En bourse, vous ne ferez pas ce que vous avez décidé … ainsi fonctionnent nos cerveaux
Dimanche après-midi, lors de ma ballade digestive en forêt, un chien surgit subitement du bosquet et me fit face.
Il me fixa en grognant. Saisi par la peur, quasiment par réflexe, je lui assénais un coup de bâton, et je pris la fuite en courant … tout comme lui … l’un et l’autre filant comme des dératés en des directions opposées.
Ceci est une illustration du fait que nos émotions, ici, la surprise et la peur, se traduisent par des actes, dans ce cas, l’auto défense, puis la fuite.
Donc, nous savons tous qu’émotion implique action.
Ce qui est surprenant, c’est que la réciproque est aussi vraie : en effet, des actions peuvent générer des émotions.
Un peu comme si l’action musculaire avait la faculté de susciter des sentiments par rétroaction.
Ce phénomène, qui n’est étudié en psychologie que depuis la fin des années 80, fait partie des expériences les plus surprenantes effectuées en psychologie.
Aujourd’hui, des études très complètes existent par exemple sur le lien entretenu entre la contraction des muscles du visage et les émotions qui en découlent inconsciemment.
Si vous vous efforcez de sourire, vous serez plus heureux.
Si vous vous tenez droit comme un « i », vous améliorerez votre sentiment de fierté.
Si vous apprenez une langue étrangère, en plaçant vos mains sous la table en poussant vers le haut, alors vous mémoriserez plus facilement (action d’amener les choses à soi).
Vous avez besoin d’être créatif : levez les yeux au ciel et réfléchissez ainsi.
Vous avez besoin de vous motiver, alors brandissez le poing pour stimuler votre agressivité …
Certains auteurs nomment ces phénomènes : effets d’incorporation .
Une équipe de chercheurs de l’Hôpital de la Salpêtrière à Paris en France vient de découvrir les bases biologiques des effets d’incorporation.
Un agrégat de neurones de la taille d’un haricot situé au cœur de cerveau, le noyau sous thalamique aurait ce pouvoir quasi magique de transformer une activation musculaire en une réponse affective.
Cet amas de cellules d’à peine 1 cm de long est le point de convergence des circuits neuronaux provenant essentiellement de 2 régions (noyau caudé et pallidium) où sont traités les informations qui interviennent dans les émotions, les mouvements, et les décisions.
Le noyau sous thalamique est donc séparé en trois parties distinctes qui se jouxtent. Ces trois territoires ne sont pas rigoureusement délimités.
On passe progressivement de l’un à l’autre selon un schéma grumeleux.
Surtout, il semblerait qu’on y trouve des assemblées de neurones mixtes , c’est à dire excités par l’un et l’autre des territoires adjacents.
C’est cette double fonction des neurones mixtes qui provoque des ressentis « émotivo-moteurs ».
L’activation de ces neurones mixtes générera un ressenti émotionnel suite à une activation par un effet musculaire, et vice versa.
De plus, le noyau sous thalamique est un goulot d’étranglement au sein duquel se côtoient dans un volume particulièrement réduit les informations cognitives, motrices, et émotionnelles.
Pour ces raisons, la réflexion, l’action, et les émotions sont amenées, chez l’être humain, à interagir en conjonction à tout instant.
Carl Rogers est un psychologue humaniste Américain décédé en 1987 à l’âge de 85 ans.
Les fins connaisseurs de l’histoire de la psychologie se souviennent de lui pour être le créateur de la notion de congruence.
Vous savez bien, en géométrie riemannienne, une congruence est l’ensemble des courbes intégrales associées à un champ de vecteur, et … je plaisante, je ne parle pas de la congruence mathématique, mais de celle connue en sciences molles !
Pour simplifier, la congruence est un état parfaitement harmonieux entre ce que je pense, ce que je dis, et ce que je fais.
C’est un état émotionnel particulièrement rare à l’état natif. Il s’obtient presque toujours à l’issue d’un long travail sur soi-même.
A l’aune des travaux des chercheurs de la Pitié-Salpétrière, il semblerait bien que la congruence ne soit qu’une sorte de domestication du fonctionnement du noyau sous thalamique.
Avec du travail, certains individus réussiraient à faire travailler de manière harmonieuse les 3 parties du noyau sous thalamique.
Ami trader, la congruence est une des grandes qualités que vous devez posséder.
Le cas échéant, il faudra la développer, à défaut de mourir ruinés sur les marchés financiers.
Ne pas prendre ses pertes à temps, faire trop d’opérations, ne pas bâtir un plan de trading, ne pas aller contre le marché, ne pas pyramider à la baisse, ne pas trader par revanche, ne pas fixer un stop de protection dès l’achat, etc, … la liste des préconisation est longue. Elle sonne comme les injonctions d’une mère qui ne comprend rien à l’attitude sauvage et rebelle de l’adolescent.
Bref, vous connaissez probablement ces conseils par cœur, et ils vous semblent sensés mais tellement superflus.
Car, immanquablement, à la fin d’un ouvrage traitant de trading, on trouve un pavé nommé « Money management », ou « Risk management ».
Cette partie, réduite à la portion congrue par les rédacteurs (3% du nombre de pages de mes livres, ai-je dénombré !), est souvent aussi négligée du lecteur qui pense alors que les conseils prudentiels de gestion des gains et des pertes ne servent à rien, qu’ils sont évidents, que c’est bien trop facile à appliquer ...
A leur décharge, il convient de noter que le lecteur vient de se concentrer plusieurs heures, parfois quelques dizaines d’heures, sur des chapitres abscons dans lesquels la prose de l’auteur démontre catégoriquement, grâce à moult outils mathématico financiers, que l’important pour la gagne réside dans des techniques !
Or, rien n’est plus faux. La gagne se fait, bien plus en proportion, par la maîtrise des émotions et l’établissement de comportements adaptés aux conditions de marchés, que par la connaissance d’objets scientifiques.
Pour vous en convaincre, pensez aux chercheurs à qui furent décernés le prix Nobel de mathématique, de physique, ou d’économie … tous seraient milliardaires si le jus de neurone seul servait à l’affaire.
Pour entrer sur les marchés, vous allez devoir choisir une valeur, puis trouver un bon point d’entrée, et enfin passer à l’acte d’achat (Réflexion + Action).
Ce faisant, vous solliciterez votre noyau sous thalamique (Action = émotions).
Dans la foulée, à votre insu, la machine à générer des émotions va se mettre en marche … et, il faudra composer avec de nombreux sentiments contradictoires tant que vous resterez en position.
Avant la revente, vous serez de nouveau soumis au même processus de réflexion, de choix et d’action, ce qui aboutira à un autre cortège d’émotions qui chaufferont à blanc votre petit haricot sous thalamique.
Il est dans la nature humaine de prendre des bénéfices rapidement et de repousser au maximum la prise de ses pertes.
Les gens se trouvent alors sous pression, et se laissent aller aux comportements irrationnels … la catastrophe n’est jamais bien éloignée de ce point.
Seul un respect scrupuleux des règles de trading peut éviter cet écueil.
Cela passe par une éducation parfaite du noyau sous thalamique.
Un apprentissage qui permet d’agir sans émotions, et surtout, de s’en tenir quoiqu’il arrive à ses propres règles de trading.
Cela revient à apprendre à agir à froid, dépouillé de toutes émotions, en toutes circonstances … voilà qui est presque une pathologie du cerveau, une maladie congénitale, car nous l’avons vu plus haut dans notre étude : actions et émotions sont en réalité très liées sur le plan biologique.
Supprimer les émotions disions nous … que penser de ceux qui automatisent, par le biais d’automates et de programmes, leurs décisions d’achat et de vente afin de s’extraire du joug des émotions ? Ils disposent d’un joli début de réponse à la gagne semble-t-il.
En effet, les émotions découlent directement de nos actions. Ces émotions nuisent à la régularité, qu’on se le dise … mais, c’est notre nature même d’homme qui le veut.
C’est la conformation du noyau sous thalamique qui en est la cause. Pour améliorer la mécanique, adressez vous à dieu !
Tout comme l’apesanteur qui s’applique à tous, à tout instant, et en tous lieux de l’univers, l’émotion est une forme de règle de la pesanteur dont il semble quasiment impossible de s’affranchir au vu sa portée même et de son mode d’action.
Pensez y avec profondeur, car les pertes en bourse suivent les règles de la pesanteur : elles ont d’autant plus de force à l’impact qu’elles viennent de haut …
Surtout, prenez garde à ne pas devenir un l’acrobate rêvant d’une défaillance de la pesanteur qui lui permettrait de ne jamais retomber.
Cela n’est jamais arrivé, et n’adviendra que … très précisément jamais.
Christophe Gautheron