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Guy Wagner

Guy Wagner

Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.

Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.


Mon parcours

Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.

L'année de tous les dangers

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L'année 2012 s'annonce comme particulièrement difficile. Une grande partie du monde industrialisé est entrée dans un processus de désendettement qui va durer plusieurs années avec des conséquences négatives sur la croissance économique. L'économie mondiale est par conséquent extrêmement fragile et il s'en faudrait de peu pour déclencher une crise majeure. Après 2008, les autorités ont essayé de stabiliser la situation à travers des mesures de stimulation fiscales et monétaires sans précédent. Ce faisant, elles n'ont cependant que retardé l'échéance tout en aggravant le problème du surendettement. De plus, la détérioration très importante des finances publiques qui en a résulté fait que le risque d'une crise systémique est aujourd'hui plus important qu'il y a 3 ans.

La situation de la zone euro est particulièrement inquiétante. A l'intérieur de cette zone, il y a trop de dettes, trop peu de croissance et des déséquilibres commerciaux trop élevés. Cette crise est un mélange particulièrement dangereux entre une crise bancaire et une crise de la dette publique avec un système bancaire sous-capitalisé détenant une grande partie de ses fonds propres en emprunts de pays surendettés. Ce dernier point fait aussi que les besoins de recapitalisation des banques européennes ne pourront pas être connus tant que le marché des emprunts d'Etat de la zone euro ne se sera pas stabilisé. Et tant que ces besoins ne seront pas connus, la confiance dans les banques européennes ne va pas revenir. Avec des besoins de refinancement énormes, celles-ci essaieront dès lors de réduire leurs bilans en cédant des actifs et en diminuant leur activité de crédit. Ceci constituera un frein supplémentaire à une croissance économique déjà fortement affectée par l'austérité budgétaire mise en place dans bon nombre de pays. En résumé, la conjoncture mondiale risque de se ralentir de manière importante à un moment où les autorités ont essentiellement épuisé leurs ressources monétaires et fiscales.

Face à ce contexte particulièrement incertain, l'investisseur serait en droit d'exiger une rémunération plus importante de son épargne. L'inverse est cependant le cas. Au cours des dernières années, les autorités monétaires ont tout fait pour éviter les ajustements structurels nécessaires en maintenant les taux d'intérêt artificiellement bas. Ce faisant, elles ont favorisé une poursuite de la spéculation au détriment de l'épargne et des investissements productifs. Avec une rémunération des placements monétaires proches de zéro, des rendements sur les emprunts d'Etat de qualité (ou du moins encore considérés comme tels à l'heure actuelle) en partie négatifs sur les échéances courtes et inférieurs à 2 % sur les échéances longues et des rendements sur les emprunts de qualité du secteur privé guère plus élevés, les possibilités offertes à un investisseur à la recherche de revenus réguliers et voulant éviter des fluctuations importantes dans la valeur de son portefeuille sont peu alléchantes.   

Quid des marchés boursiers ? Même si la plupart d’entre eux ont enregistré une baisse significative en 2011, il serait naïf de penser que les risques mentionnés supra sont déjà reflétés dans les cours. D’autant plus que le marché américain, qui donne généralement le ton pour les autres marchés, n’a pas corrigé en 2011. Sa valorisation, sur base des bénéfices normalisés, reste élevée. La période d’expansion des marges bénéficiaires des entreprises américaines touche à sa fin et avec elle, celle de bénéfices régulièrement supérieurs aux attentes. Avec l’appréciation du dollar, l’indice S&P 500 risque aussi de perdre un important élément de soutien dans la mesure où près de la moitié des ventes des sociétés de cet indice sont réalisées en dehors des Etats-Unis.

La valorisation des marchés européens semble a priori nettement plus attrayante. Cette observation doit toutefois être relativisée. Le caractère bon marché de l’Europe résulte essentiellement de la composition des indices européens où la pondération des valeurs cycliques et financières est élevée. Or, dans le contexte actuel de crise de la zone euro, il est impossible de valoriser les banques et il est possible que pour certaines d’entre elles, les actionnaires soient fortement dilués en cas de recapitalisation importante ou entièrement perdants en cas de nationalisation. Quant aux valeurs cycliques, elles sont fortement exposées à une détérioration de la conjoncture mondiale. La cyclicité de leurs résultats fait d’autre part qu’elles se traiteront toujours à une décote par rapport à des valeurs plus défensives. Et ces dernières ne sont pas moins chères en Europe qu’aux Etats-Unis.

La période de convergence entre les valorisations des marchés européens semble également terminée. Depuis l’introduction de la monnaie unique, l’écart, en termes de ratio ‘cours/bénéfice’, entre les marchés les plus chers et les moins chers de la zone euro s’était réduit de moitié. La crise actuelle ayant révélé les faiblesses structurelles de la monnaie unique, les différentiels d’intérêt entre pays de la zone euro resteront durablement élevés avec des conséquences sur les performances économiques des pays membres et la valorisation de leur marché boursier. Ceci ne plaide pas en faveur des marchés d’Europe du Sud.

En ce qui concerne les valorisations des marchés boursiers, il convient d’ailleurs de noter que s’il est évidemment utile de comparer les valorisations actuelles à la moyenne historique, il est également utile de se faire une idée du régime de valorisation dans lequel nous allons évoluer. L’histoire financière montre ainsi que si les actions américaines se sont en moyenne traitées à 15 fois les bénéfices sur les 100 dernières années, ce chiffre n’est justement qu’une moyenne entre de longues périodes où leur valorisation a été largement inférieure et de longues périodes où la valorisation a été largement supérieure à ce chiffre.

A la fin du dernier marché haussier en 2000, les valorisations étaient historiquement élevées. Depuis lors, elles sont orientées à la baisse. Cette tendance devrait se poursuivre étant donné que :

- contrairement aux 30 dernières années où l’augmentation de l’endettement avait stimulé l’activité économique, le processus de désendettement va la réduire. Si le potentiel de croissance des bénéfices est plus faible, les investisseurs paieront moins cher pour ces bénéfices;

- dans les années à venir, nous risquons d’assister à nouveau à des cycles économiques plus courts et des récessions plus fréquentes. La volatilité des bénéfices des entreprises augmentera. L’histoire financière montre qu’il y a une corrélation négative entre volatilité des bénéfices et multiples de valorisation accordés à ces bénéfices;

- l’augmentation des multiples au cours des années 80 et 90 était due en grande partie à la baisse des taux d’intérêt à la suite du recul de l’inflation. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont à des niveaux très bas. Ce niveau très bas ne traduit pas un environnement économique particulièrement brillant mais au contraire est le résultat des nombreux problèmes structurels. Si les taux devaient baisser davantage, ce serait parce que l’Europe et les Etats-Unis seraient entrés dans un scénario à la japonaise, avec cependant nettement moins de cohésion sociale. L’expérience du marché japonais sur les 20 dernières années montre qu’il existe alors une corrélation positive entre taux d’intérêt et multiples de valorisation des actions, les derniers reculant ensemble avec les premiers;

- au cours des dernières années, les fruits de la croissance économique sont allés en premier lieu aux entreprises. Il en résulte que la part des bénéfices dans le revenu national est à un niveau historiquement élevé. Cette tendance ne peut pas continuer;

- la fin de la guerre froide avait soutenu les multiples de valorisation dans les années 90. Aujourd’hui, le risque géopolitique augmente à nouveau.

La valorisation du marché japonais est par contre réellement attrayante. Les sociétés de l’indice Topix se traitent en moyenne en-dessous de leurs fonds propres et il est possible de trouver bon nombre d’entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure aux liquidités nettes qu’elle détiennent. Comme c’est généralement le cas avec un marché boursier sous-évalué, le marché japonais n’intéresse à l’heure actuelle personne. Il est vrai que dans un contexte de décélération de la conjoncture mondiale, investir dans un marché généralement considéré comme cyclique n’est pas la première chose venant à l’esprit, mais dans le cas du Japon, le potentiel d’appréciation à long terme (conséquence du faible niveau de valorisation) compense au moins l’investisseur pour les risques encourus.

Ratio 'cours/fonds propres' du marché japonais
 

 

L’année dernière a confirmé que les marchés émergents restent non seulement corrélés aux autres marchés, mais que leur volatilité est même comparable à celle des secteurs les plus cycliques en Europe et aux Etats-Unis. Ceci n’a rien d’étonnant étant donné que la pondération des valeurs exportatrices et des matières premières est importante dans la plupart des indices émergents. Un environnement de décélération de la conjoncture mondiale et d’appréciation du dollar n’est pas favorable à ces secteurs. Côté positif, la modération des pressions inflationnistes permettra aux autorités de la région de relâcher le cas échéant leur politique monétaire.

Dans le contexte actuel, il est important pour un investisseur :

- de ne pas se laisser influencer par les fluctuations à court terme des marchés financiers. Ces fluctuations sont le résultat entre les interventions des autorités d’un côté et les mauvais fondamentaux de l’autre;

- de s’inquiéter de ce qu’il détient en portefeuille et non pas de ce qu’il ne détient pas. Il ne faudra pas faire de concessions sur la qualité des actifs détenus même si ces actifs sous-performent temporairement;

- d’attendre le cas échéant que de meilleures opportunités d'achat se présentent;

- d’éviter de rationaliser des positions qu’il détient et dont il ne veut pas se séparer.

A partir de là, nos recommandations d’investissement pour 2012 sont :

  •   acheter des actions à dividende élevé d’entreprises dont les activités sont peu cycliques.

Dans l’environnement actuel, les revenus stables de qualité deviennent rares et ce qui est rare devrait figurer dans un portefeuille. Les tendances démographiques soutiennent également des stratégies visant à produire des revenus réguliers. Les entreprises payant des dividendes substantiels et réguliers devraient en profiter. Etant donné les risques qui pèsent sur la croissance, il y a lieu d’éviter celles dont les activités sont très sensibles à l’évolution de la conjoncture mondiale;

  •  acheter les actifs considérés comme valeurs refuges en cas de détérioration de la situation économique et financière.

Le passé a montré que lorsque l’aversion au risque augmente, le dollar américain en bénéficie. Malgré les nombreux problèmes des Etats-Unis, la monnaie américaine reste la monnaie de réserve dans laquelle de nombreux investisseurs ont tendance à se réfugier lorsqu’ils ont peur. D’autant plus dans un environnement où l’avenir de la principale alternative au dollar, l’euro, est pour le moins incertain.

Dans un contexte où la confiance dans l’argent-papier est en train de se perdre, l’or reste la valeur refuge par excellence pour bon nombre d’investisseurs. Sa tendance haussière semble dès lors bien établie, nonobstant les corrections temporaires telle que celle de fin 2011. A noter aussi que les banques centrales des pays émergents restent acheteuses d’or. Si le cours de l’or se maintient, voire continue d’augmenter, les actions de sociétés aurifères sont sous-évaluées, surtout si ces sociétés continuent de faire preuve d’une discipline financière plus importante que par le passé.

Les emprunts d’Etat de pays qui réussiront à garder la confiance des marchés continueront également à profiter des problèmes économiques structurels et ce, nonobstant le niveau déjà très bas des taux longs. Le taux à 30 ans aux Etats-Unis pourrait ainsi revoir son niveau de fin 2008 au cours de 2012. Si tel était le cas, le rendement potentiel sur un emprunt à 30 ans dépasserait largement les 10 %. Il importe toutefois de souligner que la volatilité d’un tel placement risque d’être trop importante pour un investisseur obligataire traditionnel;

  •  profiter de corrections pour augmenter la pondération d’actifs dont les perspectives à moyen et long terme sont supérieures.

Il est de temps en temps utile de se rappeler que la tendance majeure qui marque l’économie du 21ème siècle est que l’Est remplacera progressivement l’Ouest comme locomotive de l’économie mondiale. Les pays émergents disposent dans l’ensemble de fondamentaux économiques supérieurs et de perspectives de croissance plus favorables. Leurs marchés boursiers devraient dès lors occuper une part grandissante dans un portefeuille diversifié. Dans la mesure où les marchés boursiers de ces pays sont généralement ‘à beta élevé’, signifiant qu’à court terme, ils ont tendance à amplifier les mouvements des marchés industrialisés - à la hausse comme à la baisse -, des opportunités d’achat attrayantes pourraient se présenter au cours de l’année.

Evolution sur 10 ans des marchés américain, européen et émergents (en euro)

Des craintes d’un ralentissement économique prononcé pourraient également peser temporairement sur les monnaies de certains pays dont les fondamentaux sont pourtant supérieurs. Outre les devises émergentes, les dollars australien et canadien ou la couronne norvégienne sont ainsi souvent perçues comme cycliques. Des corrections sur ces monnaies constitueraient des opportunités d’achat pour le long terme;

  •  acheter les actions de sociétés multinationales actives dans des secteurs défensifs.

La situation financière de ces sociétés et généralement excellente et dans un environnement de détérioration des finances publiques des Etats, les actions de ces sociétés pourraient remplacer les emprunts d’Etat de bon nombre de pays comme actifs de prédilection dans les portefeuilles d’investisseurs institutionnels. A noter ces sociétés paient souvent des dividendes attrayants et réalisent une part croissante de leurs résultats sur les pays émergents. Elles correspondent dès lors également aux thèmes mentionnés précédemment;

  •  éviter les entreprises et les pays fortement endettés.

Une dette élevée constitue un problème majeur dans un environnement marqué par une faible croissance et des tendances déflationnistes. De plus, durant l’année en cours, les besoins de refinancement des Etats et des banques sont énormes. Les entreprises du secteur privé risqueront d’en faire les frais;

  •  éviter les actifs très cycliques;
  •  éviter les valeurs bancaires.

Des stratégies d'investissement 'long/short' visant à acheter des actifs de qualité et à couvrir en partie le risque marché se justifient dans l'environnement actuel.


 

Guy Wagner

Source : http://www.guywagnerblog.com/fre/entry/l-annee-de-tous-les

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