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Bourse et pensée orientale

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Pour s’améliorer en bourse, il n’y a pas que le chartrisme, apprendre de nouvelles manières de raisonner, ça aide aussi

Nous sommes le 12 Novembre 2007. Depuis 6 mois, c'est-à-dire depuis Mi juin, les bourses mondiales font du sur-place.

En fait, elles ont repris tout ce qu’elles avaient donné fut un temps, soit approximativement 10%.

Ces chipies reprirent même au paroxysme de leur folie baissière environ 20% à l’ensemble du marché des actions.

Le CAC 40 affiche actuellement une hausse Lilliputienne de 0,5% sur les cours de début d’année, et  certains aiment à comparer ce chiffre microbien aux +45% accumulées durant les trois années qui viennent de s’écouler, voire aux 85% accumulés sur 5 ans.

Un krach, qui restera vraisemblablement dans les annales de la bourse vient de frapper les marchés financiers internationaux : la crise dite « des subprimes ».

A l’heure où je rédige ce texte, personne ne sait quand la chute sera enrayée.

Nombreux sont les ayatolahs qui pensent qu’elle n’aura pas d’impact sur les économies mondiales, et l’on nous abreuve de théories, comme celles du découplage, qui tendent à prouver que les Etats Unis peuvent se vautrer dans le bouzin, et que le reste du monde pourra continuer de prospérer.

Moi, en temps qu’humble trader, je dis … je ne sais pas … je n’ai pas d’avis … on verra !

Cependant, de nombreux facteurs techniques défavorables inquiètent au plus haut point les économistes, ainsi que les gouvernements. Ceux-ci tendent à miner le moral des investisseurs tout en effrayant les traders à court terme.

La situation géopolitique est tendue entre de nombreux pays.

La croissance aux Etats-Unis s’essouffle, et chacun sait que lorsque Wall Street est grippé, le monde entier de la finance est à l’agonie.

Les bénéfices des entreprises quoique toujours copieux tendent à ralentir.

Surtout, les profits warning qui devenaient aussi rares que la polyomélithe, font tout comme cette dernière, un retour en force remarqué au sein des mondes civilisés.

Chacun peut palper le déraillement en cours de l’économie mondiale, encore faut-il vouloir être lucide.

Les conditions se dégradent rapidement au niveau macro-économique. Des failles apparaissent de toutes parts. Des lézardes fendent l’édifice !

Malgré tout, au sein du monde Occidental tétanisé, quelques places résistent vaillamment, mais jusqu’à quand ?

Par exemple, la bourse Allemande gagne encore plus de 15%, la bourse Espagnole affiche toujours une dizaine de points de gains.

Si l’on scrute attentivement la liste des performances des bourses influentes dans le monde, l’une d’entre-elles retient l’attention, au point que l’on se demande s’il n’y a pas une erreur d’impression dans le chiffre que l’on lit.

600% de hausse en cinq ans. C’est trop beau pour être vrai ! Tous les investisseurs vont finir par se délocaliser là bas.

Après l’industrie … au tour de la finance de s’out-sourcer.

Encore 40% de hausse pour cet exercice, et cela, malgré un mouvement de panique colossal en début d’année, et en dépit de la crise des subprimes : je vous présente la bourse de Shanghai.

Maman, je veux déménager là bas !

Je lis déjà les Cassandres qui catastrophent en appelant à la bulle ultime.

Je peux ouïr les Messieurs «je ne sais rien mais je dirai tout»   qui chuinent en observant cette volatilité monstrueuse qui est l’équivalent de l’ «ultimate wave» pour les surfers.

De fait, Shanghai est le nouveau spot à la mode pour les éphèbes musclés de la finance.

Tous vibrent à conscientiser la vague magique qui permet la glisse rêvée d’une vie …

Tous pensent à  cette onde d’une taille hors du commun, qui finira néanmoins comme tous les autres rouleaux de mer, c’est à dire en petite écume sur les plages de sable.

De fait, nombreux sont ceux qui crient à la surchauffe du système Chinois.

Pour ma part, je pense qu’une correction forte est inévitable, mais que la santé remarquable de Shanghai ne sera pas remise en cause sur le long terme.

Car, je crois que le phénomène exceptionnel que nous vivons n’est pas uniquement le sursaut désordonné d’un pays émergeant qui goutte avec délectation aux premières ivresses  du capitalisme.

Cette performance pourrait bien marquer les débuts de l’hégémonie d’un mode de raisonnement qui nous est étranger, incompréhensible, et dont nous percevons encore mal la puissance : la pensée à la Chinoise !

Une étude publiée en 2001, par des psychologues de l’Université du Michigan aux Etats Unis, prouve que les Asiatiques et les Occidentaux ne distinguent pas les mêmes caractéristiques de ce qu’ils observent.

La perception Occidentale  est centrée sur l’observation des détails, tandis que la perception orientale est  holistique , c'est-à-dire globale. Les Asiatiques favorisent la synthèse à l’analyse.

Bien entendu, les Occidentaux, tout comme les Orientaux sont capables d’un mode de pensée analytique, et d’un mode de pensée  holistique.

Mais, ils n’ont pas le même mode par défaut, et ne s’en servent pas spontanément avec la même probabilité.

Une autre équipe de psychologue de l’Université de Berkeley aux Etats-Unis, montre que les Occidentaux font preuve d’une grande intolérance aux résultats contradictoires.

 Confronté à la contradiction, ils sont mal à l’aise et tentent à tout prix de la résoudre.

Pour eux, une chose et son contraire ne peuvent être vérifiés en même temps.

Au contraire, les Asiatiques s’accommodent forts bien des hiatus. Pire, ils seraient  enclins à rechercher le paradoxe.

Les Chinois tendent à penser que la vérité est un point médian entre deux opposés … le symbole culturel du yin et du yang, le fameux disque obtenu par une moitié claire et une moitié sombre qui se conjuguent en un beau début de spirale illustre bien ce principe.

On sait aussi de longue date, que les Chinois favorisent toujours la résolution pratique des problèmes, à la définition des concepts. 

Ainsi, la poudre, la boussole, ou la brouette,  toutes trois inventées en Chine, ne sont pas nées de l’élaboration de modèles mathématiques et de leur vérification, mais simplement d’essais intuitifs qui visaient la résolution pratique des problèmes de la société.

En chine, la fluidité ainsi que la pureté du raisonnement l’emportent toujours la solidité des arguments.

Il en ressort un mode de pensée très concret, particulièrement poétique dont les Koâns Zen sont l’incarnation.

Les koâns sont de petites énigmes, dont la résolution est censée ouvrir des fenêtres sur de nouvelles perspectives concernant notre manière de voir le monde.

C’est aux Koâns, que les maîtres de philosophie pensent, lorsqu’on les voit assis en tailleur, méditant sous la neige une énigme improbable du genre… « Quel est le son produit par l’applaudissement d’une seule main ? ».

Le travail des sinologues offre désormais des analyses accessibles au public non spécialiste de la culture Chinoise.

Il en ressort que des individus comme Confucius ou Zhuangzi méritent d'être étudiés, et qu’ils apportent des perspectives originales, inconnues de la philosophie occidentale.

Ces travaux mettent en exergue le fait  que les penseurs orientaux ont très souvent eu une postérité et une influence sur les êtres humains, n’ayant rien à envier à celles d'Aristote ou de Socrate.

Notre cerveau est le résultat de plusieurs millions d’années d’évolution ; une durée vis-à-vis de laquelle le développement des cultures s’apparente à un battement de paupière.

Nos modes de pensée ne sont donc pas le fruit de cerveaux formés différemment, mais simplement celui de structures ayant évoluées sous des contraintes locales divergentes.

Le cerveau d’un occidental est rigoureusement le même que celui d’un Asiatique.

Les différences de pensée ne sont pas déterminées par des critères génétiques, mais ils s’expriment chacun à leur manière sous le joug de cultures différentes.

Le matériel cérébral est étonnant de plasticité.

Ainsi, il est possible pour un Occidental de réfléchir à la manière d’un Oriental en s’entraînant afin de flexibiliser le mode de travail du cerveau.

Si d’aventure l’hypothèse que j’émets est vérifiée. A savoir que les Asiatiques disposent d’un logiciel peut être plus performant que le notre en ce qui concerne la manière d’appréhender la bourse.

Alors, il va nous falloir nous adapter à leur culture et penser comme eux pour rivaliser.

C’est là une bien grande tâche pour nous Occidentaux enrubannés dans nos certitudes de puissance et de supériorité.

Cependant, il faut faire vite : le monde de l’argent est fluide comme la lumière, et se propage à la même vitesse … notre temps est compté.

Si l’adaptation ne se fait pas suffisamment rapidement, cela fera très mal, nous vacillerons dans me monde des ombres de l’économie finacière.

Qu'est-ce qu'ils vont nous mettre comme coups de pieds au cul ! L'ennui, c'est qu'ils ont infiniment plus de pieds que nous n’avons de culs …

Un proverbe Chinois dit : « Ne craignez pas d'être lent, craignez seulement d'être à l'arrêt ».

Il faut donc s’y mettre, pour ne pas tomber à la renverse à la manière de la bicyclette qui se couche naturellement sur le côté quand son inertie ne lui suffit plus à assurer, ni sa trajectoire, ni son équilibre.

Malgré tous nos efforts, la tâche sera rude car nos amis du bout du monde nous attendent de pied ferme : « Si la Chine ouvre ses portes, des mouches entreront forcément …» dixit Deng Xiaoping.

Ceci est un avertissement, rien de plus.

Si vous souhaitez vous en écarter, gardez au moins ce petit morceau de Chine qui vous servira souvent : il existe un koân qui ne dit rien … prenez le, et méditez le quand vous n’aurez rien à faire !

 

Christophe Gautheron

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