Le Brésil connaît depuis quelques années un succès économique indéniable. En 2010, le taux de croissance du pays a dépassé les 7 % et pour l’année en cours, la plupart des analystes s’attendent à une croissance supérieure à 4 %. Le Brésil est aujourd’hui la huitième économie au monde et représente 36% du Produit Intérieur Brut de l’Amérique Latine.
Les réformes à l'origine du succès économique
Les réformes à l’origine du succès économique du Brésil ont été mises en place à la fin des années 90 sous l’administration Cardoso et consolidées par la suite sous l’administration Lula. Ces réformes tournent essentiellement autour de deux dispositifs institutionnels :
- la loi de responsabilité budgétaire. Cette loi, promulguée en 2000, a essentiellement constitutionnalisé l’ensemble des contraintes financières, budgétaires et administratives imposées depuis 1995 par le gouvernement fédéral aux Etats. Elle interdit essentiellement à l’Etat fédéral de prêter aux Etats et renforce la responsabilité judiciaire et financière des gouverneurs;
- l’adoption d’un cadre de ciblage de l’inflation pour la conduite de la politique monétaire. Ce ciblage prend la forme de la fixation d’un objectif d’inflation (actuellement 4,5 % plus ou moins 2%), la Banque centrale ayant pour mission d’en garantir la réalisation en utilisant le taux d’intérêt de base comme principal outil dans la conduite de sa politique monétaire. Après avoir connu une période d’ hyper-inflation dans les années 80 et au début des années 90, le Brésil enregistre depuis quelques années une inflation modérée.
Un important assainissement budgétaire
Ces deux dispositifs ont permis un important assainissement budgétaire. Au cours des dernières années, le Brésil a ainsi régulièrement dégagé un excédent primaire (c’est-à-dire un surplus budgétaire avant paiement des intérêts sur la dette publique). Le dégagement d’un tel excédent primaire a permis de stabiliser le ratio dette publique/PIB. Le défi pour les années à venir sera toutefois d’améliorer la qualité de cet assainissement budgétaire à travers notamment une réduction de la charge fiscale et des réformes visant à réduire la croissance des dépenses publiques obligatoires (qui représentent aujourd’hui plus de 70% des dépenses publiques). Au niveau de la lutte contre l’inflation, il convient de noter que la Banque centrale du Brésil n’est toujours pas indépendante et que la politique monétaire reste donc vulnérable à des décisions politiques.
La hausse des cours des matières premières
Aux réformes mentionnées supra est venu s’ajouter un autre facteur extrêmement favorable pour le Brésil, à savoir la hausse des cours des matières premières. Le Brésil est un des principaux exportateurs de matières premières agricoles, de métaux de base et de produits métallurgiques. La flambée du prix de ces matières a permis au Brésil d’améliorer de manière importante ses termes de l’échange (rapport entre le prix des exportations et le prix des importations). Il en a résulté une nette amélioration de la balance courante et une forte augmentation des réserves de change. Alors que par le passé, une grande partie de la dette du Brésil était libellée en USD, le pays est aujourd’hui créditeur net en USD. Sa vulnérabilité par rapport aux changements d’attitude des investisseurs étrangers a dès lors fortement diminué.
Relever un certain nombre de défis
Si le succès économique du Brésil repose donc sur des bases relativement solides, le pays fait néanmoins face à un certain nombre de défis. Parmi ceux-ci, le plus important semble être celui du développement des infrastructures. Malgré une charge fiscale élevée, les dépenses publiques en matière d’investissement sont très faibles, l’essentiel des recettes fiscales étant consacré aux dépenses courantes et aux transferts sociaux, garants de la paix sociale et souvent imposés par la Constitution. Quant à l’investissement privé, il est souvent découragé par la pénurie de crédit, les coûts d’intermédiation élevés et les incertitudes en matière de réglementation. Avoir recours au secteur privé pour développer l’infrastructure est en outre souvent difficile à réconcilier avec une idéologie visant à maintenir le contrôle de l’Etat. La coupe du monde de football en 2014 et les Jeux Olympiques de 2016 devraient toutefois provoquer une augmentation de la part de l’investissement dans le PIB du Brésil, cette part étant aujourd’hui faible comparée à ce qui se passe dans les autres pays émergents et notamment en Chine. En contrepartie, la part de la consommation privée est nettement plus élevée au Brésil, qui ressemble à cet égard plus à un pays industrialisé
Un potentiel de croissance limité
La pénurie en matière d’infrastructures et le manque de main-d’œuvre qualifiée limitent le potentiel de croissance non-inflationniste du pays. D’autant plus qu’étant donné la part élevée de la consommation privée et publique dans le Produit Intérieur Brut, le Brésil est en situation chronique de demande excédentaire. Avec un taux d’utilisation des capacités de production proche de son plus-haut et un taux de chômage autour de 6 % (ce qui, étant donné l’importance des activités non-déclarées, correspond pratiquement à une situation de plein emploi), le pays n’est pas loin de la surchauffe économique. Le taux d’inflation pourrait ainsi dépasser les 6,5 %, bande supérieure de la fourchette établie par la banque centrale, au cours de 2011. Le manque de main-d’œuvre qualifiée constitue un problème d’autant plus important à l’heure actuelle où le pays aurait besoin de gains de productivité pour faire face à l’appréciation du real.
L'appréciation du real
La force de la monnaie brésilienne s’explique par les entrées massives de capitaux sous forme d’investissements directs et financiers, ces derniers étant en partie attirés par les taux d’intérêt très élevés, en termes nominaux aussi bien que réels (ajustés pour l’inflation). Il en résulte que les autorités essaient de lutter contre un real trop fort en imposant notamment des taxes sur l’achat d’actions et d’obligations domestiques (respectivement 2 % et 6 %).
Cours de change du real contre l'euro
L'évolution de la bourse brésilienne et des taux directeurs
Après avoir fortement progressé entre 2004 et 2007, la bourse brésilienne avait enregistré un recul d’environ 50% entre mai et novembre 2008. Elle a ensuite fortement rebondi et avait quasiment retrouvé son niveau d’avant la crise en mars de l’année dernière. Depuis lors, l’indice a perdu quelque 10%. 3 facteurs avaient notamment pesé sur le marché en 2010 : les élections présidentielles, l’augmentation de capital de Petrobras (la plus grande augmentation de capital jamais réalisée) et le resserrement monétaire de la banque centrale (BCB). Si les deux premiers facteurs ont disparu, le troisième reste d’actualité ainsi qu’en témoigne la décision récente de la BCB de relever une nouvelle fois son taux directeur. Depuis avril 2010, ce taux est ainsi passé de 8,75% à 12%. Avec des taux réels proches de 6% offerts par les placements à revenu fixe, les investisseurs institutionnels locaux n’ont que peu de raisons d’investir en actions.
Evolution sur 5 ans de l'indice Bovespa
Il reste cependant qu’avec un PER (rapport cours/bénéfice) de 11 (sur base des bénéfices attendus pour 2011) et à 1,7 fois les fonds propres, la valorisation du marché brésilien est aujourd’hui relativement attrayante, en absolu comme en relatif, c’est-à-dire par rapports aux autres pays émergents. Comme pour la plupart des marchés émergents, les opportunités domestiques ne sont pas vraiment reflétées dans les indices boursiers du Brésil, ces derniers étant dominés par des valeurs comme Petrobras ou Vale. Dans notre fonds BL-Emerging Markets nous sommes investis dans quatre entreprises brésiliennes : Lojas Renner (distribution) , M Dias Branco (alimentation), Natura Cosmeticos (produits de beauté) et Weg (industrie).
Guy Wagner
Source : http://www.guywagnerblog.com/fre/entry/impressions-du-br%C3%A9sil