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Guy Wagner

Guy Wagner

Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.

Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.


Mon parcours

Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.

FMI et dévaluations, 2 premières tentatives de solution

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Crises ininterrompues

La chute de Lehman Brothers, la crise de la dette grecque, la fin de l’assouplissement monétaire quantitatif américain, la chute des prix des matières premières, le ralentissement de l’économie chinoise et la dépréciation de sa monnaie, la guerre en Ukraine, les sanctions contre la Russie,… sont autant d’événements qui ont contribué à mettre un terme à une décennie de croissance forte au sein des pays émergents. Et certains de ces pays sont plus exposés que d’autres au ralentissement.

Evolution du prix du café et de la devise brésilienne, le real, sur base 100 

 

 Source : Bloomberg 

Retour en grâce du FMI

Dans les années 2000, au lendemain des défauts souverains qui ont touché l’Amérique latine, la Russie et l’Asie dans les années 80 et 90, le FMI se voit fortement remis en question. Dans son livre dédié à l’analyse des crises récentes et aux rôles tenus par les institutions internationales, Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, écrit ceci : « Le FMI a fait des erreurs dans tous les domaines où il est intervenu : le développement, la gestion des crises et la transition du communisme au capitalisme». De Stiglitz à Varoufakis (ancien ministre grec des Finances), les critiques sont acerbes. Les principaux pays émergents iront même jusqu’à proposer une alternative aux institutions de Washington avec la création de la New Development Bank (NDB) 70 ans après celle du FMI. La NDB, qui est inaugurée en juillet 2014, se voit dotée d’un capital de 100 milliards de dollars. L’infrastructure et le développement durable sont présentés comme ses principaux objectifs. Eskom, la société de production et de distribution d’électricité sud-africaine, est une des bénéficiaires de ses opérations de financement.

Cependant, la crise de 2008 remettra en selle celle qui a toujours été considérée comme la garante de la stabilité financière mondiale. L’évolution des opérations de prêts du FMI, passée par une période creuse sur la décennie précédente, en atteste. En 2012, la Grèce est une des premières économies à solliciter l’institution. En effet, en mars 2012, le FMI approuve un prêt de 28 milliards d’euros en faveur de l’économie grecque.

Plus tard, en 2015 en particulier, le Fonds continue de conclure différents accords dont :

  • des lignes de crédit modulables pour le Mexique et la Pologne, respectivement pour un montant de 47 milliards et de 15,5 milliards de DTS (1) (soit l’équivalent de 67 et 22 milliards de dollars).

  • un mécanisme élargi de crédit de 36 mois pour l’Ukraine à hauteur de 12,3 milliards de DTS (soit 17,5 milliards de dollars).

Outre les mécanismes de crédit, l’Ukraine, comme d’autres pays, bénéficie d’un programme d’assistance technique. 

Prêts en cours par catégorie entre 1990 et 2014

 

Source :FMI 

L’élixir de la dévaluation

Indépendamment de ce qui se passe au sein de la zone euro (tensions sociales et multiplication des contestations ou percée des parties populistes, de Madrid à Paris), le fait est que les années de forte hausse des prix des matières premières ont encouragé différents pays émergents à accroître les dépenses de façon conséquente. La crise de la dette grecque s’est avérée être les prémices de ce qui allait se passer dans d’autres régions du monde.

Dans plusieurs cas, les années 2000 ont abouti à un endettement et à des déficits devenus insoutenables une fois les prix retombés. La situation du Brésil ou celle du Venezuela illustre ce fait. Malheureusement, les réformes à l’avènement d’une croissance durable, s’il y en a eues, n’ont pas été suffisantes (2).

Solde de la balance courante du Brésil (en % du PIB)

 

Source : Trading Economics 

A ces pays, il a dès lors fallu plus qu’un recours aux institutions internationales pour tenter de résorber la dégradation des finances publiques. La dévaluation ou l’adoption d’un régime de change flottant constitue une autre tentative de solution. La Chine et l’Argentine sont les premières à faire parler d’elles en la matière, début 2014. Elles sont suivies par plusieurs pays en majorité exportateurs de matières premières dont la Russie, le Kazakhstan, le Nigéria ou encore le Venezuela. Après une baisse de près de 30% de sa devise face au dollar, en novembre 2014, la Banque centrale de Russie laisse sa monnaie flotter quasi librement, en se donnant le droit d’intervenir si besoin. Pour cause, ses réserves de change sont passées de 475 milliards de dollars à 373 milliards entre novembre 2013 et novembre 2014, notamment à force de défendre le rouble.

Fluctuation du yuan chinois et du won coréen par rapport au dollar  

 

Source : Bloomberg 

Dévaluations et dépréciations de devises de certains pays émergents

 

Source : Bloomberg 

Sans aller trop dans la théorie, il est utile de rappeler quelques-uns des objectifs recherchés par les pays qui dévaluent leur devise :

  • au niveau de la balance financière : limiter l’hémorragie sur les réserves de change de pays ayant souvent des obligations envers l’étranger (telle qu’une dette élevée en dollar),

  • au niveau du solde budgétaire : pallier la baisse des revenus par une revalorisation des recettes étrangères en monnaie locale,

  • au niveau de la balance commerciale : gagner en compétitivité et augmenter les exportations. Les effets indirects peuvent alors être une hausse de la production et une baisse du chômage.

De fait, aujourd’hui, bon nombre de pays qui ont vu leur monnaie se déprécier enregistrent une relance de leurs exportations. C’est essentiellement le cas des pays manufacturiers (et moins celui des pays exportateurs nets de matières premières). Les différences sont aussi régionales comme le démontre le graphique infra. L’Europe émergente est la région qui s’en tire le mieux.

Variations annuelles, en %, des exportations des pays émergents par région

 

Source : Capital Economics

Pas encore la panacée

Le recours au FMI ou la dépréciation de la devise ne sont que quelques-uns des remèdes qui ont été adoptés par des gouvernements en difficulté. Ils ne sont pas suffisants pour résoudre les problèmes structurels dont il est question. En particulier, la dette privée apparaît être une des principales variables de l’équation. Les entreprises des pays émergents rencontrent des difficultés croissantes (3). Certaines comme Pemex doivent être restructurées et recapitalisées car leurs perspectives de revenus sont remises en question. En Malaisie et au Brésil, 1MDB et Petrobras connaissent de graves problèmes de gouvernance. Ainsi, les cures évoquées dans cet article ne constituent qu’une première étape dans la recherche de solutions.




(1) Droits de Tirage Spéciaux - Taux de Change DTS/dollar : 0,71103 au 30 avril 2015 - Source : FMI.

(2) Voir l'article "L'Heure Des Réformes". 

(3) Voir l'article "La Dette d'Entreprise : Glencore, VW, Petrobras,...". 



Jean-Philippe Donge
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