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Michel Delobel

Michel Delobel

Gestionnaire de portefeuille sous mandat via une société de gestion agréée, trader pour compte propre et formateur au trading et à l'investissement en bourse, je suis aussi fondateur du site Fenêtre sur Cours et de la société ACGest, via laquelle j'accompagne également mes clients dans la constitution et le développement de leur patrimoine, la préparation de leur retraite ou encore l'optimisation de leur fiscalité.

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Comment évaluer la rentabilité d’un investissement immobilier ?

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Gérant de portefeuille sous mandat, je me suis heurté à mes débuts à un certain nombre de préjugés sur la bourse et les marchés financiers. Il faut dire que les français sont bien plus tournés vers l’immobilier. La « pierre » comme on dit, qui reste dans l’inconscient collectif comme un investissement sûr et profitable.

C’est une des raisons qui m’a amené à me diversifier (la principale étant d’être à même d’offrir le choix à mes clients et être en mesure de leur proposer la solution la plus adaptée à leur situation), et je suis aujourd’hui à même de proposer à mes clients aussi bien de gérer leur portefeuille boursier que de les accompagner dans la réalisation d’un investissement immobilier et de façon générale dans la constitution d’un patrimoine, la préparation de leur retraite ou l’optimisation de leur fiscalité.

Mais une chose n’a pas changé : l’appétit des français pour l’investissement immobilier, et cela d’autant plus que les 15 à 20 dernières années ont vu les prix de l’immobilier s’envoler, tandis que la bourse se montrait plus hésitante. Mais investir dans la pierre est-il aujourd’hui toujours intéressant ?

S’il est difficile de répondre de façon générale à une telle question, car cela dépend bien sûr de nombreux paramètres, comme le prix d'achat, l’emplacement, le marché locatif, etc…, il existe malgré tout une réalité liée à l’évolution des prix de ces dernières années. Mais pour savoir si investir dans l’immobilier est toujours intéressant, la première des choses est déjà être capable de bien évaluer la rentabilité d’un investissement immobilier.

C’est ce que je vous propose aujourd’hui. L’occasion aussi de revenir sur des erreurs ou approximations souvent faites par les clients que je rencontre, et qui les amènent à surestimer la rentabilité d’un investissement immobilier.

Procéder par étapes

L’erreur la plus courante est celle qui consiste à s’arrêter à la rentabilité brute. « Mon appartement vaut 100.000 euros. Je touche 5000 euros de loyers annuels. Il me rapporte donc 5% ». Cette « erreur » est d’autant plus facile à commettre que nous n’avez nulle part un compteur qui vous dit combien vous avez gagné ou perdu. Sur votre portefeuille boursier ou votre assurance vie, il est très facile de voir si votre compte progresse et de combien. Mais comment évaluer la rentabilité réelle d’un investissement immobilier ? Combien de clients avec qui j’ai fait le calcul ont été stupéfaits de voir qu’ils ne gagnaient quasiment rien, voire même perdaient parfois de l’argent ?

Pour évaluer la rentabilité d’un investissement immobilier, la première des choses à faire est d’en évaluer la valeur. Prendre en compte le prix auquel vous l’avez acheté (attention à ne pas oublier d’ailleurs les frais de notaire et/ou d’agence) n’a qu’un intérêt limité (si ce n’est pour prendre en compte les frais liés à l’acquisition). Ce qui importe, c’est de savoir ce que vaut aujourd’hui votre bien immobilier, pour pouvoir notamment faire la comparaison avec d’autres solutions d’investissement.

La deuxième chose à faire est d’évaluer combien vous percevez chaque année, c’est-à-dire combien de loyers vous touchez. Attention toutefois à ne pas oublier de prendre en compte d’éventuelles périodes de vacance locative lors d’un changement de locataire. Même si cela n’arrive qu’une fois tous les 3 ou 5 ans, il est important d’en tenir compte. Et encore faut-il que vos locataires vous payent réellement…

Enfin vient la troisième étape, qui est la plus compliquée, et source de nouvelles erreurs : celle de l’évaluation des charges et coûts divers liés à votre bien immobilier. Si l’évaluation des charges de copropriété est relativement simple, tout comme l’évaluation des éventuels intérêts d’emprunt si vous avez acheté votre bien à crédit, attention à ne pas oublier les autres charges et frais, comme la taxe foncière, les frais de remise en état de temps en temps, ou les frais éventuels de gestion. Mais lorsque ce calcul est fait, on est loin d’avoir terminé.

Les frais à ne pas oublier

Car même si cela n’arrive qu’une fois tous les 15 ou 20 ans, il est primordial de tenir compte des frais liés à un ravalement, un changement de toiture, d’ascenseur ou encore de rénovation. 10.000 euros de frais sont très vite arrivés. Sur 20 ans, pour reprendre l’exemple pris plus haut, cela représente 500 euros par an, soit 10% des loyers perçus. Et il arrive fréquemment que ces frais arrivent à intervalle rapproché, pouvant même vous placer dans une situation délicate d’un point de vue trésorerie. C’est pour cela que je conseille en général à mes clients de les « provisionner », c’est-à-dire de mettre de côté chaque mois une somme qui sera destinée à ces travaux le jour où ils arriveront.

Vu comme cela déjà, sans parler du temps demandé par la gestion (et les soucis qui y sont liés), un investissement dans l’immobilier apparaît déjà moins sexy. Loin d’ailleurs de moi l’idée de vouloir vous en dissuader, car cela peut malgré tout rester intéressant (cela fera l’objet d’un prochain article), mais il me semble important de bien évaluer dès le départ là où on met les pieds. Car ce n’est pas fini.

Lorsqu’on a évalué l’ensemble des charges (réelles ou provisionnées) liés à notre investissement, il reste encore les impôts… et la CSG/CRDS. Il suffit que vous soyez dans la tranche à 30%, et ce sont 45.5% (avec les 15.5% de CSG/CRDS) qui vous sont prélevés, divisant donc par près de 2 la rentabilité (ou ce qu’il en reste) de votre investissement.

L’exemple d’un studio à Paris

Avec la forte hausse des prix de l’immobilier de ces dernières années (même si ça s’est clairement calmé depuis quelques années, avec même désormais des baisses de prix depuis 1 ou 2 ans), et les loyers qui n’ont pas suivi, la rentabilité brute (et par conséquent la rentabilité nette) a énormément diminué. A tel point que lorsqu’on tient compte de la totalité des charges, on arrive souvent à des rentabilités inférieures à 2%.

Pour vous aider à vous faire une idée plus précise, et mettre quelque part en application les étapes vues précédemment, prenons l’exemple d’un studio à Paris, qui reste parmi les valeurs sûres et celles qui offrent une des rentabilités faciale les plus élevées (rapport entre loyer au m² et prix d’achat au m²).

Le prix moyen au m² à Paris (toutes surfaces confondues) selon les dernières estimations que j’ai pu trouver se situe autour de 7810 euros, pour un loyer moyen de 34.1 € du m². L’objectif étant de montrer que la rentabilité nette est loin d’être aussi attractive qu’on pourrait le penser, et pour qu’on ne puisse pas m’accuser de vouloir minimiser la rentabilité, prenons une hypothèse plutôt basse pour le prix d’achat, avec un prix au m² de 8000 € (alors que le prix au m² d’un studio est en général bien plus élevé que pour un appartement plus grand), et une hypothèse plutôt haute avec un loyer de 40 € du m².

Pour un studio de 20m², cela nous donne un prix d’achat de 160.000 € et un loyer de 800 €. Pour information, j’ai trouvé ce matin sur le bon coin l’exemple de deux studios, respectivement de 17m² et 20m², à des prix respectifs de 150k et 188k, pour des loyers potentiels de 700 à 750 €. Mon estimation est donc sans doute un peu au-dessus de la réalité. Mais peu importe, compte tenu du résultat auquel je veux vous emmener.

En brut, cela nous donne donc des revenus de (800 * 12)/160.000 = 6%. Pas mal si on compare cela au rendement des fonds euros. Mais comme vu plus haut, ce serait une grossière erreur. Car il faut tenir compte de tout le reste, charges et impôts notamment.

Pour ne pas trop compliquer notre simulation, et pour se placer dans le cas le plus favorable, considérons que vous avez le cash disponible pour effectuer votre achat, et que vous ne recourrez donc pas à un emprunt (il faudrait sinon ajouter les intérêts d’emprunt, qui, même s’ils viennent en déduction des loyers, viennent diminuer la rentabilité finale). Considérons également que vous ne passez pas par une agence pour votre achat ou pour la location. Vous n’aurez donc pas de frais d’agence, ni à l’achat, ni lors de la location. Vous aurez par contre toujours les frais de notaire, qui se montent à 8% de votre achat, soit donc 12800 euros, et qui viennent s’ajouter à votre prix d’achat.

De 6%, on passe donc déjà à 5.55% (9600/172800).

Pour les charges, je me suis basé sur des prix moyens constatés ou obtenus auprès de professionnels de l’immobilier parisien. Voici ce que cela donne, en montant annualisé :

Charges de copropriété (23€/m²) = 460 €  (pour info, j’ai trouvé plusieurs annonces avec des charges annuelles de 1000 euros ou plus)

Taxe foncière = 300 €

Vacance locative (1 mois tous les 3 ans) = 267 €

Remise en état du studio annualisée (1 fois tous les 3 ans) = 150 €

Provisions pour gros travaux – ravalement, ascenseur, toiture (9% de la valeur locative) = 864 €

Qu’est devenue notre rentabilité à ce niveau ?

Revenus bruts = 800 * 12 = 9600 €

Charges = 460 + 300 + 267 + 150 + 864 = 2041 €

Revenus nets de charges = 7559 €, soit une rentabilité de 4.37%

Une rentabilité qui peut vite chuter si vous prenez en compte des frais d’agence, des intérêts d’emprunt, une vacance locative un peu plus élevée (sur un studio, la rotation peut être élevée), ou des charges de copropriété plus importantes… d’autant rappelez-vous que j’ai pris au départ des hypothèses plutôt favorables pour le prix à l’achat et le loyer. Ainsi, avec un prix d’achat de 200.000 euros frais de notaires inclus (ce qui est sans doute plus près de la réalité du marché), la rentabilité à ce stade-là de nos calculs tombe à 3.78%.

Toujours est-il que notre calcul n’est pas encore terminé. Car il faut tenir compte des impôts. Supposons que vous êtes imposé dans la tranche des 30%, ce qui me semble là encore plutôt une hypothèse basse, considérant que vous faites votre achat cash (il y a en effet des chances que vous soyez plutôt dans la tranche à 41%). Il va alors falloir retirer des revenus ci-dessus 45.5% (30% + 15.5% de CSG/CRDS).

Les revenus nets d’impôts tombent alors à 7559 – 0.455*7559 = 4120 €, soit une rentabilité nette de 2.38%...

Bilan

Pas de quoi faire rêver, vous en conviendrez, d’autant que compte tenu des hypothèses prises, il s’agit a priori plutôt d’une rentabilité maximale…

Heureusement, il existe encore un certain nombre de niches et cas particuliers, qui font que j’arrive encore à proposer des investissements immobiliers intéressants lorsque mes clients me le demandent. J’y reviendrai lors de prochains articles.

Mais attention donc à bien savoir où vous mettez les pieds, et à ne pas vous laisser embobiner par un vendeur de rêve, comme il en existe malheureusement beaucoup, qui vous fera croire que votre investissement est hyper rentable, tout simplement car il aura omis un certain nombre de coûts.

Et pour ceux qui auraient envie de me rétorquer : « ce n’est pas grave si ma rentabilité n’est pas terrible, car de toute façon, je gagnerai aussi au moment de la revente », je répondrais : « Ah bon ? En êtes-vous certain ? Si l’immobilier a connu une hausse fulgurante depuis la fin des années 90, cela n’a pas toujours été le cas. On a tendance à moins s’en souvenir, car c’est plus lointain, mais comme en bourse, l’immobilier suit des cycles, et l’immobilier ne fait pas que monter. Il y a eu par le passé des phases de baisse de 30 voire 40%. Je vous invite d’ailleurs à jeter un œil au graphique ci-dessous, tiré du dernier rapport du CGEDD. Seulement on n’a pas, comme pour le CAC 40, un petit encart en bas à droite de nos écrans de télé pour nous dire si les prix montent ou baissent au jour le jour…  »

MD1


Avant donc d’effectuer un investissement immobilier, regardez donc déjà si votre investissement est rentable à prix de l’immobilier constant. Si les prix montent, tant mieux, votre investissement n’en sera que plus rentable. Et si les prix baissent, vous pourrez toujours décider de conserver votre bien dont la rentabilité intrinsèque restera intéressante.

Je me tiens en tout cas à votre disposition pour échanger sur le sujet, ou discuter en privé de votre situation personnelle.
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