Cet homme a une culture et une sensibilité infinies. Je vous soumets un extrait de son livre : « Sauve-toi, la vie t’appelle ».
— » Le trauma collectif solidarise les membres du groupe qui se rassemblent pour affronter l’agresseur, alors que le trauma individuel désolidarise en induisant des récits impossibles à partager. Le destin du trauma diffère selon le contexte verbal : « Un événement traumatique collectif est inévitablement médiatisé, filtré par le groupe, la famille, la culture et la société, à la différence d’une agression individuelle qui a tendance à isoler l’individu dans sa souffrance. »
Après un drame collectif, on constate souvent un élan de solidarité et le tissage de liens affectifs entre les victimes. Mais « quand le trauma est individuel, le récit collectif empêche même l’élaboration individuelle ». – M. Cyrulnick cite trois auteurs, Messieurs Duchet, Vitry et Payen.
Dans mon billet, je souhaite évoquer le traumatisme lié à la terreur, celle issue de la force utilisée par les hommes de l’Etat. C’est-à-dire le traumatisme, non accidentel, résultant d’une stratégie perverse de l’usage de la force, dont par ailleurs les hommes de l’Etat sont les dépositaires.
De convention, voulue au départ, les sociétés confient à ceux qui les représentent l’exclusivité de l’usage de la force de telle sorte qu’ils puissent imposer à tous la loi décidée par tous. Ça c’est la théorie.
Dans la pratique, la loi décidée par tous est souvent une utopie, quand ce n’est pas tout simplement une escroquerie. Dans ce dernier cas, la force n’est plus légitime, elle n’est plus acceptée, les hommes de l’Etat sont alors enclins à organiser la terreur pour que la population respecte la force.
Revenons un instant sur la terreur.
La terreur découle de l’injustice. La force utilisée justement ne déclenche jamais la terreur. Celui qui veut faire peur doit obligatoirement accepter d’être injuste. C’est l’injustice qui terrorise, pas la force elle-même.
Quand M. Castaner décide de s’entourer d’un préfet prêt à tout, il sait ce qu’il fait. Il a décidé de terroriser les gilets jaunes, la rue ne fait pas peur à cet ancien voyou. Il ne craint pas l’injustice. Il sait que c’est elle qui installe la terreur. Il sait aussi que c’est la terreur qui fera rentrer chez eux les gilets jaunes.
Evidemment, en agissant ainsi il flatte et couvre les fous de violence, peu regardants sur la justice.
C’est ainsi qu’il aboutit inexorablement à l’affaire Steve Maia Caniço. Un jeune homme de 24 ans jeté à la Loire à la suite d’une opération d’usage de la force publique, aveugle et disproportionné. Le jeune homme meurt noyé, Castaner a accepté ce risque pour installer la terreur. Il y aura d’autres morts, c’est d’ores et déjà écrit.
La politique actuelle, a tort ou à raison, n’est pas acceptée par une fraction importante de la population. Macron croit devoir imposer ses solutions. Il croit sans doute que le temps lui donnera raison, qu’en attendant il peut légitimement installer un peu de terreur pour avoir la paix, au lieu de repasser par la case élections.
Evidemment, il se trompe. Il n’est pas le premier, ce problème est récurant et finit toujours mal.
Le traumatisme
Ici le traumatisme est collectif. Cela ne change rien pour la victime, mais cela change tout pour Castaner et Macron. La population se rassemble pour affronter l’agresseur : les forces de police, qui devront devenir de plus en plus injustes et de plus en plus violentes pour se faire respecter.
Le conflit est installé, il n’est pas certain que Castaner et Macron le gagnent. Il faut espérer qu’il ne sera pas attisé, devenant alors une source de clivage mortel pour nous tous. Ce qui sera le cas si ces messieurs ne font pas rapidement marche arrière, face aux provocations qui ne vont pas manquer pour contrer la terreur.
Comment ne pas penser à la terreur fiscale ?
Ceux qui lisent mes billets partagent évidemment avec moi le poids de la terreur fiscale. Le principe est le même que pour la terreur policière.
Une fiscalité déraisonnable oppresse les contribuables, qui rechignent à se soumettre. Au point que Bercy doit installer la terreur pour obtenir leur soumission. Les contrôleurs pervers sont couverts, la justice fiscale inexistante.
Cette terreur implique l’injustice fiscale, que chacun connait, qui fait des ravages, qui tue. Les traumatismes induits sont incommensurables.
Mais, et c’est là la grande différence avec la terreur policière, il s’agit de traumatismes individuels. La société ne se les approprie pas.
Nous sommes dans le cas où :« quand le trauma est individuel, le récit collectif empêche même l’élaboration individuelle ».
Non seulement le groupe ne se solidarise pas pour affronter l’adversaire, mais le traumatisé ne peut même pas exprimer sa souffrance.
C’est ce type de traumatisme que M. Cyrulnick a eu à affronter, enfant juif de six ans, quand sa vie a basculé du fait de la disparition de ses parents et de son évasion d’un site de rafle. La société, au sortir de la guerre, refusait d’évoquer son traumatisme et la terreur imposée aux siens. Il dut se reconstruire seul, en se mentant sur les faits traumatisants.
Une pensée pour eux
Après la mort, un traumatisme impossible à exprimer, donc à réparer, est la pire des choses.
J’en connais le prix. Je pense à tous ceux qui le vivent, à tort ou à raison.
Rien ne justifie l’installation de la terreur, le règne de l’injustice, pas plus la paix sociale que la fiscalité.
Tricheurs ou pas tricheurs, les contribuables n’ont pas à être privés de justice, à subir la terreur voulue par Bercy. Bercy paiera un jour, c’est inéluctable. J’espère être là pour le voir.
Bien à vous. H. Dumas