyen d’existence ? Soyez certains d’une chose: si nous décidions d’adopter un RU, ce serait pour toujours, même s’il devenait évident pour les gens que c’est une bêtise. Les fabricants d’arguments fallacieux, jouant sur la corde émotionnelle au détriment de l’intelligence pure, seraient à la fête pour en prendre la défense avec des trémolos dans la voix au nom de la défense de l’indispensable solidarité nationale. Il vaudrait donc mieux être certains que les gens comme moi se trompent pour y plonger la tête la première…
“Pourquoi ne pas financer le RU par création monétaire ?”
Certains petits malins imaginent une réponse à mon objection fiscale: faire financer au moins en partie le RU par la planche à billet, qui serait pour l’occasion rebaptisée “dividende monétaire” et obéirait à des mécanismes un peu plus subtils, parce que cela fait moins peur à l’homme de la rue qui a entendu parler de la république de Weimar (ce qui est de plus en plus rare, je vous l’accorde). “Comme ça, le besoin de recourir à la fiscalité pour financer le RU serait réduit !”
La bonne blague. Dans nos systèmes monétaires où les étalons monétaires ont disparu, ce qui fait la valeur d’un billet de banque, ou d’une inscription électronique sur votre compte bancaire, c’est le niveau assez élevé de certitude que ce signe monétaire a été, a un moment de sa vie, la contrepartie d’une production de valeur réelle.
Si vous commencez à inonder les poches des gens par de la monnaie ne correspondant à aucune contrepartie, vous diminuez la valeur de chaque signe monétaire, puisque le nombre de biens achetables par ces signes, lui, n’augmente pas. Vous êtes donc dans une situation ou les gens qui travaillent reçoivent des signes monétaires de ce travail, mais des signes dévalués par ceux reçus par les gens qui ne travaillent pas. La création monétaire sans contrepartie est donc un impôt caché sur ceux qui reçoivent l’argent de leur création de valeur réelle: c’est exactement la même chose que le financement direct par l’impôt, mais sous une autre forme, encore plus pernicieuse. Et si cette création s’emballe, ce qui serait rapidement le cas avec un RU élevé, alors nous entrerions dans spirale hyper inflationniste comme celle que connaît actuellement le Venezuela, par exemple. Autant dire que l’économie ne serait pas belle à voir…
Mais alors, que faire ? Comment réformer les interventions sociales ?
Mais alors, si nous admettons tous que le social tel qu’il est organisé actuellement est une catastrophe, mais si nous envisageons son remplacement par le RU comme une autre catastrophe, peut être pire encore, que faire ? Si la vague d’automatisation à venir crée des millions de chômeurs (la destruction est toujours plus rapide que la création, nous dit l’expérience), comment les aider à ne pas sombrer avant que les “nouveaux jobs” liés à la transformation de l’économie n’apparaisse et ne résorbe cette vague ?
Pensons différemment. Il n’y a aucune raison de penser que l’aide sociale ne puisse pas elle aussi bénéficier des révolutions en cours ou à venir.
Vers un secteur social 3.0, à la fois hyper décentralisé et… mondial ?
Que se passerait-il si, demain, TOUTES les interventions sociales de l’état étaient supprimées ? (Ce qui est une supposition purement théorique d’un point de vue politique, je vous l’accorde).
Et bien je n’ai aucun doute sur le fait que les sociétés civiles locales trouveraient les moyens locaux de venir en aide aux nécessiteux. D’une part, parce que sans l’alibi de l’existence de l’état, le “j’ai déjà donné” n’a plus de sens, et que la générosité spontanée de ceux qui réussissent trouverait à s’exprimer. D’autre part parce que plus les gains de productivité seront élevés, et moins la satisfaction des besoins basiques des moins aisés sera coûteuse, la part des besoins basiques dans la dépense globale des ménages tendant à diminuer. En effet, la baisse des prix des choses courantes de la vie est l’ordre normal des choses*, en pourcentage des revenus.
Bref, si on laisse les gens produire de la richesse sans constamment les brider par des impôts confiscatoires et des réglementations imbéciles, le coût de prise en charge des inévitables laissés pour compte de la croissance sera toujours plus faible.
Et une prise en charge des problèmes de pauvreté par des institutions de secours mutuel local à caractère volontaire aurait plein d’avantages. Les gens finançant ces institutions auraient à coeur que l’argent soit bien utilisé, que non seulement il aide les plus démunis à ne pas sombrer, mais qu’il serve à leur permettre de rebondir. Qu’il ne serve pas à maintenir sous perfusion des gens qui tenteraient d’abuser du système, mais qu’il aide des gens qui méritent d’être aidés.
De plus, l’émulation entre institutions différentes permettrait de sélectionner les meilleures pratiques par l’expérience et la concurrence, et non par dogmatisme.
Enfin, les solutions trouvées par les uns et les autres tiendraient compte des contextes locaux. Aujourd’hui, on devient pauvre par le logement dans les grandes villes, et par l’incapacité de payer les coûts de la mobilité dans les campagnes, ces deux cas de figures réducteurs cachant des dizaines de situations locales différentes.
Ajoutons que les perspectives technologiques promettent d’uberiser aussi le secteur social. Vous avez peut être entendu parler des “systèmes d’échanges locaux” ou SEL qui se sont mis en place dans les années 90 en France, dans des communautés généralement rurales (ou petites villes), où des gens s’échangeaient des services “non monétaires” comptabilisés en “points SEL” par des tiers de confiance, une personne rendant service devenant créditrice du système, et pouvant à son tour utiliser ses points SEL pour acheter d’autres services, et ainsi de suite. l’inconvénient de ces systèmes, outre qu’ils déplaisent souverainement au fisc, est que les SEL locaux étaient des pseudo monnaies peu interopérables d’une communauté à l’autre, et que la qualité des tiers de confiance était essentielle pour que la valeur des points SEL ne tombe pas rapidement à zéro, comme pour une monnaie ordinaire. Bref, nombre de SEL ont périclité par incapacité à atteindre une taille critique et à conserver aux unités de compte “SEL” leur valeur.
Mais demain, avec une pseudo monnaie gérée par Blockchain, bitcoin ou successeurs, les SEL deviendront des SEU, “systèmes d’échanges universels”, et la blockchain pourra garantir dans le temps que les “points SEU” en circulation sont bien la contrepartie d’échanges librement consentis. Les monnaies parallèles locales ne sont pas une utopie: elles sont légales et répandues en Allemagne, et les entreprises suisses ont créé avant guerre le WIR, monnaie inter-entreprise complémentaire au franc Suisse, garantissant la pérennité des échanges entre elles en cas de problème économique grave (le WIR fut créé dans les climats d’incertitudes des années 30). Les entreprises et associations sociales de secours mutuel du futur pourront tirer profit de ces possibilités créées par l’essor des cyber-monnaies non étatiques sécurisées par blockchain pour alimenter des cercles d’entraide locaux, mais aussi permettre à cette entraide de dépasser le niveau local.
Tout cela aura un coût égal à une fraction de ce que coûte le secteur social actuellement, et naturellement coûtera bien moins cher que le Revenu Universel, mesure jacobine de type “one size fits all” inadaptable aux contextes locaux, et aux effets pervers bien plus importants que ce qu’en disent les partisans.
Comment aller vers la politique sociale 3.0 ?
Retour dans le monde réel. L’état social ne disparaîtra pas demain. Mais une des premières étapes vers ce social “3.0” entièrement géré par la société civile serait d’attribuer en exclusivité (autant que possible, une réforme complète des retraites ne se fera pas d’un claquement de doigts*...) la totalité des compétences sociales aux nouvelles communautés de communes (leur nombre sera réduit de 40% du fait des réformes en cours).
Cette décentralisation devrait être promulguée en leur laissant la liberté totale des moyens, y compris celle de privatiser le social vers des formes proches de celles décrites plus haut, mais en rétablissant leur responsabilité fiscale, en faisant en sorte que l’argent de ces collectivités ne provienne que de l’impôt local, et par le biais d’un impôt simple et facile à lire, la Flat Tax (j’ai décrit plus en détail une réforme de ce genre ici). Les communes très “socialisées” auraient un taux de Flat Tax plus élevé… Et seraient freinées dans leurs ardeurs “taxatoires” par la concurrence fiscale de proches voisins plus libéraux, et, soyons audacieux, par la nécessité de recourir au référendum local pour augmenter les impôts, ainsi que par la proximité de l’électeur citoyen potentiellement mécontent, qui pourrait facilement faire la relation entre niveau d’imposition et qualité des politiques financées par l’impôt.
Cette décentralisation totale du secteur social, et sa libéralisation, pour bénéficier des avancées technologiques qui dynamitent déjà le secteur économique lucratif, est à tout point de vue une alternative plus prometteuse et crédible qu’une hypertrophie du secteur social étatisé, avec ou sans Revenu Universel, pour faire face aux mutations qui nous attendent.
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*Liens pour approfondir
Du même auteur:
La “déflation schumpetérienne”, une amie qui rend la vie moins chère
Economie: tout provient de la valeur ajoutée
Réconcilier capital et travail, la condition pour pouvoir verser de bons salaires
Flat tax, principes et réformes possibles (proposition de flat tax locale en fin d’article)
Réforme des retraites, dossier complet
Autres auteurs:
Charles Hugh Smith: the flaws in basic income (automation leads to margin contraction)
Preston Cooper: one big downside of the basic income: once implemented, cannot be repealed
Andrew Flowers, pros and cons of basic income
Cato Institute, Michael Tanner: pros and cons of a basic income
Partisans du revenu universel :
Jean Marc Daniel interviewé par Stéphane Soumier, vidéo sur BFM
Marc de Basquiat et Gaspard Koenig, pour un “RU light”
Remerciements
Je remercie M. Gauthier Lamothe, pour ses questions pertinentes qui m’ont aidé à préciser et formaliser ma réflexion sur ce vaste sujet.
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1 Commentaire
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Lien vers le commentaire
mardi, 03 mai 2016 01:52
Posté par
zoulou2
Bon article, excepte "concession", un liberal de fait pas de concessions , il travail pour lui, pas pour ceux qui veulent ps travailler.
Un liberal bisounours, est un communiste qui s'ignore.