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Bourse et colère

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La bourse : royaume de l’argent, ou patrie de la contrariété ?

Vous venez de détecter un signal d’achat fort sur votre valeur boursière fétiche. Vous décidez de vous accorder quelques secondes, juste le temps de placer un ordre d’achat à cours limité, à peine la durée nécessaire pour déterminer combien d’actions acheter et à quel cours.

Mais, le marché ne vous attend pas … et le titre décolle comme une fusée.

Votre ordre à cours limité vous met hors jeu, et bien évidemment personne n’accepte de vous vendre quoi que ce soit au cours de radin que vous aviez fixé.

Ou plutôt si, mais vous êtes servis de 3 actions sur un total demandé de 350, en conséquence de quoi, vous venez de payer des frais d’achat maximaux pour une quantité négligeable !

Vous annulez le mouvement avorté, et essayez de prendre possession de votre bébé à l’aide de la commande « achat à tout prix ».

Vous venez d’acheter au prix du meilleur vendeur glissant rapidement à la hausse sous l’effet de multiples convoitises identiques à la votre… ce point  est 1% plus élevé que celui du meilleur acheteur … et il se trouve que ce cours est aussi le plus haut du jour !

A partir de votre point d’entrée, le titre retrace fortement de concert avec tous les indices directeurs, mais  bien plus rapidement que ceux-ci.

Au bout de deux heures d’attentes, votre moins value est de -2,5%. Vous pensez qu’il faut stopper le carnage, et vous sortez en vendant toutes les actions que vous déteniez.

A cet instant, vous hallucinez !

Immédiatement après la cession de vos valeurs au plus bas, le titre s’envole à nouveau … il ne vous reste plus que vos yeux pour pleurer et voir le titre s’emballer à nouveau à la hausse, mais sans vous !

Acheter au plus haut de la rampe, sans attendre un retracement pour se placer au mieux à la baisse, puis vendre à perte à l’apogée des ventes juste avant un redressement fulgurant des cours, ce n’est pas la première fois que vous commettez cette étourderie.

Vous fulminez contre vous-même, contre cette satanée incapacité à respecter les règles de trading établies.

Vous venez de perdre de l’argent, une fois de plus, alors que vous pouviez en gagner facilement.

Plusieurs centaines d’euros évaporés … sur une seule valeur …  pour une erreur de débutant, récurrente en ce qui vous concerne : bien difficile à digérer.

Le lendemain matin vous n’avez toujours pas décoléré.

Vos mains tremblent un peu. Vous sentez confusément que vous êtes sous tension. La fureur est en vous, c’est elle votre guide depuis 24 heures.

Hier soir, Claudine votre épouse et Gabrielle votre petite fille ont fait l’expérience malheureuse de votre caractère d’homme en colère dans toute sa palette de teintes :    injuste, grognon, révolté, mécontent, hargneux, tendu, impatient, et agressif ont été vos couleurs !

Comme le notait l’écrivain Samuel Richardson, il y a de cela plusieurs siècles : « Les hommes coléreux se font à eux-mêmes un lit d'orties » … des orties dont vous continuez à vous  flageller le corps et l’âme jusqu’au rouge vif.

En bourse, à la douleur de la perte vient souvent s’ajouter celle de la colère.

Tant que celle-ci n’est pas apaisée, il est impossible de trader à nouveau correctement, c'est-à-dire sans peur, ni désir de revanche, ni tentation de se refaire à tout   prix.

La gestion des émotions est une variable de premier rang  dans la performance boursière.

Il va bien falloir apprendre à domestiquer votre colère.

Mais qu’est ce donc que la colère ? A quoi sert-elle ? Quels en sont les circuits psychologiques ? Quels en sont les ressorts physiologiques ?

Le cerveau dit tri unique est une modélisation simplifiée du cerveau proposée par le scientifique Paul MacLean.

D’après ce modèle, l’homme possède physiquement trois cerveaux distincts, empilés les uns sur les autres, et interconnectés entre-eux.

 Ces trois entités du cerveau se  nomment, en partant du centre de la tête vers l’extérieur du crâne: cerveau reptilien, système limbique, et cortex cérébral.

La colère est la manifestation physique d’opérations cachées dans ces sous systèmes du  cerveau.

C’est ce modèle que nous allons utiliser pour effeuiller dame colère.

Le premier acteur à rentrer en scène est le cerveau reptilien. Il est anatomiquement composé du tronc cérébral, et du mésencéphale.

A notre insu, il pilote les modifications corporelles comme : l’accélération du cœur, la pression artérielle, ou le tonus musculaire.

Puis, c’est le système limbique qui joue sa partition.

Il est composé pour l’essentiel de ce qui nous importe du noyau amygdalien. Il dirige, toujours de manière inconsciente pour le sujet, l’apparition d’expressions faciales et d’attitudes  caractéristiques de la colère : front plissé, yeux exorbités, poing serré, canines découvertes, par exemple.

Enfin, c’est le   cortex cérébral qui s’impose sous l’effet d’une région du cerveau appelée : le cortex frontal.

Le cortex cérébral dirige le seul échelon de la colère dont l’être humain peut avoir conscience, et avec lequel il peut partiellement jouer.

 Ici, se trouve l’extériorisation verbale de la colère, ainsi que les préparatifs d’agression.

On y trouve comme signes caractéristiques : les modifications du ton de la voix, ou l’amorce des mouvements amples d’intimidation, par exemple.

Tous les êtres humains, ainsi que la majeure partie du monde animal supérieur, présentent la structure encéphalique et les attitudes que nous venons de décrire.

Aussi, la plupart des chercheurs admettent-ils  aujourd’hui que ceci procède d’un support génétique commun, plutôt que de la culture.

La colère, notamment sous l’effet du système limbique,  envoie des signaux à une structure cervicale nommée hypothalamus. Cette zone du cerveau est connectée à l’hypophyse, une glande qui agit sur le système endocrinien.

Ainsi, lors d’un accès de colère, le système endocrinien place le corps en  posture d’attaque  sous l’effet de nombreuses hormones, telles l’adrénaline, la noradrénaline, la dopamine, ou la testostérone.

La colère est donc, sur le plan systémique, à considérer comme une bombe thermonucléaire qui exploserait dans une cocote minute.

A ce stade, il faut bien comprendre que la colère est loin d’être neutre pour l’intégrité du corps et de l’esprit.

D’ailleurs, la plupart des sages, et  des religions rejettent cette émotion censurée qu’ils considèrent comme néfaste à l’épanouissement.

Citons la tradition catholique, qui fait de la colère un des sept péchés capitaux avec : la paresse, la gourmandise, l'orgueil, la luxure, l'avarice et l'envie.

Chez les bouddhistes, la colère fait partie des trois poisons de l'esprit, avec l'avidité, et l'ignorance.

Il n’y a pas vraiment une hormone unique de la colère, mais plutôt une large palette d’hormones qui pilotent des processus vitaux très différents.

De même, la multiplicité des structures cérébrales intervenant dans la colère prouve qu’il n’existe pas un  centre exclusif  responsable de ce sentiment.

La colère émerge des interactions entre plusieurs zones cérébrales.

Par contre, le niveau général d’excitation  du système nerveux lors d’une colère fait que  les colères répétées modifient les connexions entre neurones de manière quasi définitive.

Ainsi, le cerveau dans les cas critiques est modifié par la colère, et l’empreinte des situations persiste pour toujours, modifiant tous les actes et toutes les pensées ultérieures.

 Le fonctionnement par exception, celui de colérique, devient le mode opératoire privilégié : gare aux dysfonctionnements sociaux et médicaux.

L’expression de la colère joue un rôle d’avertissement envers les autres et permet la conciliation entre les individus car la colère constitue un moindre mal, par rapport à une altercation en bonne et due forme.

Ainsi, sur le plan évolutionniste la colère est un avantage adaptatif : celui qui affiche sa colère de manière convaincante évite le combat, voire la mort.

Celui qui survit en se contentant d’afficher des attitudes convaincantes, plutôt que d’avoir à prouver sa supériorité  par la rixe, possède un avantage compétitif gagnant sur ses concurrents.

Il a plus de chance de transmettre son patrimoine génétique à ses descendants.

De cette façon, les gènes codant les mimiques de colères les plus efficaces ont été sélectionnés au cours de l’évolution.

Tout a été expérimenté par la  dame nature  et, ce qu’il reste aujourd’hui comme signes visibles, n’en  sont que les plus performants.

La colère signale toujours une insatisfaction, ou un conflit.

Elle envoie un signal permettant de réagir, et produit l’influx nerveux nécessaire au changement du cours des évènements.

La plupart du temps, lorsque nous éprouvons de la colère, elle disparaît simplement parce que, d'une façon ou d'une autre, nous résolvons le problème qui en est la cause.

Amis boursicoteurs, pour ne plus céder à la colère, vous devez régler vos problèmes, leur trouver des solutions adéquates.

La bourse étant une activité probabiliste, il n’existe aucun moyen de réussir à tous les coups.

Alors, quelles que soient vos tentatives pour résoudre le problème de « la gagne à tous coups », sachez que vous serez fréquemment confrontés à l’échec … et par conséquent à la colère.

Dés lors, comment conjuguer la colère ?

Les systèmes anti-erreurs dit « poka yoke » des ingénieurs industriels, ou la « check list » des pilotes de lignes sont une aide appréciable contre toutes les erreurs dites « prévisibles » et qui ne sont que des erreurs procédurales.

Vous pouvez aisément les éviter en notant vos pratiques, puis en examinant de près vos travers.

Dans vos tâches de perfectionnement, vous serez souvent accompagné de votre broker.

En effet, de nos jours,  de nombreux logiciels de trading possèdent des outils pour vous faciliter les tâches, être plus productifs, et plus intuitifs dans les manipulations.

Pour le reste des anomalies, à savoir un seul cas : des cours qui s’envolent dans un sens vous étant préjudiciable : seuls un plan de trading et des règles de « money management » peuvent vous sauver … mais vous le savez déjà !

Dans une activité boursière, la colère est donc inévitable en certains instants exotiques durant lesquels rien ne se passe comme prévu, et cela, parfois  sur de très longues périodes.

Pour tenir jusqu’aux beaux jours, il faut traiter la colère, mais ne pas la contenir.

Car, contenir sa colère trop longtemps est préjudiciable.

En effet, le système nerveux sympathique et le corps sont dans un état de tension permanente.

A cet instant, des automatismes nerveux, et des mécanismes hormonaux s’enclenchent.

style="font-family: calibri; font-size: 13pt">On constate alors des états de tension chroniques, des troubles cardio-vasculaires, et un affaiblissement du système immunitaire.

 

L'expression « la moutarde me monte au nez » traduit bien la sensation physique que produit le début de cette mobilisation physiologique.

Une étude récente effectuée sur plusieurs dizaines de milliers de citoyens Américains montre que les individus laissant exploser de temps à autre leur colère subissent statistiquement deux fois moins de crises cardiaques que ceux qui refrènent leur colère.

Ainsi, un mode de traitement courant et efficace de la colère est le mode verbal.

Eschyle écrivait déjà, il y a plusieurs milliers d’années que « la parole apaise la colère ».

Mais, ce mode de « dé-stressage » très efficace n’est pas unique. Il en existe une infinité.

Dans l’idéal, chacun gagnerait à apprendre dès l’enfance à libérer au mieux, c'est-à-dire selon des procédures très personnelles,  à libérer sa fureur de façon saine et inoffensive, pour soi, mais aussi pour son environnement.

Quoi que vous fassiez, la colère aura toujours tendance à submerger vos affects, mais avec du travail, il sera possible de s’en accommoder, et peut être d’en faire bon usage, grâce à l’aide de votre cortex.

Le cortex … vous savez, cette partie du cerveau que je vous ai présentée plus haut, que tout le règne animal nous envie, et au sein duquel siège des fonctions cognitives uniques connues pour être les plus évoluées de la création.

Et, ne vous inquietez pas trop de l’effet de la bourse sur votre santé, car comme l’affirmait Savinien Cyrano de Bergerac : « Il n’y a rien de si nuisible à la santé que la mort ».

 

Christophe Gautheron

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