Dieter :
Le Royaume-Uni et les États-Unis sont au demeurant des exemples de ce que beaucoup d'observateurs préconisent pour la zone euro : la banque centrale répond aux demandes de financement des États à des conditions extrêmement favorables en faisant en quelque sorte marcher la planche à billets. Quand tout est rentré dans l’ordre (croissance, déficit budgétaire maîtrisé, etc.), la banque centrale procède tout simplement à une destruction de la monnaie qu’elle a injectée sur les marchés. Voilà pour la théorie. Si cela ne marche pas : bienvenue au royaume de l’(hyper)inflation. Je doute que cela fonctionne et suis donc partisan de la méthode qui consiste à « résoudre d’abord les problèmes fondamentaux, la politique monétaire accompagnant une action qui doit s’inscrire dans la durée ». Je peux me tromper.
Guy :
Je ne crois pas que tu te trompes. Je trouve extrêmement inquiétant que non seulement les autorités s’accrochent à des politiques erronées qui ont conduit à tous ces problèmes mais qu’elles l’appliquent même avec encore plus de frénésie. Elles essaient de remédier au problème du surendettement à travers encore plus de dette et les banques centrales s’engagent dans des expérimentations monétaires de plus en plus hasardeuses, dont elles ignorent quelles seront les conséquences à moyen et long terme. En Europe, cela conduit à une espèce de chaîne de Ponzi d'une ampleur inconnue jusqu’ici.
Dieter :
C’est justement parce que le lobby de ceux qui subiraient les effets négatifs d’une restructuration de la dette est si puissant. D’où cette entente entre ceux qui préconisent que la BCE fasse marcher la planche à billets, alors que le total de son bilan a déjà augmenté de 50 % au cours des six derniers mois. Les règles fondamentales de l’économie libre de marché ne sont donc plus appliquées.
Guy :
En plus, les responsables politiques de la zone euro ne veulent pas admettre que l’union monétaire dans sa forme actuelle ne peut pas fonctionner. Ou plutôt qu’elle ne conduira certainement pas à l’optimisation du bien-être du plus grand nombre de citoyens, ce qui devrait être finalement l’objectif de la politique. Elle condamnera surtout l’Europe du Sud à une faible croissance et un chômage élevé pendant des années sans que ces pays puissent seulement voir la lumière au bout du tunnel. Cette situation développera dans ces pays un sentiment de rejet de l’Europe. Elle fera aussi peser une montagne de dettes sur les générations futures.
Dieter :
Et cela arrive à un moment où le financement du système social européen s’avère de plus en plus difficile ce qui peut entraîner un conflit intergénérationnel, puisqu’il manque là aussi une volonté politique pour réformer le système en profondeur.
Guy :
Tu as dit précédemment qu’une dissolution « brutale » de l’union monétaire serait une catastrophe pour l’économie. Je pense que c’est exagéré. D’ailleurs, je n’ai pas prétendu non plus qu’il n’y aurait pas de perdants dans la solution que je propose. Il est trop tard pour trouver une solution indolore. La question est de savoir comment créer les conditions qui permettront à l’Europe de repartir sur des bases saines avec un minimum d’inconvénients. Dans le passé, l’Europe a montré qu’elle était capable de relever bien des défis lorsqu’elle met en commun les atouts qu’elle possède indéniablement. Comme le dit un proverbe allemand : "Mieux vaut une fin qui fait peur qu’une peur sans fin".
Guy Wagner
Source : http://www.guywagnerblog.com/fre/entry/zone-euro-annee-de-verite-4