Henri Dumas
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Libéral convaincu, je tire des expériences de ma vie une philosophie et des propositions.
Le tout sans prétention de vérité.
Mon blog : www.temoignagefiscal.com
Que se passe-t-il dans la tête des magistrats ?
Audience de l'article : 2368 lecturesIl faut reconnaître que c’est du boulot cet arrêt.
Les magistrats Franco, Brieu et Chiron ont passé beaucoup de temps à s’imprégner du dossier pour le pondre. Peut-être plusieurs jours.
Et pourtant.
Je signale en rouge dans la marge, les trois mensonges qui anéantissent tout le raisonnement. Ces trois mensonges collent depuis vingt ans, depuis le début, à cette affaire, ruinent ma société, dans l’indifférence des magistrats qui se succèdent et la joie des pisse-vinaigre obsédés par l’argent des autres.
Le premier mensonge
C’est très simple, dès la fin de la construction de ce programme, village de 92 maisons dans l’île de Ré, il a été exploité intégralement en hôtel.
De ce fait, il a été soumis à la TVA, puisque c’est la destination de l’immeuble qui décide du régime de TVA, indépendamment de la nature du propriétaire.
Qui plus est, la livraison à soi-même est tacite dès la mise à disposition des constructions. Donc la société de construction, la SCI Les Hauts de Cocraud, était en droit de récupérer la TVA de la livraison à soi-même, dès l’ouverture de l’hôtel.
Tous les propriétaires de cette copropriété hôtelière ont effectivement récupéré leur TVA, sauf la SCI !!!
Les magistrats transforment la vérité dans leur arrêt en déclarant : ” …la gestion des 13 lots vendus ayant été confiée à une société en participation (à laquelle elle ne participait pas) … la société civile immobilière les Hauts de Cocraud a ensuite mis à la disposition de la société Maeva…”, ainsi ils couvrent le fisc qui refuse la récupération de TVA à la SCI.
De façon très perverse le mensonge initial est donc pris en compte par les magistrats qui laissent supposer que les lots de la SCI n’auraient pas été, dès leur livraison, utilisés à usage hôtelier. Ce qui est totalement faux.
Le deuxième mensonge
Les magistrats prennent pour argent comptant le procès-verbal d’opposition à contrôle fiscal de l’agent Martino, que ce dernier a produit deux ans après le contrôle, qui ne rime à rien, qui est un acte de folie ne correspondant pas aux faits, que la justice a toujours couvert. Ce faisant ils crédibilisent le résultat délirant d’un contrôle fiscal ou les droits de la SCI ont été bafoués.
Nous sommes face à un cas typique d’abus de droit fiscal, réprimé par l’association de l’article 432-1 du Code Pénal et de l’article L-64 du Livre des Procédures Fiscales.
L’article L-64 qui dit : “Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.”
L’abus de droit fiscal consiste à interpréter de façon fictive ou anormalement bénéfique la loi fiscale par rapport à la réalité factuelle, cela s’appelle aussi l’optimisation fiscale.
Le fait que le législateur ait pris pour hypothèse une faute à sens unique, exclusivement vue du côté du contribuable, n’implique pas que la même faute dans l’autre sens, commise par l’administration fiscale, fasse cesser le délit.
Ici nous sommes dans le cas où c’est le fisc qui pratique ce qu’il reproche au contribuable, c’est-à-dire la transformation de la réalité factuelle par des artifices pour inventer une situation fiscale fictive à son avantage.
Les magistrats dans leur arrêt couvrent ce délit. C’est grave.
Le troisième mensonge
Les magistrats prétendent que tout a été jugé, qu’ils n’ont pas la compétence pour juger autrement que ce qu’ont jugé, en complicité, le fisc et les Tribunaux Administratifs.
C’est faux. Le juge de l’exécution, et c’est légitime, a tous les droits pour juger d’une créance, quelle qu’elle soit.
C’est pour cela que nos magistrats se sont tant appliqués à pondre un arrêt si touffu, si hermétique, même pour eux sans-doute.
Alors, que se passe-t-il dans la tête des magistrats ?
C’est une question que je me pose depuis longtemps.
Nous ne pouvons pas vivre sans l’organisation judiciaire qui est l’arbitre de notre vie sociale, ce match incontournable qui nous engloutit, auquel nous ne pouvons pas échapper. Voir mon billet : https://temoignagefiscal.com/la-societe-ideale/, qui prouve à quel point je respecte la justice, je la crois essentielle.
Je conviens que juger est difficile, ceux qui s’engagent dans cette voie ne se facilitent pas la vie. Mais quand même, comment peut-on arriver à un tel dysfonctionnement de l’administration judiciaire, que tous les Français ressentent puisqu’ils n’ont majoritairement plus confiance en leur justice ?
La pression, le manque de sérénité
C’est une hypothèse. Il est clair que l’administration judiciaire ne possède pas les moyens matériels pour répondre à ce que la population attend d’elle.
Au football, les moyens de l’arbitre ont été, au fil du temps, largement améliorés. Ce n’est pas le cas pour le sport de la vie.
Les limites intellectuelles
C’est inévitable. Rendre la justice est la chose la plus difficile qui soit. Du bandeau de Thémis à Saint Louis, les hommes d’efforcent de symboliser que c’est possible, mais aussi que c’est exceptionnel. Comment accepter l’idée que nos 9000 magistrats puissent être tous des génies du niveau des espoirs mis en eux ?
Il est plus probable qu’ils soient majoritairement des gens ordinaires au service d’une cause extraordinaire. Problème…
L’égalitarisme
Nous touchons là le fond du problème qu’est le disfonctionnement profond de notre organisation de la jurisprudence.
Chaque jugement doit être conforme à ce qui a été déjà jugé sur le problème posé. Ce n’est pas égalitaire, c’est juste ridicule.
De ce fait l’évolution de la justice est à la ramasse, les juges ne jugent plus, ils recherchent comment le problème qui leur est posé a déjà été jugé.
Or aucune cause n’est identique, donc le résultat de cette méthode ne peut qu’échouer, à minima partiellement.
En réalité, il s’agit ici d’un manque de confiance du pouvoir envers les juges, qui ainsi les cantonne à être de simples applicateurs du passé ou du pouvoir.
En contrepartie leur impunité est garantie, ils n’ont de compte à rendre à personne, et surtout pas à la population, alors pourtant qu’ils sont à son service. Le fait qu’ils ne soient pas élus est très grave. Que leur liberté de juger soit ainsi canalisée dévalorise leur activité.
Le corporatisme
Cette quête de jurisprudence, avec l’accumulation des lois et des jugements, est devenue démentielle. Les juges craignent les avocats qui ont des armées de collaborateurs pour dégoter la jurisprudence qui mettra le juge échec et mat. Aussi les deux pactisent, ce qui est malsain.
Le justiciable est directement éjecté du processus, ce qui est un comble.
La déviance intellectuelle
Le plaisir de condamner, de faire du mal à ceux que les magistrats estiment hors de la vraie croyance, celle à laquelle eux-mêmes croient. L’inquisition de type religieux. Le sadisme, voire la vengeance personnelle. Ou encore l’appartenance et sa connivence initiatique avec ses pairs.
Cela existe évidemment, mais je ne le ressens pas comme majoritaire.
Conclusion
Le plafond intellectuel des juges, seraient-ils tous des génies, est au taquet, voir pire. Cela les rend au mieux craintifs, au pire indifférents, fatalistes.
Tout est à refondre, la situation est pire qu’elle ne l’était lorsqu’en 1789 la DDHC a posé les règles simples du droit pour les hommes à être jugé équitablement. Nous en sommes si loin.
Et chaque jour nous nous en éloignons un peu plus. J’aurais sans doute d’autres jugements ou arrêts à vous faire partager qui couvriront les escroqueries des hommes du pouvoir, leurs délires, leur soif de nous soumettre… pour notre bien, cela va de soi.
Bien à vous. H. Dumas