Le grand économiste Ludwig von Mises, fervent partisan de l’étalon-or, nous expliquait, avec un exemple simple, comment cette augmentation de la masse monétaire cause une hausse déséquilibrée des prix.
« Un Etat entre en guerre mais il manque d’argent pour acheter de l’armement. Il crée pour cela du nouvel argent avec des emprunts et jette sur le marché ses billets nouvellement imprimés, ce qui fait monter les prix des biens et de la main-d'oeuvre dont il a besoin. Les prix de ces biens et de cette main-d'oeuvre augmentent; mais les prix des autres biens et de la main-d'oeuvre non requis par l'Etat restent tout d'abord stationnaires. Ils ne commencent à monter que lorsqu’eux aussi voient arriver les nouveaux billets. Tous ceux dont les revenus augmentent du fait des commandes de l'Etat (dans notre exemple, les entrepreneurs et les ouvriers des industries d'armement), font à leur tour monter les prix par la demande accrue des marchandises qu'ils désirent acheter. L'augmentation des prix se poursuit ainsi, de groupe en groupe, jusqu'à ce que, finalement, elle s'étende à tous les prix et tous les salaires. Mais tant que cette hausse des prix n'a pas accompli son périple complet à travers toute l'économie, elle nuit à toutes les personnes qui ne peuvent retirer que les prix anciens des marchandises ou des services qu'ils ont à offrir, alors que, pour les marchandises et pour les services dont ils ont besoin, ils ont à payer les nouveaux prix augmentés. Ce sont ces couches-là de la population qui paient la taxe cachée de l’inflation.
Par ailleurs, les grandes fortunes sont généralement investies en actions, entreprises, maisons ou terrains, alors que les modestes fortunes de la classe moyenne sont simplement déposées sur un compte épargne, ou investies en obligations. Les moins favorisés deviennent ainsi les créanciers des plus riches à qui appartiennent les entreprises, maisons et terrains endettés. La destruction de la valeur des créances par le processus de l’inflation est également un préjudice pour les pauvres. »
L’inflation cause un transfert de la richesse. Elle favorise les actifs des riches aux dépens des actifs des pauvres, et elle favorise celui qui s’endette aux dépens de celui qui prête.
Pendant que la masse mondiale de biens quadruplait au cours des 30 dernières années, la masse monétaire était multipliée par 40 ! Une légère inflation de la masse monétaire est souhaitable pour accompagner la croissance économique (mesurée par le PIB), mais aujourd’hui, la masse monétaire croît beaucoup plus vite que le PIB, et c’est la raison pour laquelle les prix grimpent en causant une mauvaise redistribution de la richesse. Si la masse monétaire restait la même, elle pourrait acheter davantage de biens et de services lorsque l’économie se développe, ce qui se traduirait par une hausse du pouvoir d’achat de la monnaie, donc une baisse des prix. Et c’est ce qui s’est passé entre 1800 et 1913 aux Etats-Unis avec un dollar basé sur l’or : baisse de 21% sur le niveau général des prix. Donc, en quelque sorte, la richesse produite par l’accroissement du PIB était redistribuée uniformément en faisant baisser les prix des biens et des services. Je ne pense pas que la population de l’époque s’en plaignait autant que certains économistes veulent bien nous le faire croire. Mais l’idéal, autant pour l’économie que pour la répartition des richesses, est une monnaie dont le pouvoir d’achat reste stable.
Si l’or devait être utilisé comme monnaie aujourd’hui, il connaîtrait une légère inflation avec la production des mines d’or, de +1,55% en moyenne annuelle depuis 1959. Nous pouvons rapporter cette valeur avec les 7,8% d’inflation moyenne annuelle pour la masse monétaire américaine M3, sur la même période. A noter que la quantité d’or par habitant a légèrement diminué depuis 1959, puisque la population mondiale croît avec une moyenne +1,64% par année depuis 1959.
Il existe un éternel débat entre économistes, pour savoir si nous allons entrer dans une ère inflationniste ou déflationniste. Etant donné les implications radicalement différentes qu’auraient l’inflation ou la déflation sur nos décisions d’investissement, nous devons bien choisir notre camp. Mais comme vous le verrez plus loin, l’issue du débat n’est finalement pas si déterminante pour l’or en tant que valeur refuge.
Léonard SARTONI