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Michel Delobel

Michel Delobel

Gestionnaire de portefeuille sous mandat via une société de gestion agréée, trader pour compte propre et formateur au trading et à l'investissement en bourse, je suis aussi fondateur du site Fenêtre sur Cours et de la société ACGest, via laquelle j'accompagne également mes clients dans la constitution et le développement de leur patrimoine, la préparation de leur retraite ou encore l'optimisation de leur fiscalité.

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Ventes à découvert et shorts squeeze : les effets pervers de la transparence

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« Le règlement européen 236/2012 sur les ventes à découvert (short selling) est entré en application le 1er novembre 2012. Ce texte a instauré un nouveau cadre harmonisé au niveau européen et plus de transparence au régime applicable aux positions courtes sur actions et sur dettes souveraines. »

Comme le dit ce petit texte, extrait du site de l’AMF, cette obligation de déclaration des positions de vente à découvert de la part de toute personne physique ou morale détentrice d’une position courte nette égale ou supérieure à 0.2% du capital d’une société avait pour objectif une plus grande transparence, obligeant en quelque sorte les spéculateurs baissiers à sortir du bois et assumer leurs positions.

Les effets pervers de la transparence

Soit, sur le principe, cela part d’une bonne intention. Mais comme souvent, ce type de décision induit des effets pervers. Explications : imaginons que vous êtes un investisseur lambda, un gérant de portefeuille ou un gérant de fond, et que vous êtes actionnaire d’une société ou envisagez de le devenir. Que se passera-t-il si vous apprenez qu’un ou plusieurs investisseurs ou fonds sont vendeurs à découvert sur ce titre ? Probablement allez-vous réfléchir à deux fois avant d’acheter si vous envisagiez de le faire, ou peut être allez-vous vous alléger votre position si vous êtes actionnaire. En tout cas, il y a peu de chances pour que cela renforce votre volonté d’acheter, au moins dans un premier temps. En conséquence de quoi cette déclaration de vente à découvert à toutes les chances de mettre la pression sur le titre en question… accentuant potentiellement son repli, suscitant peut-être d’autres intérêts vendeurs, d’autres déclarations de vente à découvert, et ainsi de suite.

Un cercle vicieux

Un joli cercle vicieux que certains fonds d’investissement ont visiblement bien compris. Alors bien sûr, cela ne fonctionne pas à tous les coups, et je ne serais pas étonné qu’on assiste à quelques faillites retentissantes dans les prochains mois ou prochaines années, de la part de fonds qui se seraient aventurés sur un terrain qui reste malgré tout dangereux. Mais quand cela fonctionne, les fonds en question peuvent aussi s’en mettre plein les poches, sur le dos des pauvres investisseurs qui auront pris peur, vendu dans la panique, ou qui subiront tout simplement via leurs fonds d’investissement les effets de ventes contraintes comme évoqué dans mon dernier article.

Pour maximiser leurs chances de réussite, ces fonds « vautours » portent bien sûr leur dévolu sur des sociétés qui sont souvent en position de faiblesse. C’est en effet plus facile de faire plonger un titre lorsque la société est dans une passe difficile que lorsque tout va bien, d’autant que le clou va pouvoir être enfoncé par quelques cabinets d’analystes, éventuellement de mèche, ou se contentant de suivre la foule.

Toujours est-il que ces prises de positions vendeuses se sont multipliées depuis quelques mois à quelques années. Et à un point tel qu’elles sont capables de provoquer des replis qu’un investisseur normalement constitué n’aurait jamais imaginé, qu’il analyse un titre d’un point de vue fondamental ou technique,.

C’est ainsi que Vallourec a vu son cours divisé par plus de 3 entre début juin et fin septembre, au cours d’un repli dont la régularité et le caractère implacable sont aussi impressionnants que suspects.

VKVAD

On pourrait aussi citer Arcelor Mittal, qui a vu son cours divisé par 2 entre début août et fin septembre, Eramet, dont le cours a été divisé par 2.3 entre fin juin et fin septembre, ou encore Casino Guichard, qui a plongé de près de 40% en ligne droite entre début août et fin septembre, jusqu’à perdre la moitié de sa valeur par rapport à ses cours de la mi-avril !

Mais gare au « short squeeze »

Il y a toutefois là aussi pour les fonds un revers à la médaille : en effet, c’est bien beau de vendre à découvert des quantités parfois colossales de titres (Vallourec s’est ainsi retrouvée avec près de 20% de son capital vendu à découvert !). Mais il faudra bien à un moment donné se racheter. Et dans ces cas-là, dans le meilleur des cas (pour les vendeurs imprudents), cela nous donne un violent rebond comme celui auquel nous avons assisté ces derniers jours (+27% sur Casino en moins de 2 semaines, +38% sur Eramet, +39% sur Arcelor, et +58% sur Vallourec !). Et dans le « pire » des cas, ce nous donne des shorts squeezes ou « corners », capables de mettre au tapis en quelques heures plusieurs fonds d’investissement. C’est ce qu’il s’était passé en octobre 2008 sur le titre Volskwagen (du temps des bonnes nouvelles…), avec un cours de bourse multiplié par 4 en quelques heures !

Si je ne saurais que trop vous recommander la plus grande prudence si vous gérez vous-même votre portefeuille (et tentez des ventes à découvert ou utilisez le levier), ces phénomènes « nouveaux » méritent en tout cas qu’on s’y intéresse de près et qu’on en tienne compte dans notre gestion de tous les jours, à la fois pour éviter de se faire embarquer sur des pentes parfois glissantes, mais aussi pour tenter de profiter des rebonds lorsqu’ils se produisent. Et quoi de mieux pour cela qu’une gestion discrétionnaire et/ou gestion en titres vifs ?

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