Alors le débat s’est installé ces derniers jours au sein du gouvernement. Deux tendances se dessinent nettement pour gérer la disparition annoncée du diesel. Pas moins de quatre ministres se sont s’exprimés sur un sujet où le Premier Ministre est resté particulièrement discret.
Deux camps dans le gouvernement
D’un côté, il y a celles qui veulent une convergence de la fiscalité du diesel avec le sans plomb et donc la fin du régime fiscal dérogatoire. Pour Delphine Batho, ministre de l’environnement, la convergence ne doit pas se faire du jour au lendemain : « il y aura une progressivité », avance-t-elle, « les français s’y retrouveront. » Mais consciente que le prix du diesel augmentera inévitablement car la convergence se fera vers le haut, elle s’empresse de rassurer les français en déclarant qu’ « il ne s’agit pas de leur causer une difficulté supplémentaire », que des « compensations et des mesures de justice sociale » seront prises et qu’il faudra « aider les catégories moyennes et populaires à changer de voiture. » Cécile Duflot, ministre du logement, emboîte le pas de sa collègue en déclarant le 3 mars sur France Inter à propos de la différence de taxation des deux types de carburants que « cet anachronisme dangereux pour la santé doit être supprimé. » Pour les deux femmes, la solution est dans une hausse de la fiscalité du diesel.
De l’autre côté, il y a ceux qui ne veulent pas d’une nouvelle taxe. Au moins ils ont conscience qu’il faut éviter de mettre le feu aux poudres, ce que les vapeurs de diesel pourraient faire. Pierre Moscovici, ministre de l’économie, ne veut pas entendre parler d’un alignement du diesel sur le sans plomb : « il n’y aucune forme d’augmentation de la fiscalité du diesel qui soit prévue », a insisté le ministre le 3 mars lors de son interview au Grand Jury-RTL-LCI-Le Figaro. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, abonde dans le même sens que son collègue de l’économie : « utiliser le diesel comme source de financement de l’Etat n’est vraiment pas la bonne politique » a-t-il affirmé le même 3 mars lors du Grand Rendez-vous Europe 1-iTélé-Le Parisien. Pour les deux hommes, l’idée s’oriente vers une prime de conversion incitant à changer de véhicule.
La prime de conversion imposera-t-elle le choix d’une voiture française ?
Comme toujours, Arnaud Montebourg se distingue dans le concert socialiste. Pour lui, la prime à la casse est bonne à mettre à la casse. Il est catégorique : « nous sommes opposés aux primes à la casse car ça a été une drogue qui a précipité nos constructeurs dans la difficulté. Ça fait trop de dégâts. » Mais ne croyez pas qu’Arnaud Montebourg remette tout-à-coup en cause le principe d’une subvention ou d’une aide de l’Etat. Pas du tout ! Pour lui, la prime à la casse est mauvaise car elle a permis aux clients de faire jouer la concurrence – ce qui est inadmissible – et pire, cette prime a « garni les commandes des constructeurs non français. » Pour Montebourg, la prime doit être patriotique : c’est la prime de conversion. Il explique sa logique : « Notre souhait est de trouver une formule qui permette non pas d’attaquer le diesel, parce qu’attaquer le diesel, c’est attaquer notre industrie, c’est attaquer nos emplois, c’est attaquer le ‘Made in France’. »
Mais une fois qu’Arnaud Montebourg a dit cela, comment fait-on ? Il va falloir trouver un mécanisme qui favorise l’achat des véhicules français plutôt qu’étrangers. Cela réduit le choix des français pour les orienter de préférence vers les voitures françaises. Il n’est pas certain que l’autorité de la concurrence ou les associations de consommateurs soient d’accord avec ce principe. C’est un défi compliqué que se lance Arnaud Montebourg et il a bien raison de préciser qu’ « aucune décision n’est prise » tellement son idée paraît compliquée à mettre en œuvre.
Le diesel au niveau du sans plomb en 2014 ?
Dans ce concert d’avis et d’opinions, Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre, est sur la corde raide. Pour l’instant il considère qu’il est urgent de ne pas prendre de décision. Matignon préfère attendre les conclusions du Comité pour la fiscalité écologique créé le 18 décembre dernier et présidé par l’économiste Christian de Perthuis. « Le gouvernement attend ses conclusions et ses recommandations avant de prendre toute décision » déclare-t-on avec prudence rue de Varennes, en ajoutant pour calmer le jeu et éviter une nouvelle polémique dans un contexte déjà assez chargé que « quoi qu’il en soit, aucune mesure relative à la fiscalité ne sera prise avant la loi de finances pour 2014. » On attendra donc l’hiver prochain.
Mais de toute façon la cause est entendue : hausse de la fiscalité, prime de conversion, aide aux catégories moyennes et populaires, qu’elle que soit la forme que prendra l’incitation de l’Etat pour remplacer les véhicules diesel par des voitures sans plomb, ce seront toujours les contribuables qui paieront. Car « ne l’oublions jamais », insiste l’économiste Frédéric Bastiat, « l’Etat n’a pas de ressources qui lui soit propres. Il n’a rien, il ne possède rien qu’il ne prenne aux travailleurs » et à chacun des contribuables de sorte qu’ « il n’entre rien au trésor public, en faveur d’un citoyen ou d’une classe, que ce que les autres citoyens et les autres classes ont été forcés d’y mettre. »
Une seule mesure pourrait cependant sauvegarder le porte-monnaie des contribuables : diminuer le prix de l’essence sans plomb pour la mettre au même niveau que le diesel, voire plus bas. C’est la seule incitation à acheter des véhicules roulant au sans plomb qui ne coûterait rien aux contribuables et leur ferait même faire des économies ! Mais l’Etat y perdrait, c’est pour cela qu’aucun ministre ne l’a évoquée.