Une idée très répandue veut que les récessions soient le meilleur moment pour faire des acquisitions. Selon cette théorie, les sociétés les plus solides financièrement peuvent profiter d’une période économique difficile pour gober des concurrents plus faibles à des prix d’aubaine. Comment expliquer alors que 2009 fut loin d’être une année faste en matière de fusions et d’acquisitions ? À titre d’exemple, Alimentation Couche-Tard, une société ayant toujours misé sur les acquisitions pour croître, a connu l’une des années les plus tranquilles de son histoire à ce chapitre en 2009…
Il faut bien admettre qu’il y a une grande part de mythe dans cette idée que l’on peut acheter des entreprises privées à bas prix en temps de récession (pour les sociétés publiques, on peut toujours tenter une offre d’achat hostile…). Pour comprendre le phénomène, il faut se placer du point de vue du vendeur. Celui-ci sait très bien qu’il n’obtiendra pas un bon prix au creux du cycle économique et préférera probablement attendre le retour de jours meilleurs pour vendre. Si l’on tente de l’acheter, son prix de vente sera en fonction d’une année dite “normale” et ne sera pas basé sur les mauvais résultats de 2009. Il n’est donc pas surprenant qu’un acquéreur discipliné comme Couche-Tard ne trouve pas beaucoup d’occasions d’achat.
En fait, j’ai l’impression que certaines aubaines n’ont pas nécessairement de lien avec le cycle économique. Elles surviennent parfois lorsqu’une grande société décide de se départir d’un secteur d’activité qui ne cadre plus avec sa stratégie. À ce moment, la haute direction est pressée de se délester de ces actifs “non stratégiques” afin de pouvoir déclarer que le “recentrage sur sa mission première” est un succès. Il est alors possible pour l’acheteur opportuniste d’obtenir un bon prix. C’est le genre de coup fumant qu’a réussi Couche-Tard en 2002 en achetant la chaîne de dépanneurs Circle-K de la pétrolière ConocoPhillips. C’est aussi ce genre de délestage qui a permis à l’homme d’affaires Chadwick Wasilenkoff de créer la société Fortresse Paper.
Bref, les aubaines ne sont pas toujours présentes au moment ou l’on pourrait s’y attendre. La clé pour un acheteur est probablement de demeurer patient, discipliné et d’attendre le bon lancer qui lui permettra de frapper un coup de circuit !
Philippe RANCOURT
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