Le miracle nord-américain va-t-il s’étendre au Québec?
Lu ici12 000 puits sur une des plus belles îles du St Laurent
L’île d’Anticosti est surtout connue comme un paradis de la chasse au cerf de Virginie. Mais on y retrouve aussi des rivières à saumon exceptionnelles. Selon les données officielles du gouvernement du Québec, près d’une vingtaine d’espèces animales et végétales en péril se retrouvent sur Anticosti ou dans le secteur la ceinturant. Sans oublier qu’il s’agit d’un site géologique unique en Amérique du Nord. Ce petit paradis, situé en plein milieu du St Laurent recèle en autre trésor du pétrole de schiste.En tenant compte de la superficie de l’île et en se basant sur des forages horizontaux avec fracturation déjà menés au Canada et aux États-Unis, Marc Durand, qui a étudié pendant plusieurs mois le cas de l’île, évalue que les compagnies pétrolières devraient forer 12 000 à 15 000 puits. « Si on regroupe les puits à raison de six par plateforme de forage, il faudrait 2000 plateformes. Selon ce que j’ai constaté, le rayon d’action d’un forage est en moyenne de 1000 mètres. Il faut donc implanter une plateforme tous les deux kilomètres sur toute la surface de l’île pour exploiter au maximum le gisement, d’après les chiffres avancés par les promoteurs. [...] Les plateformes de forage pourraient occuper 4 à 5 % de la superficie de l’île, ajoute ce professeur retraité du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM. Et on ne parle pas des infrastructures qui doivent être mises en place. Le paysage serait radicalement transformé. » Il reconnaît que les chiffres qu’il avance pourraient devoir être révisés, mais il estime avoir tenté de faire un travail « factuel » de manière indépendante afin de mieux comprendre ce à quoi ressemblerait l’exploitation d’énergie fossile sur la plus grande île du Québec. « Vous pouvez vous imaginer ce que représente le débarquement de matériel, le camionnage, les plateformes de forage, la construction d’oléoducs, d’un port, etc. Pour les entreprises pétrolières présentes sur Anticosti, l’exploitation signifierait plusieurs dizaines de milliards de dollars d’investissements. Et on parle de décennies de travaux»
L’enjeu?
Selon des données préliminaires, le sous-sol de l’île pourrait contenir pas moins de 40 milliards de barils de pétrole. «Lorsque les politiciens reprennent des chiffres, ceux-ci viennent le plus souvent du promoteur. N’importe qui, voyant le chiffre de 40 milliards de barils et la dette du Québec, ne peut que rêver. Mais c’est fou. Aucun scientifique ne va dire que dans le cas du pétrole de schiste, on pourrait exploiter la totalité de la ressource. » Le taux de récupération sur Anticosti pourrait être similaire à ce qu’on observe au Dakota du Nord, c’est à dire 5%, soit, tout de même,deux milliards de barils.La contrepartie
« En fait, ce sera absolument démesuré par rapport à ce que l’île pourra encaisser d’un point de vue environnemental. Mais c’est un choix. On peut se dire qu’on y va parce qu’il y a tellement d’argent à faire qu’on oublie l’île ». C’est là le raisonnement qui prévaut. Mais, bien sûr, ce n’est pas le seul. Une pétition a déjà recueilli 25 000 signatures réclamant un « moratoire immédiat pour éviter des dommages environnementaux irréversibles » sur l’île. Pour l’instant le gouvernement reste ferme sur sa position. Il promet de mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement pour étudier le dossier pétrolier sur l’île, mais seulement une fois que les auront terminé l’exploration. Pétrolia et Junex prévoient des travaux de forage au cours des prochains mois. Junex a déjà évoqué l’idée de procéder à de la fracturation dès 2014.Préserver l’environnement de l’île ou permettre au Québec de produire 2 000 000 000 barils de pétrole? Le débat sera houleux et la France regardera avec intérêt son évolution.