- Définition formelle
Le marché est le lieu réel (services et marchandises) ou virtuel (système électronique de traitement des données du type Bourse des valeurs) de rencontre entre une offre et une demande indépendantes, qui aboutit à la fixation d’un prix d’équilibre, pour une quantité échangée donnée.
Le marché suppose qu’une offre autonome est confrontée à une demande autonome, que le prix qui en résulte est accepté par les agents économiques, laissé libre de varier quand offre et demande subissent des chocs quantitatifs qui entraînent de la volatilité sur les prix; mais le marché n’a pas toujours existé, il a fallu l’inventer puis l’institutionnaliser et l’organiser : les marchés financiers n’ont pas échappé à cette construction économique et sociale de la réalité.
- Un concept d’abord théorique
La naissance de l'économie politique et ses développements ultérieurs en tant que discipline autonome, sont étroitement marqués par le projet libéral ; justifier le laisser-passer et le laisser-faire (Say J.-B.) en montrant la supériorité du système des marchés sur toute autre forme d'organisation de la production et des échanges, en particulier le mode d’organisation collectif qui remet en cause l’appropriation privée des moyens de production et la libre fixation des prix, remplacés par la collectivisation du capital productif et l’administration autoritaire des prix.
Mais, comment un fonctionnement vertueux du système économique pourrait résulter de l'action décentralisée d'individus isolés, libres et égaux, guidés par leur seul intérêt personnel et égoïste ? ADAM Smith, dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) a recours à la métaphore célèbre de « la main invisible qui guide chacun », sans qu'il en ait conscience, vers le meilleur état possible pour la société : l’agrégation des actions individuelles concoure, au bout du compte, à réaliser l’intérêt collectif grâce à une sorte de providence économique naturelle bienveillante [ ?]
Depuis lors, les économistes libéraux, classiques puis néoclassiques, s'attachent à forger un concept théorique pour aller au-delà de cette intuition un peu simpliste : puisque la socialisation des individus s'accomplit à l'occasion de l'échange, c'est donc sur le marché, lieu de l'échange, que sont conciliés leurs décisions contradictoires et leurs intérêts antagonistes.
L'économie de marché pure correspond à cet idéal théorique où le marché, laissé à son libre fonctionnement, assure les productions, les distributions/redistributions et les répartitions/allocations les meilleures possibles, de façon naturelle et spontanée, à condition de ne pas l’entraver dans son fonctionnement par une intervention excessive de l’Etat, des règlementations etc. ; dans la réalité, même si les économies de marché ne connaissent pas de situations purement concurrentielles et se caractérisent par la présence d'oligopoles ou de monopoles, le modèle théorique continu d’exister et de fonctionner, comme cas d’école idéal vers lequel tendre ; certains objecteront même, que la concurrence pure et parfaite fait partie, à l’instar du marché, du mythe fondateur du capitalisme libéral à l’origine de la mondialisation et de la globalisation financière !
- La systématisation de l’économie de marché et son institutionnalisation
En faisant de l'économie la science de la rareté, Léon WALRAS (Eléments d'économie politique pure, 1874-1877, Etudes d'économie sociale, 1896, Etudes d'économie politique appliquée. Théorie de la production de la richesse sociale, 1898), donne au marché la place centrale que les théoriciens néoclassiques lui attribuent depuis dans l'explication des prix et de la valeur ; il explicite la loi de l'offre et de la demande sur un marché : on parvient à l'équilibre en accroissant le prix quand la demande excède l'offre et vice versa.
Walras énonce ainsi le problème de l'échange ou de l'équilibre général sur tous les marchés : il s'agit de déterminer les conditions d'établissement d'un système de prix tel que, d'une part, la satisfaction (on dit aussi l'utilité) de chaque participant à l'échange soit maximale (ce qui répond au dogme libéral que chacun poursuit son intérêt personnel) et tel que, d'autre part, il n'y ait ni excédent ni pénurie sur aucun marché, les quantités offertes de chaque marchandise étant égales aux quantités demandées.
Vincent Baron
Extrait de l'ouvrage :