Henri Dumas
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Libéral convaincu, je tire des expériences de ma vie une philosophie et des propositions.
Le tout sans prétention de vérité.
Mon blog : www.temoignagefiscal.com
Transparence et tolérance
Audience de l'article : 1641 lecturesLa transparence
Aujourd’hui elle est totale pour chacun de nous, qu’elle soit voulue ou subie. Que ce soit Facebook qui nous expose avec notre consentement ou que ce soit l’Etat qui nous espionne, nous fouille, sans notre consentement, nous n’avons plus une once d’intimité.
Les commerçants nous fichent, les opérateurs nous listent, les banquiers nous dénoncent, il ne nous reste aucun jardin secret. Nous sommes nus, complètement nus.
Peut-on vivre dans ces conditions, alors que notre personnalité, sa réalité cognitive et affective, est intégralement visible et observée sous toutes les coutures ?
La tolérance
Illimitée, elle devrait permettre d’accepter tout de l’autre et de nous-même, y compris ce qui nous parait le pire. Elle est beaucoup plus facile à exiger des autres qu’à mettre en œuvre pour soi-même.
Elle pourrait peut-être permettre de vivre en toute transparence.
Car c’est bien là qu’est le problème
En imaginant que la transparence soit supportable, elle ne peut se vivre que liée à une tolérance totale, absolue, seule susceptible de permettre d’être transparent sans être dans le même temps jugé et condamné.
Nous en sommes loin.
Le paradoxe constant est que ce sont les sociétés les moins tolérantes qui demandent le plus de transparence. Alors qu’au contraire les sociétés tolérantes laissent libre cours à l’intimité, à la vie privée qui est le contraire de la transparence.
Par exemple,
Les tribunaux sont très attachés à protéger la vie privée des contrôleurs fiscaux qui eux ont pour mission, perquisitions incluses, de percer la notre à jour dans son intégralité.
Notre Etat, si secret sur ses comptes et ses actions, exige de nous la plus grande transparence sur nos comptes et nos actions.
C’est là où le bât blesse.
La chose pourrait presque être quantifiée, faire l’objet d’un théorème, tant tolérance et transparence sont étroitement et inversement liées.
Le dosage de la transparence est quantifiable à l’aune du taux de tolérance qui l’induit.
C’est ainsi que la transparence de Facebook correspond à une crispation sociale globale de la tolérance individuelle, qui trouve à s’exprimer dans des commentaires ou des groupes totalement contraires et intolérants entre eux.
La tolérance s’accommode du secret des autres, le respecte, pas l’intolérance qui veut connaître, savoir et juger.
Touts ces secrets personnels disparus, d’alcôve, bancaires, de recettes, de santé, de dons, de culte, de vote, n’étaient pas compatibles avec l’Etat inquisiteur et bureaucratique dans lequel nous vivons, qui veut et doit tout savoir de nous pour prospérer sur notre dos.
Un Etat tolérant et minimaliste se moque des secrets de ses concitoyens, il les veut libres donc il respecte leurs secrets.
Une société tolérante ne cherche pas à savoir ce que disent, pensent ou font les membres de cette société.
Et pourtant,
et c’est l’énigme, ceux qui acceptent de se mettre à nu ont l’impression de disposer d’une grande tolérance pour pouvoir le faire.
Ils n’ont pas conscience que leur exposition est permise par l’avènement de l’intolérance, quelle en est le marqueur le plus remarquable.
Vous l’aurez compris, la transparence me terrorise, je suis convaincu qu’aucune société libérale ne peut la souhaiter.
Il me semble qu’elle pose en préalable la défiance : soyez transparent ou nous n’avons pas confiance en vous me parait la règle du jeu.
Or, comment vivre ensemble si l’on n’a pas confiance les uns en les autres.
Alors oui, je suis pour le secret bancaire, le secret médical, le secret fiscal, le secret judiciaire, et même le secret politique, car je ne crois pas que derrière chaque secret il y a un doute, une mauvaise action, un escroc.
Non, derrière chaque secret il y a simplement un homme, que la tolérance doit nous permettre d’accepter tel qu’il est.
Je suis effectivement terrorisé par la transparence, y compris celle que je pratique. Elle m’est imposée par un Etat totalitaire que je réfute de toutes mes forces, que je souhaite voir disparaître pour être remplacé par un Etat minimal, libéral, où chacun sera libre d’être lui, dans la plus parfaite discrétion de sa vie privée.
Ce n’est pas demain la veille.
C’est plutôt l’intolérance qui s’impose et, ne l’oublions pas, le stade ultime de l’intolérance : c’est la guerre.
Bien cordialement. H. Dumas